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Jusqu’à aujourd’hui, les modélisations proposées pour le poumon sont essentiellement mono-échelles et/ou linéaires. Cependant, le poumon est un organe extrêmement complexe, avec des relations fortes entre phénomènes se produisant à différentes échelles : par exemple un poumon ne double pas de volume lorsqu’on double la pression exercée sur lui. Martin Genet, enseignant-chercheur à l’École polytechnique et son équipe MEDISIM au sein du Laboratoire de mécanique des solides1 développent de nouveaux modèles et algorithmes multi-échelles et non linéaires pour simuler plus finement le poumon2. L’objectif est une meilleure compréhension des fibroses pulmonaires et une médecine plus personnalisée, plus objective et quantitative.
« Certaines maladies idiopathiques, c’est-à-dire avec des causes d’apparition et d’évolution encore mal comprises, pourraient avoir des signes avant-coureurs indétectables avec les approches actuelles de diagnostic, souligne Martin Genet. Par exemple, un modèle capable d’estimer finement la rigidité des alvéoles pourrait permettre d’améliorer la compréhension et la classification des différentes fibroses. » Grâce à leur algorithme, les chercheurs seront capables de réaliser un modèle fiable, précis et personnalisé d’un poumon de patient, un véritable « jumeau numérique » de l’organe. Cet algorithme est par nécessité non linéaire, ce qui le rend plus complexe, mais ce n’est pas la seule difficulté pour les chercheurs dans son développement.
Modélisation des poumons © Martin Genet
« La modélisation, c’est aussi une question d’optimisation, précise Martin Genet. Intégrer des phénomènes physiques est important, mais ce n’est pas nécessaire de modéliser toute la physique jusqu’aux atomes du poumon. Il faut poser les limites de l’approximation. » Ces optimisations permettent non seulement de développer des algorithmes moins consommateurs en énergie et ressources de calcul, mais ils peuvent également avoir un impact direct sur les examens médicaux. « Si notre algorithme reste efficace avec deux fois moins de données, on peut diviser par deux le temps d’acquisition d’images et donc la quantité de rayonnement subie lors d’examens médicaux. »
Une « IA explicable » pour des soins plus optimisés
L’approche de l’équipe MEDISIM, couplant modélisation et données, a des similitudes avec les réseaux de neurones utilisés par la plupart des IA développées à l’heure actuelle, à la grande différence qu’elle nécessite beaucoup moins de données, mais aussi plus de travail pour développer un modèle spécifique de la physique mise en jeu. Pouvoir être opérationnel avec peu de données est une nécessité qui provient du secteur médical. Par ailleurs, le modèle doit intégrer suffisamment de paramètres pour être précis et réaliste, et suffisamment peu pour pouvoir être simulé rapidement, son développement nécessite donc un équilibre entre ces deux nécessités.
Ces multiples contraintes dotent cependant cet algorithme d’un avantage rare : il est « explicable ». Lorsqu’un réseau de neurones profond est entraîné par apprentissage à partir d’une grande base de données, la plupart du temps il est impossible d’obtenir des détails précis sur son fonctionnement, et donc de comprendre d’où provient le résultat qu’il fournit. Dans le cas des jumeaux numériques, « ils reposent sur une compréhension fine de la physique mise en jeu, et chaque paramètre a un sens physique explicite, et c’est une force car nous pouvons comprendre l’intégralité du processus qui l’a mené à ses résultats », souligne Martin Genet.
L’algorithme développé par les chercheurs de l’équipe MEDISIM permettra non seulement de modéliser de manière fine et précise les poumons d’un patient et d’en créer un « jumeau numérique », mais également d’avoir une prise de décision compréhensible pour ses utilisateurs. Il pourrait par ailleurs permettre d’optimiser des examens médicaux en réduisant les doses ou les temps d’examen nécessaires.
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NOTE
1. LMS – CNRS/École polytechnique.
2. Ces travaux sont financés en partie par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.