Donner du sens à la science

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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches bénéficient du label « Science avec et pour la société » du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.
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Par le réseau de communicants du CNRS

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Faciliter l'étude d’un vaste corpus documentaire par la cartographie numérique
20.11.2023, par Grégory Fléchet
Mis à jour le 20.11.2023

En dotant la reconstitution virtuelle de la collection d’un antiquaire contemporain de Louis XIV d’une interface cartographique, le projet ANG-G offre un regard inédit sur les nombreux manuscrits, dessins et estampes qui composent cette collection.

S’il reste largement méconnu du grand public, François-Roger de Gaignières (1642-1715) est pourtant à l’origine de l’une des plus importantes collections savantes de son époque. Des années 1670 jusqu’à sa mort, cet antiquaire passionné d’histoire a en effet compilé des milliers d’objets, tableaux, textes et autres esquisses de monuments. Menée pour l’essentiel à travers la moitié nord du territoire français, cette vaste collecte est le résultat d’une étroite collaboration avec le dessinateur Louis Boudan. Exceptionnelle de par sa diversité et son volume1, la collection Gaignières a été cédée en 1711, du vivant de l’érudit voyageur, à la bibliothèque du roi de France. Elle est aujourd’hui en grande partie conservée dans les départements de la Bibliothèque nationale de France et au sein de la Bibliothèque Bodléienne d’Oxford (Royaume-Uni). « L’un des grands talents de François-Roger de Gaignières fut d'imaginer un mode de classement à la fois structuré et ouvert dans lequel l’enrichissement de sa collection a été anticipé dès sa création », précise Anne-Ritz Guilbert, historienne de l’art du Moyen Âge et directrice scientifique du projet Archive Numérique Géolocalisée : la collection Gaignières (ANG-G)2. Ce programme de recherche a été piloté par François Bougard à l'Institut de recherche et d'histoire des textes.

© Sophie Fétro/Kim Sacks© Sophie Fétro/Kim Sacks

Une reconstitution virtuelle du système de classement

Dans le cadre d’un précédent projet3 supervisé par l’enseignante-chercheuse à l’École du Louvre, une équipe pluridisciplinaire composée d’historiens de l’art, de designers, de programmeurs et de développeurs web s’est inspirée du mode de classement élaboré par François-Roger de Gaignières pour concevoir une reconstitution virtuelle de sa collection. Baptisé Collecta, le site internet né de ce travail collaboratif a vu le jour en 2016. Il regroupe aujourd'hui une base de données de plus de 16 500 notices de manuscrits, dessins, estampes, imprimés, tableaux, etc. « En permettant de naviguer au cœur de ce riche ensemble documentaire, notre site internet offre aux chercheurs les moyens d'une véritable étude critique des sources », souligne Anne Ritz-Guilbert. Le site internet dispose par ailleurs de liens actifs externes qui redirigent l’utilisateur vers les grandes bases de données nationales telles que Gallica, la bibliothèque numérique de la Bibliothèque nationale de France ou Sigilla, la base de données numérique référençant tous les sceaux conservés en France. L’interface web perpétue ainsi la démarche de Gaignières consistant à varier les contextes et les échelles d’observation d’une même source au travers d'un système de renvois entre copies à l’identique classées dans diverses séries.

La géolocalisation en appui de la recherche

Doter Collecta d’un dispositif de visualisation cartographique des milliers de lieux et monuments décrits et reproduits par François-Roger de Gaignières à l’issue de ses voyages était l’objectif principal du projet ANG-G. Mis en œuvre en 2019, ce programme qui s’est achevé l’an dernier permet désormais d’appréhender la collection sous un jour nouveau. « Le fait d’intégrer la géolocalisation au site web offre la possibilité de visualiser les objets étudiés par l’antiquaire sur des cartes à la fois récentes et anciennes en faisant varier les échelles d’observation et les temporalités », explique l'enseignante-chercheuse. Les critères d'interrogation de la base de données se sont également enrichis de nouveaux mots clés permettant d'affiner les recherches de document dans la base de données. Une évolution qui vise à réagencer les documents de la collection selon d’autres combinaisons intellectuelles et visuelles dans la perspective de susciter de nouveaux questionnements scientifiques.

Le projet ANG-G intégrait également un volet de science participative. Prenant la forme d’une application pour smartphone destinée à recueillir des photos de monuments et d’objets figurant dans la collection Gaignières, ce logiciel baptisé Collecta+ s’adresse à la fois aux chercheurs en histoire de l’art et aux amateurs éclairés. Outre les prises de vue des monuments et autres objets de la collection Gaignière parvenus jusqu'à nous, l’application permet à chaque contributeur de fournir des informations détaillées sur leur état de conservation en croisant leurs propres photographies avec les reproductions visuelles de Louis Boudan consultables sur l’application. « Collecta+ a vocation à faciliter la réappropriation de la collection Gaignières non seulement comme source de documentation pour la recherche mais aussi en tant que vecteur de connaissance du patrimoine régional présent ou disparu », conclut Anne Ritz-Guilbert.

Notes
  • 1. La collection Gaignières réunit 1110 tableaux et portraits, 1042 manuscrits, 2546 imprimés ainsi que 433 portefeuilles constitués de dessins et d’estampes regroupant à eux seuls 43 000 planches individuelles.
  • 2. Ces recherches et cet article ont été financés en tout ou partie par l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du projet ANR-ANG-G-AAPG18. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle.
  • 3. Intitulé « Collecta: Actualisation numérique de la collection de François-Roger de Gaignières », ce programme de recherche s’est déroulé de 2014 à 2016. Porté par l’École du Louvre, en partenariat avec l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, il a été financé par la communauté d'universités et établissements HéSam dans le cadre des projets Synergie.

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