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N’avez-vous jamais rêvé de pouvoir déambuler à l’intérieur du cerveau humain, de flâner et de découvrir les secrets de chaque recoin ? Par l’étude des protéines et leurs localisations au niveau des synapses, jonctions entre deux neurones, des scientifiques de l’Institut interdisciplinaire de neurosciences 1 (IINS) à Bordeaux se mettent au défi d’étudier la communication neuronale en profondeur.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
Plongeons au cœur de l’Institut interdisciplinaire de neurosciences (IINS), où plusieurs approches scientifiques se combinent pour révéler les mécanismes de la communication entre neurones. Florian Levet, Olivier Thoumine et leurs collaborateurs associent informatique, biologie, physique et chimie pour explorer et cartographier la dynamique des synapses cérébrales à l’échelle nanométrique.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
Une première étape de préparation de l’échantillon biologie est réalisée par la plateforme de biologie cellulaire de Bordeaux Neurocampus, rattachée à l’IINS. Les cellules nerveuses dissociées du cerveau des rongeurs sont traitées par une technique d’électroporation : une technique rendant perméable la membrane cellulaire à des plasmides, grâce à de brèves impulsions électriques. Des molécules qui, plus tard, lorsqu’elles seront traduites en protéines, réagiront par fluorescence sous l’impulsion des lasers, pourront ainsi pénétrer au sein des cellules.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
© Tiffany Cloâtre
Les cellules sont ensuite déposées sur des lames d’observations quadrillées. Un système de chiffres et de lettres permet de localiser les neurones d’intérêt. Ces neurones sont fixés par un procédé chimique après une période de croissance de 15 jours. Par la suite, une étape d’immunomarquage permettra de dévoiler la localisation des protéines par différentes techniques de microscopie.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
À l’aide de techniques de super-résolution, la barrière de diffraction de la lumière est franchie afin d’étudier les synapses à l’échelle nanométrique. Deux types de microscopie de super-résolution sont combinées : la microscopie par localisation de molécules individuelles (dans sa modalité PALM) et la microscopie STED. Alors que la première permet de localiser précisément la position des molécules, la seconde donne accès à l’information morphologique des neurones.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
La méthode de microscopie par localisation de molécules individuelles est employée par l’équipe du laboratoire pour observer, localiser et analyser des molécules individuelles. Les scientifiques utilisent spécifiquement ici la méthode PALM pour PhotoActivated Localization Microscopy. Les protéines associées aux neurones sont alors rendues fluorescentes, et leur organisation moléculaire (diffuse, sous forme d’agrégats, etc.) peut être observée.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
Cette fluorescence des protéines est rendue possible grâce aux étapes de préparation biologique évoquées précédemment. L’électroporation permet aux cellules d’exprimer la protéine fluorescente qui réagit et s’active sous l’effet des lasers émis par le microscope. En activant un petit nombre de fluorochromes à un instant donné, cette technique de microscopie offre l’avantage de pouvoir localiser les protéines associées avec une précision de l’ordre de quelques dizaines de nanomètres.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
Une seconde technique de microscopie réalisée au sein du Bordeaux Imaging Center (BIC), dite STED pour Stimulated Emission Depletion, complète la précédente et permet d’obtenir une image volumique des neurones. L’organisation des protéines révélées par la microscopie PALM ne permet pas de savoir où ces molécules se trouvent dans le contexte les neurones. Par cette image volumique, la microscopie STED donne accès à la morphologie des neurones, permettant ainsi de savoir où les protéines sont localisées, et d’identifier celles se trouvant dans les synapses. La microscopie STED offre une résolution meilleure que les microscopes optiques conventionnels car elle contourne la limite de la diffraction de la lumière. Pour ce faire, elle confine l’émission de fluorescence des molécules précédemment marquées en une zone étroite.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
La biologie et la physique optique laissent place à l’informatique qui assure le traitement des images obtenues. Par l’utilisation de méthodes d’intelligence artificielle, d’analyse géométrique et de traitement de l’image, les scientifiques identifient et caractérisent les zones et protéines qu’ils souhaitent étudier en détails. Une réelle balade au cœur des synapses s’opère par les formules et les lignes de code, sublimant l’interdisciplinarité au service de la compréhension des communications nerveuses.
© Cloé Harent / IINS / CNRS
Le couplage de ces méthodes d’observation microscopique résulte en des images numériques inédites, permettant la localisation de nuages de protéines dans le contexte des neurones à des résolutions nanométriques. Ici sont représentées les épines dendritiques, avec les protéines d’intérêt ciblées et occupant l’espace. La résolution spatiale et temporelle obtenue est très élevée, offrant aux scientifiques de l’équipe l’opportunité d’étudier le fonctionnement de ces structures de façon pointue.

© Tiffany Cloâtre
Si cette ramification d’épines dendritiques n’est pas sans rappeler une jolie branche d’arbre au printemps, chaque petit point lumineux représente ici non pas une fleur en devenir, mais bien un amas de protéines. Chacune d’entre elle mesure quelques nanomètres et révèle des informations biologiques et morphologiques précises.
Ce projet de recherche se base sur des approches interdisciplinaires, combinant neurosciences, informatique, physique et chimie pour mieux comprendre des mécanismes fondamentaux de la transmission neuronale. En comprenant l'organisation et les interactions des protéines synaptiques, de nouvelles voies de réflexion sont ouvertes afin, par exemple, d'élucider leur rôle dans des fonctions cognitives complexes et des pathologies comme les troubles du spectre autistique ou la maladie d'Alzheimer.
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet « Un atlas de la morphologie et de l’organisation nanométrique des synapses par microscopie de super-résolution computationnelle – NANO-SYNATLAS ». Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projets Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle.
- 1. Unité CNRS, Université de Bordeaux
