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Alors que l’Unesco vient de lancer la Décennie pour les sciences océaniques au service du développement durable (2021-2030), découvrez sur ce blog un aperçu de la diversité des recherches menées au CNRS sur l’océan.
 

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Ce blog collaboratif rassemble des contributions issues des 10 instituts thématiques du CNRS.

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Les océans à fleur de peau…
22.12.2021, par Christian George, Directeur adjoint - IRCELYON - Institut de Recherches sur la Catalyse et l'Environnement de Lyon (CNRS - Université de Lyon 1)
Mis à jour le 23.12.2021
Dans ce nouveau billet de notre blog dédié aux océans, des scientifiques décryptent la chimie subtile qui siège à leur surface et qui joue un rôle majeur sur le climat.

Les océans représentent un puits pour le dioxyde de carbone atmosphérique et une source de milliers de composés organiques volatils (COV). Il est communément admis que ces composés sont produits par l’activité biologique marine et s’évaporent ou sont entrainés, en fonction du vent, dans l’atmosphère où ils réagissent. Mais finalement est-ce si simple ? Des scientifiques de l’IRCELYON (CNRS/Université Claude Bernard) lèvent le voile sur une chimie complexe qui se produit sous certaines conditions à la surface des océans et qui joue un rôle clé sur notre climat.

Vue de l’espace, notre planète est bleue, comme les océans qui recouvrent près de 75 % de sa surface. Il est donc fort logique que cette immense étendue régule de nombreux échanges, crée des courants océaniques…mais qu’en est-il de la chimie à la surface des océans ? C’est la question à laquelle tente de répondre une équipe de l’Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement (CNRS/Université Claude Bernard). Selon la localisation et la saison, la surface des océans est en effet parfois recouverte d’une fine couche, appelée couche marine superficielle, enrichie en composés organiques et dont l’épaisseur n’est que de quelques micromètres.

Cette couche superficielle, caractéristique de ce que l’on appelle une mer d’huile, ne se forme qu’en présence de vents faibles. Son analyse chimique révèle de fortes concentrations en composés organiques issus du biote marin, comme des acides gras, aux propriétés tensioactives reconnues, des lipides ou lipopolysaccharides. Il est intéressant de souligner que cette composition chimique varie avec les saisons et est intimement reliée au cycle de vie des différents organismes biologiques marins. La mort cellulaire de ces derniers est en effet une source conséquente de ces produits chimiques, dont certains se concentrent à l’interface air/eau.

Une « peau » océanique aux pouvoirs étonnants

Lorsqu’elle se forme, c’est cette couche organique extrêmement fine qui contrôle et régule les échanges de matière entre les océans et l’atmosphère. Ce contrôle peut être soit physique, en ralentissant l’évaporation de l’eau, soit chimique, en empêchant un contact direct entre l’atmosphère et l’eau de mer et l’ensemble des réactifs qu’elle contient. Un exemple concret ? Le cas de l’ozone. Le dépôt de l’ozone à la surface des océans est un des puits majeurs de cette molécule à l’échelle planétaire. En l’absence de couche organique, l’ozone réagit très rapidement avec les ions bromure et iodure présents dans l’eau de mer. En revanche, elle ne réagit avec la couche organique qu’au travers d’une réaction d’ozonolyse avec les molécules contenant une insaturation chimique, à savoir une liaison double carbone-carbone. Cette différence de schémas réactionnels affecte directement la teneur en ozone au-dessus des océans.

La nature complexe de cette « peau » océanique lui confère également des propriétés chimiques pour la plupart insoupçonnées. En effet, le rayonnement solaire peut être absorbé par ses constituants, comme le traduit la couleur des océans, et ainsi induire une photochimie particulièrement riche et complexe. En absorbant l’énergie lumineuse, les molécules qui forment la couche superficielle sont « excitées », c’est-à-dire qu’elles se retrouvent dans un état d’énergie supérieur qui induit une chimie dite photosensibilisée. Contrairement à la photochimie atmosphérique classique qui nécessite un rayonnement UV pour rompre des liaisons chimiques des molécules présentes dans l’air, les processus photosensibilisés à la surface des océans peuvent avoir lieu sur l’ensemble du spectre solaire atteignant le sol. La conséquence est très simple : par vents faibles, la couche superficielle océanique devient le siège de réactions photochimiques intenses qui conduisent à la transformation des éléments présents, mais aussi de ceux qui tentent de la traverser, dans un sens ou dans l’autre. Ces réactions consistent notamment en l’arrachement d’atomes d’hydrogène sur un squelette carboné, suivi d’addition de dioxygène pour former des peroxydes complexes. Ces derniers réagissent très rapidement et forment de nombreux produits secondaires dont le confinement dans la couche superficielle permet des interactions intermoléculaires souvent inconcevables dans les eaux diluées profondes. Les composés ainsi formés sont ensuite transférés vers les basses couches atmosphériques au-dessus des océans où ils réagissent avec les oxydants en présence. Ceci crée des aérosols organiques qui agissent comme noyau de condensation de gouttelettes d’eau et conduisent, in fine, à la formation des nuages. La couche superficielle marine, lorsqu’elle se forme, impacte donc directement notre climat.Estimation saisonnière de la contribution des processus photosensibilisés à la formation d’aérosols organiques au–dessus des océans

  Légende : Le schéma ci-dessus illustre cette boucle. La mort cellulaire au sein de l’eau de mer crée des composés organiques qui se concentrent à l’interface air-mer, induisant des transformations chimiques insoupçonnées à l’origine des précurseurs de matière particulaire organiques atmosphériques affectant les nuages

Quelques micromètres de matière organique jouent sur le climat

Les composés organiques émis par l’activité biologique sous-marine subissent donc une conversion chimique importante à l’interface air/mer. Les travaux menés à l’IRCELYON permettent aujourd’hui d’identifier cette chimie de surface comme responsable d’une partie de la production des COV qui se retrouvent dans l’atmosphère. Un exemple marquant est le cas de l’isoprène, dont on peut estimer la concentration à la surface des océans à l’aide de différents outils de mesure in situ ou par observation directe par satellite. Si l’on compare ces mesures aux estimations faites grâce aux modèles climatiques, qui ne prennent en compte que la seule production biologique par les micro-organismes marins, modèle et réalité ne collent pas.

Les travaux menés à l’IRECLYON ont cependant montré qu’il devenait possible de rendre compte de la teneur en isoprène à la surface des océans et de sa variabilité spatiale et saisonnière en invoquant cette fois les schémas réactionnels de surface dans la couche superficielle océanique décrits plus haut. Ils ont même permis de montrer que, si l’on considère cette fois l’ensemble de la production de COV par les océans, la photochimie complexe qui se produit dans la couche superficielle océanique pouvait rendre compte de presque 30% de fraction organique des aérosols marins, le reste étant généré par d’autres phénomènes comme les embruns marins, les vents forts etc. Quelques micromètres de matière organique à la surface des océans qui ont donc une influence majeure sur notre environnement et notre climat !

Estimation saisonnière de la contribution des processus photosensibilisés à la formation d’aérosols organiques au–dessus des océans
Légende : Estimation saisonnière de la contribution des processus photosensibilisés à la formation d’aérosols organiques au–dessus des océans
 

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