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Ce blog est alimenté par Dialogues économiques, une revue numérique de diffusion des connaissances éditée par Aix-Marseille School of Economics. Passerelle entre recherche académique et société, Dialogues économiques donne les clefs du raisonnement économique à tous les citoyens. Des articles sont publiés tous les quinze jours et relayés sur ce blog de CNRS le journal.

 

 

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Les étudiants préfèrent les écoles accréditées
26.04.2022, par Lucien Sahl , Mathieu Lefebvre , Julien Jaqmin
Pour choisir leur école de commerce, les étudiants regardent avec de plus en plus d’attention leurs certificats et labels, preuve de leur engagement et de leurs valeurs. Un signe de l’époque, décrypté par des scientifiques sur ce nouveau billet de Dialogues économiques.

Cet article est issu de la revue Dialogues économiques éditée par AMSE.

Comment bien choisir son parcours dans l’enseignement supérieur ? Parmi les outils à la disposition des étudiants se trouvent les conseils de leurs proches, des journées portes ouvertes, les classements publiés chaque année dans la presse spécialisée. Les économistes Julien Jacqmin et Mathieu Lefebvre se sont intéressés à un acteur prenant de plus en plus de place dans les choix d’orientation au sein du marché des grandes écoles de commerce : les accréditations !

Une marque de normes et de valeurs

Une accréditation est une procédure permettant de rendre crédible quelque chose comme une compétence ou encore une affiliation, en la validant. Qu’elle prenne la forme d’un certificat ou d’un label, elle est la preuve d’un engagement ainsi que du respect de normes par des produits, des services et des institutions. Leur attribution se fait par des acteurs privés ou publics sur la base de la conformité avec un cahier des charges.

En plus d’être un indicateur de qualité, ce sont aussi des vecteurs de valeurs tant pour les entreprises que les consommateurs. Comme l’indique l’association Max Havelaar, posséder le label Fairtrade « c’est soutenir d’une manière concrète les agriculteurs et travailleurs salariés de l’hémisphère sud et la transition vers des pratiques agricoles durables »1 . L’engagement se fait à travers la consommation.

Pour les entreprises, ils permettent de mettre en valeur leurs attachements à des principes comme l’écologie ou le respect de la condition humaine afin de renforcer son image et sa marque employeur.

tampon vert indiquant la qualité

Mon école pour un label

Il existe environ 14 000 écoles de commerce dans le monde2. Et comme les entreprises et les pots de yaourt, elles peuvent recevoir des accréditations.

Tels des collectionneurs, toutes cherchent à avoir les plus belles pièces qui sont aussi les plus rares. Les trois titres les plus désirés sont : AACSB, AMBA et EQUIS3. Respectivement d’origine nord-américaine, britannique et européenne, ils récompensent la mise en place de parcours d’excellence avec une implantation internationale. À ce jour, seuls 108 établissements disposent de ces trois joyaux qui forment la triple crown accréditation, la triple couronne4. Seuls 16 établissements français possèdent cette triple couronne et toutes occupent une place de choix au sein de la hiérarchie des grandes écoles de commerce.
 

Pas touche à mon label

Il faut savoir que les établissements de l’enseignement supérieur tiennent à leurs accréditations. En 2013, le rapport annuel de la Cour des comptes, bien que notant une montée en puissance des grandes écoles françaises, adressa entre autres une critique envers les dépenses entrainées par la course aux accréditations5.
En réponse, la Convention des Grandes Écoles, CGE, publia un livre blanc au titre explicite Accréditations internationales des business schools6 . Pour ses auteurs, la demande d’une accréditation et sa possession font partie d’un processus d’amélioration permanent de la qualité, le reflet d’une ambition de fournir la meilleure formation possible dans le meilleur des cadres. Ce sont des facteurs d’excellence augmentant la notoriété.

Départager l’excellence ?

Pourquoi un tel attachement à leurs accréditations ? Pour mieux comprendre ce besoin de se départager des autres, il faut se rappeler la concurrence entre ces écoles pour une ressource : les étudiants !

Une formation est vue par les économistes tel un service dont les caractéristiques ne sont connues qu’après consommation, comme pour un repas au restaurant. Comment être sûr de faire le bon choix ? Surtout si les frais de scolarité sont importants comme dans les écoles de commerce7. Il faut donc pour les écoles trouver un moyen de convaincre les étudiants de la qualité de leurs formations et infrastructures, mais aussi des perspectives professionnelles offertes. C’est à ce niveau qu’interviennent les accréditations.

À l’image des entreprises cherchant à améliorer leur image tant auprès des employés que du grand public, les écoles de commerce se sont lancées dans une folle course à l’accréditation comme remarquée par la Cour des comptes. C’est justement pour en savoir plus sur le poids des accréditations dans les choix d’orientations des étudiants que les chercheurs en économie Julien Jacqmin et Mathieu Lefebvre se sont intéressés au cas des Grandes Écoles de commerce françaises.

étudiants en tenue devant la porte d'une université
Le tournoi des écoles

Pour cela, les scientifiques disposaient des choix d’orientations des étudiants de 2004 à 2019 de la plate-forme du Système d’intégration aux grandes écoles de management, le SIGEM. Équipé de la sorte, comment estimer les préférences des étudiants et les raisons de leurs choix ?
Pour faire face à ce défi, le duo de chercheur a fait le choix d’une stratégie surprenante : transformer le tableau de désistement croisé en une série de « duels ». Au sein de ce tableau se trouvent, pour chaque paire d’écoles, les effectifs d’étudiant disposant des prérequis pour intégrer les deux établissements et l’établissement qui a été classé le plus haut dans sa liste de vœux par chaque candidat. Ces « duels » illustrent l’attractivité relative de chaque établissement par rapport à un autre.

Avec une trentaine d’écoles « participantes » sur la période considérée, cela fait un peu plus de 4 500 joutes. S’appuyant sur les méthodes empiriques d’analyse causale développées par les récipiendaires du Nobel d’économie de 2021, les résultats de ces tournois sont sans appel. Être équipé d’une accréditation revient à être perçue par les étudiants comme posséder un cheval plus rapide, une lance plus longue et un bras plus robuste que ses concurrents. L’accréditation ayant l’impact le plus fort étant AACSB avec de l’ordre de 10 % de victoire en plus pour ses possesseurs.

L’impact des trois accréditations majeures est tel que l’obtention d’une d’entre elles équivaut à une progression allant d’un à quatre rangs dans le classement des Écoles de Commerce du magazine L’Étudiant. L’effet est même additif, le gain le plus important étant observé en cas de possession de la triple couronne. De plus, l’effet des accréditations varie dans le temps avec un pic suivi d’une diminution progressive de l’impact. Du fait de l’effet nouveauté, on pourrait se dire que le pic s’observe rapidement après l’obtention, mais il n’en est rien puisqu’il arrive entre la troisième et la sixième année. Malheureusement, le jeu de données à la disposition des chercheurs ne permet pas une analyse plus fine en prenant en compte des paramètres comme le genre, l’origine sociale ou géographique des étudiants.

Le passeport vers la notoriété et l'excellence

Pour une école, s’engager dans la voie d’obtention d’une accréditation signifie une montée en puissance. Pour répondre au cahier des charges, elle se doit d’investir temps et argent afin de disposer de professeurs qualifiés et réputés, d’infrastructures de qualité et aussi d’offrir à ses étudiants des formations en phase avec le monde du travail. La quête de l’accréditation, en plus d’être un moyen de se démarquer, est un passeport vers l’excellence et la notoriété.

En France comme dans le monde, le nombre de possesseurs de la triple couronne ne cesse d’augmenter. Si cela continue, les écoles devront trouver un autre moyen pour se faire remarquer !

 

Notes

1. Labels et cahiers des charges. (s. d.). Max Havelaar France. 
2. Parker, M. (2018, avril 27). Why we should bulldoze the business school. The Guardian.
3. Respectivement l’Association to advance collegiate schools of business, l’Association of Masters of Business Administration et l’European Quality Improvement System.
4. Liste des écoles de commerce avec la triple accrédition (AACSB, EQUIS, AMBA) 2021.
5. Rapport de la Cour des comptes : Les écoles supérieures de commerce et de gestion (ESCG) : un développement à réguler, 2013.
6. Livre blanc Accréditations internationales des business schools, 2013
7. Le coût des droits de scolarité de HEC Paris oscille entre 8 250 € et 55 530 € selon les situations sociales des étudiants.
 

Référence

Jacqmin, Julien, and Mathieu Lefebvre. 2021. « The Effect of International Accreditations on Students’ Revealed Preferences: Evidence from French Business Schools. » Economics of Education Review 85 (December) : 102192.

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