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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches bénéficient du label « Science avec et pour la société » du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
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Par le réseau de communicants du CNRS

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Améliorer la détection de certaines maladies grâce à une analyse plus efficace des biomarqueurs
20.12.2023, par Marc Fournet

Analyser et doser certaines molécules, appelées biomarqueurs, présentes dans les fluides biologiques, est un moyen de diagnostiquer certaines maladies. DropLab est une nouvelle technologie développée à l’Institut Galien Paris-Saclay permettant de réaliser la séparation, puis la détection et le dosage de biomarqueurs plus rapidement, de manière automatisée, et avec de très petits volumes d’échantillon biologique (LCR, sang, larmes, urines…).

Un biomarqueur est une substance précise dont la présence, l’absence ou la modification de concentration ou de structure dans l'organisme ou le fluide biologique permet de diagnostiquer et suivre l'évolution d'une maladie. Les scientifiques ont donc besoin d’être en mesure de détecter et doser ces molécules avec précision, ainsi que de les distinguer parfois d’autres molécules plus abondantes dans le liquide biologique.

De manière générale, le biomarqueur recherché, qui est présent en quantité très faible, peut être masqué par d’autres molécules interférentes. Sa détection peut être alors rendue difficile. Par ailleurs, le volume de liquide biologique est souvent limité.
 
Une nouvelle plateforme technologique

Les techniques habituellement utilisées pour effectuer le dosage de ces biomarqueurs utilisent des manipulations à l’échelle macroscopique (pipettes, tubes…). « On prélève l’échantillon, et on applique des traitements sur celui-ci en le transférant dans différents tubes successifs avant de pourvoir l’analyser », résume Thanh Duc Mai, enseignant-chercheur à l’Institut Galien Paris-Saclay1 (IGPS) et coordinateur du projet DropLab au sein de l’équipe de Myriam Taverna. Cette méthode présente plusieurs inconvénients : un volume de liquide nécessaire élevé, beaucoup d’opérations manuelles, un risque de contaminations car les tubes sont exposés à l’air et un risque d’erreur à chaque étape.

Le projet DropLab propose une nouvelle plateforme technologique plus efficace que l’état de l’art actuel afin de traiter des échantillons, de séparer et détecter des biomarqueurs. Ces recherches permettront notamment soit de découvrir de nouveaux biomarqueurs de pathologies, soit d’améliorer le diagnostic de certaines maladies. Cette technologie peut aussi s’étendre à d’autres problématiques, par exemple pour évaluer l’impact de polluants sur la santé.

Le dispositif conçu dans le cadre du projet DropLab, en collaboration avec la start-up Inorevia, est inspiré d’un jeu pour enfants : un sablier liquide où des gouttes tombent les unes après les autres par gravité en glissant le long de différentes rampes pour arriver tout en bas du sablier.

Avec cette technologie, les différentes réactions à appliquer pour isoler, transformer et préconcentrer les biomarqueurs sont appliquées successivement sur des trains de « gouttes » qui se suivent. Ces gouttes aqueuses sont séparées par une phase huileuse et sont confinées en système fermé. Les molécules d’intérêt sont transférées automatiquement d’une goutte à l’autre grâce au magnétisme et des billes magnétiques, en exploitant la technologie de pince magnétique (un aimant automatisé) développée au laboratoire Physico-chimie Curie2 (PCC).

Démarré en 2018, le projet DropLab a notamment bénéficié d’un financement de l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.

Un traitement efficace des échantillons

Si cette technologie peut être utilisée pour un nombre infini de réactions ou de traitements d’échantillons, le projet DropLab a déjà démontré sa capacité à traiter un échantillon afin de cartographier les glycanes attachés à des glycoprotéines - qui sont des biomolécules impliquées dans de nombreux processus biologiques. Réalisé sur la transferrine – une glycoprotéine plasmatique –, ce traitement permet de diagnostiquer l'abus chronique d'alcool ou de dépister des troubles congénitaux de glycosylation, une maladie grave rare qui touche les nouveaux-nés.

La première étape du procédé DropLab vise au traitement de l’échantillon, afin d’obtenir une quantité suffisante de glycanes. « La première goutte contient les glycoprotéines et des enzymes. En la chauffant et en la bougeant selon certaines répétitions, l’enzyme va couper des glycanes de la protéine, détaille Thanh Duc Mai. Ainsi, nous disposerons de la protéine, l’enzyme et, désormais, des glycanes libres. »


Lors de cette étape, des billes magnétiques sont ajoutées à la solution. Les molécules d’intérêt vont se positionner à la surface de ces billes magnétiques et pourront ainsi être transférées de « goutte » en « goutte » grâce à un aimant automatisé. Les glycanes sont ensuite rendus fluorescents grâce à l’ajout d’un fluorophore, afin d’être détectables lors de leur analyse qui va suivre.

La deuxième étape a pour objectif de séparer les glycanes, libérés et rendus fluorescents, entre eux mais aussi des autres molécules contenues dans le mélange grâce à l’électrophorèse capillaire. « Le principe consiste à appliquer une tension à une échelle micrométrique, explique Thanh Duc Mai. En général, toutes les molécules dans une solution aqueuse sont chargées. Donc, en appliquant un champ électrique, les (bio)molécules qui ont des charges ou des tailles différentes vont migrer à des vitesses différentes, ce qui permet de les séparer. »

Vient enfin l’étape finale de la détection des glycanes, dont la concentration est très faible. DropLab utilise pour cela un détecteur de fluorescence par laser qui détecte le fluorophore qui a été lié au glycanes en début du procédé.

Vers de nouvelles applications

Par rapport aux manipulations macroscopiques en tubes utilisées pour isoler et traiter les biomarqueurs, la technologie DropLab présente l’avantage de nécessiter un volume de liquide biologique plus faible, de gagner du temps car les opérations autrefois manuelles sont désormais automatisées, et de réduire fortement les risques de contamination. Cette automatisation amène une meilleure répétabilité des opérations ce qui fiabilise davantage les tests diagnostiques.

Le projet s’est terminé fin 2022, mais la technologie continue d’être développée à l’Institut Galien Paris-Saclay où Thanh Duc Mai travaille aujourd’hui sur de nouvelles applications. Une application envisagée est toujours liée aux glycanes, mais vise à les utiliser comme biomarqueurs pour évaluer l’impact de polluants sur la santé et plus précisément sur la grossesse de femme enceintes.

L’application suivante, soutenue par le plan France Relance et en collaboration avec la société Excilone, vise à isoler et analyser le contenu moléculaire de vésicules extracellulaires. « Ce sont des vésicules qui sont libérées par les cellules et qui leur permettent de communiquer entre elles. Elles sont désormais considérées comme une nouvelle source de biomarqueurs, souligne Thanh Duc Mai. Ces vésicules sont toutefois très difficiles à isoler de manière efficace et avec une bonne pureté car leur quantité dans les fluides biologiques est très faible et c’est là que la technologie DropLab pourrait résoudre le problème. »

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/Université Paris-Saclay.
  • 2. Unité CNRS/Institut Curie/Sorbonne Université.

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