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Des mini-protéines pour booster les gènes

Des mini-protéines pour booster les gènes

04.05.2015, par
Arabette des dames
Le MicroPep miPEP165a découvert chez Arabidopsis thaliana (l'Arabette des dames) a la propriété d'accélérer la croissance des racines.
Les biologistes disposent d’un nouveau levier pour agir sur l’activité des gènes des végétaux et peut-être, bientôt, des animaux : les MicroPep. Grâce à ces mini-protéines, on peut désormais faire pousser plus vite les racines des plantes ou, au contraire, ralentir leur croissance… Et ce n’est que le début des applications envisagées.

Encore inconnus des chercheurs il y a quelques mois, les MicroPep pourraient bien devenir l’objet de toutes les convoitises ! Et pour cause : on vient de découvrir que ces sortes de mini-protéines - elles sont constituées d’une cinquantaine d’acides aminés alors que les protéines classiques en compte jusqu’à un millier - agissent puissamment sur l’expression des gènes en accentuant ou en annihilant leurs effets. Une découverte d’une équipe de biologistes de Toulouse, celle de Jean-Philippe Combier1.

Des molécules dotées d’un grand pouvoir

Les MicroPep sont produits par les cellules à partir de copies transitoires des gènes, les transcrits primaires de microARNsFermerLes microARNs sont des petites molécules d’ARN (l’acide ribonucléique, une molécule proche de l’ADN) qui jouent un rôle essentiel dans le contrôle de l'expression des gènes chez les animaux et chez les plantes.. Jusqu’ici, les chercheurs pensaient que ces transcrits primaires ne pouvaient produire que des molécules régulant l’expression des gènes, les microARNs, d’où leur nom. Les travaux de Jean-Philippe Combier montrent qu’en réalité ils produisent des microARNs et ces fameux MicroPep2. Qu’est-ce que cela change ? Les MicroPep rétroagissent sur les transcrits primaires qui se mettent à fabriquer davantage de microARNs. C’est l’accumulation de ces microARNs qui a un impact direct sur l’expression des gènes.

Peptide miPEP171b
En rouge, sur cette radicelle, l'un des premiers MicroPep découvert sur des plants de luzerne (Medicago truncatula) : miPEP171b. Son rôle : contribuer à inhiber la croissance des racines.
Peptide miPEP171b
En rouge, sur cette radicelle, l'un des premiers MicroPep découvert sur des plants de luzerne (Medicago truncatula) : miPEP171b. Son rôle : contribuer à inhiber la croissance des racines.

C’est en s’intéressant à deux transcrits primaires de microARNs présents chez deux végétaux différents, Medicago truncatula et Arabidopsis thaliana, que les biologistes toulousains ont découvert les premiers MicroPep jamais observés, miPEP171b et miPEP165a. L’étude poussée de ces deux molécules a révélé qu’elles étaient dotées d’un grand pouvoir : la première contribue à inhiber la croissance des racines de Medicago truncatula, tandis que la deuxième la stimule au contraire chez Arabidopsis thaliana. Tout cela de façon très spécifique : un MicroPep d’une espèce ne peut en effet agir que sur celle-ci.

Chez la plante... et chez l'homme ?

« Nos travaux montent que les MicroPep constituent un nouveau levier pour moduler l’expression des gènes et ainsi agir sur des fonctions clés comme la croissance ! », s’enthousiasme Jean-Philippe Combier. Si les MicroPep tiennent leurs promesses, leur production à échelle industrielle pourrait avoir des applications importantes en agronomie. « On pourrait, par exemple, s’en servir pour stimuler la croissance des plantes de culture et réduire celle des mauvaises herbes », explique le biologiste. De quoi éviter l’emploi d’engrais et de désherbants chimiques particulièrement toxiques pour l’environnement. Mais les MicroPep pourraient aussi permettre d’augmenter les défenses naturelles des plantes contre les pathogènes.

Medicado Truncatula
L'apport de MicroPep pourrait booster la croissance des plantes de culture et réduire celle des mauvaises herbes. Une bonne alternative au tout chimique.
Medicado Truncatula
L'apport de MicroPep pourrait booster la croissance des plantes de culture et réduire celle des mauvaises herbes. Une bonne alternative au tout chimique.

Pour l’heure, on a trouvé des MicroPep seulement chez les végétaux. Mais rien n’indique qu’ils n’existent pas aussi chez l’homme et l’animal… Si cela se confirmait, les applications en santé pourraient être innombrables. « Chez les animaux et chez l’homme, de nombreuses pathologies comme les cancers peuvent être liées à une production anormale de microARNs. Or les MicroPep se révèlent être un outil très spécialisé permettant justement d’intervenir au niveau des microARNs… », indique Jean-Philippe Combier. On pourrait également imaginer « booster » la production de tissus endommagés, entre autres développements. Persuadés de l’énorme potentiel de leur trouvaille, les chercheurs toulousains, soutenus par la société Toulouse Tech Transfer, ont déjà fait breveter leur découverte. Auparavant, ils devront avoir relevé plusieurs obstacles, notamment la détection dans les cellules de ces MicroPep présents en toutes petites quantités.

Notes
  • 1. Équipe Symbiose mycorhizienne et signalisation cellulaire, Laboratoire de recherche en sciences végétales (CNRS/UPS).
  • 2. « Primary transcripts of microRNAs encode regulatory peptides », D. Lauressergues et al., Nature, 2 avril 2015, vol. 520 : 90-93.
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Auteur

Kheira Bettayeb

Journaliste scientifique freelance depuis dix ans, Kheira Bettayeb est spécialiste des domaines suivants : médecine, biologie, neurosciences, zoologie, astronomie, physique et nouvelles technologies. Elle travaille notamment pour la presse magazine nationale.

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du journal CNRS