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Ce blog est alimenté par Dialogues économiques, une revue numérique de diffusion des connaissances éditée par Aix-Marseille School of Economics. Passerelle entre recherche académique et société, Dialogues économiques donne les clefs du raisonnement économique à tous les citoyens. Des articles sont publiés tous les quinze jours et relayés sur ce blog de CNRS le journal.

 

 

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Un vent nouveau souffle sur la Chine: que faire de la pollution ?
13.02.2019, par Claire Lapique
Quel est l'impact de la pollution sur l'économie chinoise ? Quelles sont les différentes solutions ? Les réponses dans ce nouveau billet du blog "Dialogues économiques".

Lorsque le poumon économique respire un air pollué, l’économie s’essouffle. Aussi, à force de courir, la Chine est devenue asthmatique. La population s’intoxique au rythme des pulsations économiques : produire pollue trop souvent. Les économistes Natacha Raffin et Thomas Seegmuller expliquent ce que traverse la Chine où la pollution atteint à la fois l’espérance de vie, la stabilité économique et le bien-être. Ils décryptent les réponses possibles pour éviter l’asphyxie. 
 
Il y a quelques années, la Chine est entrée dans ce que certains ont baptisé « airpocalypse », une ère où la pollution de l’air atteint des sommets et dans laquelle les masques semblent être les meilleurs alliés de la population. Les Chinois risquent leur santé et l’espérance de vie de la population en prend un sérieux coup. 

Alors que les économies les plus avancées ont réussi à augmenter l’espérance de vie de leur population, de nouvelles maladies émergent, dont beaucoup sont liées à la pollution. Selon une étude de l’Université de Chicago, publiée en 2017, les Chinois perdent trois ans et demi en moyenne au cours de leur vie. Dans les zones les plus touchées, le voyant vire au rouge. Au Nord de la rivière Huai, là où la population a consommé régulièrement du charbon durant les froids hivers de 1950 à 1980, l’espérance de vie a dégringolé de 5,5 ans, par rapport aux habitants de la rive Sud.

Pour les deux économistes, Natacha Raffin et Thomas Seegmuller, la pollution est une sérieuse menace pour la stabilité économique. Ils décryptent son empreinte, à la fois sur l’espérance de vie, la stabilité économique et le bien-être citoyen dans un article publié dans la revue Environmental and Resource Economics.

Une relation à trois : santé, pollution et soutenabilité

L’envol des économies ne peut-elle se faire sans y laisser des plumes ? Produire est à double tranchant : d’un côté la croissance décolle, de l’autre, la pollution dépote et obscurcit l’horizon économique. 

Les mécanismes sont nombreux. Pour les deux auteurs de « The Cost of Pollution on Longevity, Welfare and Economic Stability », c’est l’impact de l’espérance de vie sur le taux d’épargne qui pèse dans la balance. Le lien qui les relie est double. D’abord, plus les gens vivent longtemps, plus ils accumulent de capital, sous forme d’investissements. L’épargne augmente alors. Et comme ces investissements servent à couvrir des dépenses de santé, l’espérance de vie s’améliore par la même occasion. Les deux variables sont complémentaires : quand l’une augmente, l’autre suit. 

La hausse de la pollution produit un effet de cascade. La population tousse, l’espérance de vie courbe l’échine et le taux d’épargne s’affaisse. Alors, quand la pollution a un impact déterminant sur la santé publique, comme c’est le cas en Chine, la soutenabilité de l’économie chancelle. Le taux d’épargne n'encourage plus la production avec la même force qu’avant. Des cycles endogènes surviennent et perturbent la stabilité économique. 

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  • Encadré : Les cycles économiques​

Les économies de marché connaissent, au cours de leur croissance à long terme, des fluctuations de l’activité, appelées cycles économiques. Ils concernent à la fois les phases de récession et d’expansion. Des chocs extérieurs, sont susceptibles de détériorer la stabilité économique. Les chocs technologiques sont des exemples incontournables. Ces phénomènes présentent des variations ayant lieu en dehors de la sphère économique. ​
Indépendamment des chocs extérieurs, toute économie est contrainte par des mécanismes déstabilisants, rendant ainsi les cycles inéluctables. L’identification des perturbations peut recouvrir différentes interprétations : qu’elles soient basées sur la demande ou sur les distorsions de marché.  
Pour en savoir plus : Hairault, J. O. (sous la direction de) (2000) : Analyse Macroéconomique, Tome 2, chap. 20 et 21.

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Alors qu’augmenter le capital améliorait le bien-être citoyen, le facteur pollution change la donne. À partir d’un certain point, l’augmentation de la production est contrebalancée par les effets néfastes (aussi appelés externalités négatives) qu’elle engendre sur l’environnement, et donc, sur le bien-être citoyen.  

Un second souffle   
 
En Chine, l’airpocalypse devrait céder la place à une nouvelle « civilisation écologique » prônée par le président Xi Jiping. Le gouvernement semble remuer ciel et terre pour contrer les nuages toxiques qui l’assombrissent. Peut-être a-t-il pris la mesure du danger, non seulement sanitaire mais aussi économique auquel il fait face ? 

Dès 2013, il a lancé un plan contre le changement climatique. En quelques années, la Chine est devenue le premier producteur mondial d’énergie solaire et a réduit sa consommation de charbon de 50% entre 2013 et 2018. À la fois première émettrice de gaz à effet de serre et farouche défenseuse de l’environnement, une schizophrénie s’est emparée de la Chine, comme le dirait Jean-François Huchet, auteur de La crise environnementale en Chine. 

Si le gouvernement chinois a choisi d’agir contre la pollution, les alternatives pour rendre l’économie pérenne sont diverses. Natacha Raffin et Thomas Seegmuller proposent d’évaluer deux principales politiques publiques permettant de sortir la santé et l’économie de cet épais brouillard. 

L’État dispose de deux leviers disponibles pour contrebalancer les externalités négatives dues à l’augmentation de capital. Dans leur modèle, il doit faire un arbitrage dans la répartition de son revenu national. Ou bien son budget est alloué aux dépenses de santé, ou bien il sert à juguler la pollution. Augmenter l’un revient donc à réduire l’autre. 

La première solution est curative : c’est le remède ex post pour soigner les « maladies modernes » causées par la pollution. La seconde est préventive : elle agit en amont sur la source des maux. Que choisir quand la contamination toque à notre porte ? Pour les auteurs, la réponse se trouve dans le partage initial du budget national.

Photo by Raj Eiamworakul on Unsplash

Faut-il prévenir ou guérir ? 

Si l’État allouait depuis longtemps une part importante de son budget à la santé publique – au détriment de la lutte anti-pollution - il est opportun de reporter ses efforts dans la dépollution. Lutter contre la pollution permet de contrecarrer la tendance donnée par la courbe de l’espérance de vie. Comme celle-ci ne peut progresser à vive allure indéfiniment, son ascension ralentit à un moment donné. Dans ce cas-là, il ne sert à rien de s’acharner en dépenses de santé. Si l’État accroît ses dépenses de santé, il réduit par le même coup le budget alloué à la dépollution. La contamination augmente et endommage d’autant plus la santé de la population. L’effet est donc contre-productif. 

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Encadré : la courbe de l’espérance de vie

Souvent dessinée, en théorie, en forme de U inversé, la ligne courbe de l’espérance de vie est dite concave. Elle fait d’abord grimper en flèche la longévité pour continuer sa lancée sur une pente plus douce. Les progrès qui ont permis d’augmenter le nombre d’années moyen vécus ont été fulgurants. En France par exemple, l’espérance de vie était de 43,4 ans pour les hommes et de 47 ans pour les femmes en 1900 et a augmenté à 79,2 et 85,4 ans respectivement, en 2014. Mais une telle hausse ne peut être observée indéfiniment dans le temps. À un moment donné, l’ascension de la courbe ralentit et progresse plus lentement.  
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Rétablir un environnement sain est une action qui prend du temps. Ceux qui en verront réellement les fruits sont les générations futures. En choisissant une telle politique, le gouvernement prend en compte le bien-être de sa population future. Natacha Raffin et Thomas Seegmuller considèrent la pollution comme un stock. Ils soulignent ainsi sa persistance dans le temps. C’est cette accumulation dans l’atmosphère qui lui donne son caractère intergénérationnel.  

Choisir une politique publique pour répondre à la pollution soulève donc bien des questions. La contamination de l’atmosphère s’insinue dans tous les paramètres du pays : la santé de sa population, son équilibre économique ainsi que le bien-être de ses citoyens. Pour être soutenable, il est dorénavant impossible d’ignorer le nuage gris qui grossit au-dessus de notre tête. La Chine, dans sa lutte acharnée, jette les bases d’une économie plus durable, et, par la même occasion, apaise son environnement et sa population, qui ont aussi « subi » avec toutes les conséquences que cela engendre, un développement économique effréné. 
  

Claire Lapique 

  
© Photo by Arran Smith on Unsplash 
Photo by Raj Eiamworakul on Unsplash
    
Référence : The Cost of Pollution on Longevity, Welfare and Economic Stability, Natacha Raffin et Thomas Seegmuller, Environmental and Resource Economics, Volume 68, Issue 3, pp. 683-704, 2017

 

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