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Alors que l’Unesco vient de lancer la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), découvrez sur ce blog un aperçu de la diversité des recherches menées au CNRS sur l’océan.
 

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Ce blog collaboratif rassemble des contributions issues des 10 instituts thématiques du CNRS.

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ERGA, un atlas européen de génomes de référence
28.02.2022, par Pôle communication de l'INSB
Mis à jour le 12.04.2022
Séquencer le génome des quelque 200 000 espèces marines et terrestres représentatives de la biodiversité d’Europe : voilà l’ambition du projet ERGA. Parmi les 22 pays relevant le défi, la France se démarque par sa contribution spécifique et motrice en biologie marine.

Lancée en 2020 et soutenue par l’Institut des sciences biologiques (INSB) du CNRS, l'initiative ERGA1 est une réponse scientifique paneuropéenne aux menaces actuelles qui pèsent sur la biodiversité. Plus d’un cinquième des espèces présentes en Europe sont en voie d'extinction, nécessitant d’agir ensemble et le plus rapidement possible. ERGA propose de générer un atlas de génomes de référence de haute qualité pour l’ensemble des organismes marins et terrestres vivant sur le territoire européen. « Les génomes de référence fournissent un aperçu complet sur les informations génétiques qui caractérisent chaque espèce. C’est une ressource précieuse pour comprendre le fonctionnement des organismes vivants, des plus petits aux plus grands, leurs interactions, et acquérir les connaissances visant à conserver et préserver la biodiversité », affirme Patrick Wincker, chercheur au laboratoire Génomique métabolique (GM)2 du Genoscope. Avec Hugues Roest Crollius, chercheur à l’Institut de biologie de l'Ecole normale supérieure (IBENS)3, il assure la coordination d’ERGA sur le sol français.

 
Algue Phaeosaccion multiseratum
Légende : Algue Phaeosaccion multiseriatum retenue pour le projet pilote. © A. Peters
 

De la sélection des espèces au séquençage des génomes

Plantes, algues, animaux, champignons, insectes... ERGA s’intéresse à la biodiversité des eucaryotes, dont les cellules ont la particularité de renfermer un noyau. « Cela ne comprend donc pas les bactéries et les virus, qui jouent tout de même un rôle essentiel dans le fonctionnement des organismes et des écosystèmes », précise Patrick Wincker. « Au niveau européen, nous portons une grande attention aux espèces en danger, comme les insectes pollinisateurs, et à celles qui présentent des stocks génétiques très bas, comme le vison d’Europe. » Pour le moment, le facteur limitant est le financement de l’initiative. Le consortium est en pleine recherche de fonds, en France et en Europe. Des discussions ont néanmoins été engagées entre les différents pays pour définir les contours d’un projet pilote sur quelques espèces. Celui-ci permettra de poser les fondements du projet, de démontrer la capacité de collaboration sur le plan européen et de mettre au point des procédures efficaces qui pourront par la suite être généralisées et appliquées à grande échelle.

Au niveau français, l’ensemble des chercheuses et des chercheurs travaillant dans un domaine en lien avec la biodiversité ont été sollicités pour fournir des listes d’espèces prioritaires et des échantillons à analyser. À partir de cet inventaire, un éventail d’espèces représentatives de la biodiversité de France a été sélectionné pour le projet pilote. Parmi elles, le vison d’Europe Mustela lutreola, le marmottier Prunus brigantina, l’algue Phaeosaccion multiseriatum, le lieu jaune Pollachius pollachius, la méduse fougère Aglaophenia octodonta et deux amphipodes, Niphargus schellenbergi et Niphargus dancaui. L’objectif sera ensuite de procéder au traitement des échantillons à disposition pour en extraire l’ADN et le séquencer grâce à la précision et à la performance des nouveaux outils de biochimie, de bioinformatique et de calcul. « Ces travaux sont d’abord menés à des fins de recherche fondamentale, insiste Patrick Wincker. Générer des ressources génomiques complètes et de haute qualité permettra de mieux décrire les espèces, d’étudier plus en détail leur biologie, d’évaluer leur diversité génétique, de surveiller leur répartition, ou encore, de comparer les espèces entre elles, leurs processus de développement, d’évolution, d’adaptation. » Les résultats obtenus serviront à orienter les politiques gouvernementales, les stratégies de protection, de restauration et de valorisation de la biodiversité. Les applications possibles sont bien plus larges encore, puisque les génomes révèlent aussi les mécanismes de fabrication de métabolites recherchés pour le développement de diverses biotechnologies.  

Amphipodes Niphargus dancaui (à gauche) et Niphargus schellenbergi (à droite)       
Légende : Amphipodes Niphargus dancaui (à gauche) et Niphargus schellenbergi (à droite) sélectionnés pour le projet pilote. © B. Vacherie

 

Biologie marine : la France sur les starting blocks

La production de génomes de référence pour la biodiversité impose une synergie profonde entre musées, instituts de recherche, universités, plateformes de séquençage et de bioinformatique. « Nous essayons de créer des pôles thématiques pour bien structurer les communautés et les échanges, explique Patrick Wincker. Le volet biologie marine est confié au CNRS et au CEA, en coordination avec leurs partenaires, comme l’Ifremer et les universités. Notre rôle en tant que coordinateurs est de centraliser toutes ces activités à l’échelle de la France et de faire le lien au niveau européen. C’est important, ne serait-ce que pour ne pas séquencer plusieurs fois les mêmes organismes, car contrairement aux pays, la biodiversité ne s’arrête pas aux frontières. » Le chercheur raconte que s’il y a une thématique sur laquelle la France apporte une contribution spécifique et de valeur à l’Europe, c’est bien la biologie marine : « C’est là que nous sommes les plus structurés et prêts à avancer. » Un volet du projet ERGA est justement dédié à la création de génomes de référence pour les espèces marines du littoral de France métropolitaine et d’outre-mer. « Le littoral est un point chaud de biodiversité, une zone qui concentre un nombre élevé d’espèces au mètre carré et des espèces qui souvent, ne vivent pas ailleurs. Elles sont nombreuses à avoir déjà été entièrement ou partiellement décrites, mais il en reste encore tant à découvrir ! » Le projet ERGA s’annonce ainsi transformant pour le monde de la recherche, sans compter qu’il s’inscrit dans une initiative mondiale portée sur l’inventaire des génomes de tous les êtres vivants sur la planète. L’enthousiasme des scientifiques est sans commune mesure et la France est au premier rang des pays les plus mobilisés.

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Notes

1 European Reference Genome Atlas
2 CNRS / CEA / Université d’Evry
3 CNRS / ENS / Inserm

 

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