A la une

Le Déluge apparaît dans la littérature sumérienne. La Liste royale sumérienne donne une liste de rois, la durée de leur règne et leur ascendance. Ce texte débute par les souverains ayant régné de longues années sur cinq villes avant que survienne le Déluge. Après ce marqueur historique très ancien, le texte reprend la litanie des dynasties qui se sont succédé.
Une allusion au Déluge intervient aussi dans l’un des cinq épisodes sumériens connus de l’Épopée de Gilgamesh, celui qui relate la fin de vie du héros. Affaibli et alité, il revoit ses dernières aventures et sa rencontre avec Ziusudra, dont le nom signifie « Vie de longs jours », qui a survécu au Déluge et acquis l’immortalité. Gilgamesh, lui, doit mourir. L’épisode pluvieux et la manière dont Ziusudra l’a traversé sont relatés par un autre texte connu par une copie tardive et fragmentaire. Son histoire est très semblable à celle d’Atrahasis, le Supersage, rédigée en akkadien.
Le mythe d’Atrahasis, Sippar, XVIIe siècle av. J.-C. (© The Trustees of the British Museum CC BY-NC-SA 4.0).
Atrahasis est un mythe anthropogonique, c’est-à-dire qu’il commence par narrer la création de l’humanité. Il est connu par plusieurs manuscrits, dont les plus anciens remontent au début du deuxième millénaire. Les dieux créent l’homme pour subvenir à leurs besoins, mais les hommes se multiplient très rapidement et deviennent source de nuisance pour les dieux, qui décident de les éliminer. Avec l’aide du dieu de la Sagesse, Ea, seuls Atrahasis et les siens survivent aux fléaux envoyés par les dieux. Lorsqu’Enlil décide l’extermination de l’humanité par le Déluge en sollicitant Adad, le dieu de l’Orage, le sage Ea souffle à Atrahasis de construire un bateau pour s’y réfugier avec famille et animaux.
Les intempéries sont telles que « l’on ne se voyait plus et ne se reconnaissait plus dans la catastrophe. Le Déluge mugissait comme un taureau (…), le vent hurlait comme un corbeau criard. L’obscurité était dense, il n’y avait plus de soleil. » Alors que la pluie efface la vie à la surface de la Terre, les dieux découvrent la faim et la soif, ne recevant plus d’offrandes.
Après sept jours et sept nuits d’une pluie torrentielle, Atrahasis accoste et fait immédiatement un grand sacrifice aux dieux, les remerciant de l’avoir laissé en vie. Une fois rassasiés, les dieux reconnaissent leur erreur et décident de limiter la durée de vie des humains et de réguler les naissances par la stérilité naturelle de certaines femmes, la stérilité imposée à diverses catégories de religieuses et la mortalité infantile.
Tablette de l’Épopée de Gilgamesh avec l’épisode du Déluge, Ninive, VIIe siècle av. J.-C. (© The Trustees of the British Museum CC BY-NC-SA 4.0).
L’épisode du Déluge est à peu près identique dans la version akkadienne de l’Épopée de Gilgamesh et permet de reconstituer les passages abîmés du récit d’Atrahasis. Le survivant du Déluge se nomme alors Utanapishtim, qui signifie « vie de jours lointains ». Le cataclysme dure six jours et sept nuits, pendant lesquels « la tempête nivelle le pays ». Après la décrue des eaux, Utanapishtim observe : « C’était le silence et tous les êtres vivants s’étaient changés en argile. » Il attend pendant sept jours encore avant de lâcher successivement une colombe, une hirondelle, puis un corbeau. Seul ce dernier trouve un endroit où se poser. Utanapishtim peut quitter son embarcation et, de même qu’Atrahasis, organise un grand sacrifice : « Les dieux sentirent l’odeur et se rassemblèrent comme des mouches au-dessus de l’offrande. » En souvenir de cet épisode, la grande déesse Nintu se pare d’un collier de mouches en lapis-lazuli.
Le mythe du Déluge circule dès la deuxième moitié du deuxième millénaire au Levant. Des manuscrits relatant l’Épopée de Gilgamesh et l’histoire d’Atrahasis ont été découverts respectivement à Megiddo et à Ugarit. La version reprise dans le livre de la Genèse introduit l’arc-en-ciel, qui symbolise l’alliance de Dieu avec Noé, et précise que la faute des hommes est à l’origine du châtiment divin.
Depuis plus d’un siècle, les archéologues cherchent les traces d’inondations (ou encore de sécheresse intense) qui expliqueraient le déclin de certaines civilisations et des périodes non documentées de l’histoire. Sur certains sites du sud de l’Irak, à Ur, Kish ou Shuruppak, les fouilleurs ont relevé des couches d’argile épaisses, vierges de vestiges archéologiques. Mais la chronologie différant d’un site à l’autre, il s’agit plutôt des témoignages de grandes crues du Tigre et de l’Euphrate antérieures aux premiers récits du Déluge.
Étant donné la fragilité de nos sociétés vis-à-vis du climat, avérée depuis la nuit des temps, nous devons faire des efforts pour ne pas aggraver le réchauffement climatique et préserver notre planète pour les générations futures.