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Les plasmas froids réchauffent l’innovation

Les plasmas froids réchauffent l’innovation

04.03.2016, par
Plasmas froids
Boule à plasma.
Quatrième état de la matière, un plasma atteint généralement plusieurs millions de degrés. Mais il existe aussi des plasmas froids, qu'on utilise de plus en plus pour l’éclairage, la médecine et la propulsion spatiale.

Les plasmas ont une place à part, à la charnière entre science-fiction, haute technologie et vie quotidienne. A l'origine de l'éclat des étoiles, de la foudre et des aurores boréales, on commence aujourd'hui à les dompter pour une foule d’applications allant bien au-delà des écrans plats. Toutefois, les exploiter dans la vie quotidienne a nécessité le développement de versions adaptées à notre échelle d’énergie et de température : les plasmas froids.

De la foudre à l’éclairage basse consommation

Car, pas plus que la glace – qui peut être constituée d’eau, de gaz carbonique voire d’azote si l’on est sur Pluton –, le plasma ne désigne pas une substance particulière mais un quatrième état de la matière, au même titre que les états solides, liquides et gazeux. Un gaz devient un plasma lorsqu’on lui apporte une quantité d’énergie suffisante pour arracher les électrons de ses atomes et l’ioniser ; il forme alors une « soupe » électron-ion capable de conduire l’électricité. Les étoiles sont, par exemple, essentiellement constituées de plasmas. Ces plasmas cosmiques, qui représentent 98 % de la matière observable de l’Univers atteignent plusieurs millions de degrés. Alors, comment passer du soleil à une inoffensive et amusante boule à plasma ?

Les plasmas froids s’obtiennent en appliquant une décharge électrique à un gaz isolant dont seule une faible proportion va s’ioniser, contrairement à ce qui se passe, par exemple, pour les plasmas stellaires. Certains électrons vont ainsi être chauffés à plusieurs dizaines de milliers de degrés mais, comme ces particules ne représentent qu’une infime partie du gaz, ce plasma demeure globalement « froid » à notre échelle par comparaison aux plasmas qui atteignent des millions de degrés.

Plasmas froids
Cette bobine tesla est utilisée pour générer une haute tension qui crée un champ électrique suffisant pour ioniser l’air et générer un plasma froid.
Plasmas froids
Cette bobine tesla est utilisée pour générer une haute tension qui crée un champ électrique suffisant pour ioniser l’air et générer un plasma froid.

L’excitation des électrons va exciter en retour les atomes, qui vont alors émettre les photons qui font « briller » les plasmas. Les tubes fluorescents, les ampoules basse consommation et les lampes à UV constituent ainsi un développement majeur du principe du plasma froid. Mais les plasmas provoquent également la formation d’espèces chimiques que certains comptent bien exploiter pour des applications sanitaires et médicales.

Des alliés thérapeuthiques de choix

« La recherche se scinde en deux axes principaux, précise Antoine Rousseau, directeur de recherche au Laboratoire de physique des plasmas1 : l’étude des sources de plasma les plus prometteuses et celle des espèces de la phase gazeuse. La chimie produite par le plasma va en effet se modifier d’un dispositif à l’autre, mais il s’agit de phénomènes de l’ordre du dixième de microseconde à la dizaine de microsecondes, il est donc difficile de quantifier et de qualifier les espèces en présence. Nous savons cependant que certains ions et espèces réactives de l’oxygène qui s’y forment peuvent réagir avec des tissus vivants. »

« Les plasmas froids peuvent désinfecter des plaies et faciliter leur cicatrisation, poursuit Antoine Rousseau, en particulier pour des ulcères et des escarres chroniques. Les mécanismes en jeu ne sont pas bien compris, mais les biologistes pensent que certains oxydes d’azote produits par les plasmas stimulent les réponses cellulaires, et donc la reconstruction des tissus. »
 

Les plasmas froids
peuvent
désinfecter des
plaies et faciliter
leur cicatrisation.

Les appareils utilisés en médecine plasma sont des dispositifs compacts contenant une électrode à haute tension. Le plasma est produit directement au contact du tissu vivant ou en amont d’un jet de gaz. À l’interface entre l’appareil et l’air libre, les électrons énergétiques vont permettre de former des oxydants et des ions.

Plasmas froids
Ce dispositif génère des « balles » de plasma froid à très longue distance, ce qui permettrait de l'utiliser pour traiter des parties du corps difficiles d’accès.
Plasmas froids
Ce dispositif génère des « balles » de plasma froid à très longue distance, ce qui permettrait de l'utiliser pour traiter des parties du corps difficiles d’accès.

L’oxydation par plasma trouve également une application dans le domaine du traitement de l’air, en particulier contre les polluants présents en concentrations très faibles comme le formaldéhyde ou le toluène. Ils peuvent s’accumuler en intérieur et il devient nécessaire de les piéger sur un filtre pour les éliminer. Or les molécules que l’on retrouve dans des concentrations inférieures à la partie par million tendent à se libérer des filtres en cas de variation d’humidité. Ces pièges sont donc épaulés par un absorbant catalytique et un plasma froid : l’oxydation des polluants par le plasma permet de régénérer le filtre en continu.

La propulsion dans l’espace améliorée

Les plasmas entrent aussi dans la composition de moteurs électriques utilisés pour propulser les sondes spatiales et les satellites. « Les moteurs électriques nous intéressent, car ils éjectent la matière, ici des ions, à une très grande vitesse, supérieure à celle des propulseurs chimiques classiques, explique Stéphane Mazouffre, directeur de recherche à l’Institut de Combustion aérothermique réactivité et environnement du CNRS (Icare), dont il dirige l’équipe Propulsion électrique. Or on sait qu’une éjection plus rapide consomme moins de carburant pour une manœuvre donnée. Nous utilisons le plus souvent du xénon pour nos plasmas froids et nous pouvons ainsi diviser par deux le poids d’un satellite de communication ou, pour une sonde, garder la même masse et augmenter son autonomie. »

Les propulseurs
à plasmas froids
fournissent une
poussée faible,
mais prolongée.

Ces moteurs qui fonctionnent à basse pression génèrent cependant une poussée relativement faible : le propulseur ne peut par exemple pas se soulever lui-même sur terre. La donne change complètement lorsque les engins évoluent en apesanteur dans l’espace. Les satellites sont ainsi d’abord amenés en orbite basse par un lanceur classique à propulsion chimique. Pour les placer sur leur orbite fonctionnelle et les y maintenir, les moteurs à plasmas froids prennent le relais.

Plasmas froids
Ce propulseur à plasma permettra d’améliorer considérablement la capacité d’autonomie des sondes spatiales.
Plasmas froids
Ce propulseur à plasma permettra d’améliorer considérablement la capacité d’autonomie des sondes spatiales.

« La vitesse d’un engin spatial est reliée à la poussée, note Stéphane Mazouffre, mais également au temps durant lequel s’exerce cette poussée. Les réacteurs chimiques produisent une forte poussée pendant une durée très courte, tandis que les propulseurs à plasmas froids fournissent une poussée faible, mais prolongée. Ainsi, lorsque la distance à parcourir s’allonge, les moteurs à plasmas permettent de rattraper le retard initial et d’atteindre des vitesses de plus en plus élevées : plus on va plus loin et plus on est gagnant. »

Des moteurs sans parois plus résistants

Autre contrainte imposée par les voyages spatiaux, l’absence de maintenance prend une place considérable. En effet, la moindre défaillance sur une sonde en partance pour Jupiter peut anéantir quinze ans de travaux. Les chercheurs s’emploient donc à diminuer l’usure mécanique des moteurs, ce qui passe notamment par la réduction des sources de frottement, quitte à aller jusqu’à se débarrasser de ses parois.

Des prototypes, tels que le propulseur de Hall « sans parois », ont ainsi été développés à Icare. La chambre à plasma n’y est plus délimitée par des barrières solides, qui s’useraient fatalement au cours des longs voyages spatiaux, mais se retrouve dans le vide intersidéral, uniquement confinée par un champ magnétique. L’équipe peut maîtriser et moduler la forme de ce dernier, afin par exemple d’orienter l’expulsion des ions et donc de contrôler la direction et la propulsion de la sonde ou du satellite.

Plasmas froids
Propulseur à plasma en configuration « sans parois ».
Plasmas froids
Propulseur à plasma en configuration « sans parois ».

Les principes physiques derrière les interactions entre les plasmas, les surfaces solides et les champs magnétiques restent néanmoins mal connus. Il n’existe donc pas de modèles prédictifs et de simulations suffisamment fiables, ce qui implique des tests en chambre d’essai sur des durées très longues. Certains moteurs doivent tourner pendant 10 000 heures, soit environ un an, et le prochain horizon d’étude se situe plutôt dans le secteur des 50 000 heures ! Ces difficultés sont néanmoins contrebalancées par les gains de vitesse et d’autonomie prévus.

Les plasmas froids appartiennent à ces domaines où chaque nouvelle application ouvre d’elle-même de nouvelles portes. Mis en perspective avec les nombreux éléments théoriques qui échappent encore aux chercheurs, ces progrès n’en sont manifestement qu’à leurs débuts et promettent bien des avancées.

   
    
 A voir jusqu'au 29 mai 2016 à Paris : le Palais de la découverte accueille une expérience réalisée par les chercheurs de l'Icare dans le cadre d'"Une manip, un chercheur" :

 

Notes
  • 1. Unité CNRS/École polytechnique/UPMC/Univ. Paris Sud/Observatoire de Paris.
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

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