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Le grand incendie d’Aullène simulé à la flamme près

Le grand incendie d’Aullène simulé à la flamme près

15.07.2013, par
Mis à jour le 16.12.2013
Simulation de l’incendie d'Aullène en 2009
Cette simulation de l’incendie d’Aullène prend en compte l’influence du feu et du vent. Les courants atmosphériques sont représentés par les lignes de couleur selon leur intensité et leur caractère tourbillonnant.
En 2013, une équipe de chercheurs français a effectué la simulation complète d’un immense incendie de forêt avec une précision inégalée.

Nous sommes en juillet 2009. En trois jours seulement, plus de 3 000 hectares de forêt partent en fumée aux environs d’Aullène, en Corse. C’est ce gigantesque incendie qui a été simulé en détail grâce à un supercalculateur par des chercheurs du laboratoire Sciences pour l’environnement1, à Corte. Ces derniers sont parvenus à reproduire fidèlement la progression des flammes au sol le premier jour de la catastrophe. Une première pour un feu d’une telle ampleur.

Il a fallu dix heures au supercalculateur Jade pour simuler l’incendie

À l’origine de ce succès, l’ajout par les scientifiques à leur modèle de simulation d’incendie d’un ingrédient qui ne figurait jusque-là dans aucun autre : l’influence mutuelle du feu et du vent. « On sait qu’un feu est capable de changer la météo loca­lement, explique Jean-Baptiste Filippi, responsable du projet. La chaleur dégagée par les flammes crée en effet de grands mouvements de convection dans l’atmosphère qui peuvent modifier la direction et la force du vent à l’échelle d’une vallée. En retour, le vent modifie la progression des flammes. » Un ingrédient clé, donc, pour décrire finement un incendie.

Concrètement, pour pouvoir prendre en compte ce phé­nomène, baptisé vent du feu par les pompiers, nos chercheurs ont couplé deux modèles numériques. Le premier, précis à 4 mètres, reproduit la façon dont les végétaux brûlent et ­dégagent de la fumée, ainsi que la mani­ère dont le feu avance dans la végétation. Le second est un modèle météo2 qui décrit l’atmosphère à 50 mètres près. Il a ensuite fallu dix heures de calcul sur Jade, le supercalculateur du Centre informatique national de l’enseignement supérieur, à Montpellier, pour simuler l’incendie d’Aullène.

L’emplacement du panache de fumée a été reproduit en détail

Résultat : non seulement l’avancée virtuelle du front de flamme correspond bien à la réalité, mais l’emplacement du panache de fumée a été lui aussi reproduit en détail. Dernier atout de taille si l’on veut pouvoir utiliser un jour cet outil infor­matique pour lutter en temps réel contre les incendies : « On pourra évaluer à l’avance les zones où la visibilité sera nulle pour les pompiers et décider de les envoyer à certains endroits plutôt qu’à d’autres », précise Jean-Baptiste Filippi.

Pour le moment, les chercheurs peaufinent encore leur modèle. « Nous sommes en train de simuler d’autres grands incendies, en Provence et au Portugal notamment, pour lesquels nous tentons de reproduire la composition du panache de fumée en particules toxiques et le transport de celles-ci sur des dizaines de kilomètres », poursuit le chercheur. Afin de pouvoir, dans le futur, évacuer les populations en cas d’alerte majeure à la pollution.

Notes
  • 1. Unité CNRS/Univ. de Corse.
  • 2. Développé conjointement par le Laboratoire d’aérologie et Météo France à Toulouse.
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Auteur

Julien Bourdet

Julien Bourdet, né en 1980, est journaliste scientifique indépendant. Il a notamment travaillé pour Le Figaro et pour le magazine d’astronomie Ciel et Espace. Il collabore également régulièrement avec le magazine La Recherche.

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