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Seconde génération de LED organiques (OLED pour Organic Light-Emitting Diode), les PhOLED fonctionnent par émission de phosphorescence. De nouvelles générations de matrices hôtes pourraient permettre d’augmenter leur stabilité et leur efficacité.
Smartphones, tablettes ou téléviseurs, les LED organiques, ou OLED (pour Organic Light-Emitting Diode), sont très présentes dans l’affichage électronique. Elles représentent les nouvelles générations d’afficheur et possèdent un rendement pouvant théoriquement aller jusqu’à 100 % de l’énergie électrique injectée émise sous forme de lumière. La lumière de l’OLED peut être émise selon différents mécanismes photophysiques comme la fluorescence ou la phosphorescence.
« Les OLEDs phosphorescentes ou PhOLED forment la seconde génération d’OLED, explique Cyril Poriel, directeur de recherche CNRS à l’Institut des sciences chimiques de Rennes1. Leurs avantages sont très nombreux, comme le fait de pouvoir être déposées sur des substrats flexibles, par exemple pour les écrans et les téléphones pliables. Mais si les OLED sont sur le marché depuis une dizaine d’années, la technologie n’est pas complètement mûre. Elle nécessite en effet encore des améliorations en termes de stabilité et de performance. »
Le défi des lumières bleues et blanches
Cyril Poriel et son équipe, qui travaillent notamment avec des chercheurs de l’université de Soochow (Chine) et de l’Institut d’électronique et des technologies du numérique2, se concentre sur une lacune des PhOLED : émettre de manière stable de la lumière bleue ou blanche. Cette dernière couleur permettrait en particulier de se servir de PhOLED pour de l’éclairage. Le problème vient notamment des matériaux utilisés pour l’émission de lumière bleue, qui présentent un gap énergétique plus élevé que ceux des autres couleurs. « C’est comme si, pour que ça fonctionne, on devait passer d’un saut de deux mètres à un de cinq mètres : c’est beaucoup plus difficile, prend comme image le chercheur. Pour pallier ce problème, nous nous concentrons sur la matrice qui encapsule l’émetteur lumineux. »
Dans les PhOLED, on retrouve deux électrodes, une à chaque extrémité, des couches de matériaux qui aident au transport de charge et, au cœur de tout cela, la couche émissive de lumière. Celle-ci est constituée d’un matériau émetteur, l’invité, dispersé dans un semi-conducteur organique, l’hôte. Cette matrice hôte est très importante car elle dirige notamment les transferts d’énergie dans le dispositif.
Vers des matrices purement organiques
« Dans les PhOLED, ce sont un complexe d’iridium, qui est l’émetteur de lumière, et la matrice qui régissent les performances du dispositif, poursuit Cyril Poriel. Nous faisons du design moléculaire de ces matrices depuis plus de dix ans. Des dizaines de laboratoires travaillent sur les OLED et les PhOLED, en particulier en Asie. Notre originalité vient de l’utilisation de matrices uniquement constituées d’atomes de carbone et d’hydrogène appelées PHC pour “Pure hydrocarbons”. » Cyril Poriel et son équipe se démarquent en effet en essayant d’enlever les hétéroatomes des structures moléculaires de ces matrices, c’est-à-dire tout atome qui n’est pas du carbone ou de l’hydrogène : azote, soufre, phosphore, oxygène, etc.
La manœuvre trouve son intérêt dans le fait que les liaisons avec les hétéroatomes sont plus fragiles que celles entre atomes de carbone, ce qui cause de l’instabilité. Se débarrasser des hétéroatomes fournit également des molécules plus simples à synthétiser. Mais comme ces hétéroatomes facilitent le transport de charges dans la PhOLED, il est difficile de faire sans eux des matrices performantes. En 2019, Cyril Poriel et ses co-auteurs ont atteint un rendement de 23 % sur une PhOLED bleue avec une matrice PHC, ce qui constituait, à l’époque, un premier résultat marquant dans le domaine3.
Un rendement record au-delà de 30 %
L’an dernier, l’équipe a atteint un rendement de 25 % pour une PhOLED utilisant une matrice PHC. « Tout notre travail consiste à contrôler les propriétés électroniques des matériaux tout en augmentant leur stabilité thermique et morphologique, et donc la stabilité de l’émission de lumière et de tout le dispositif, explique Cyril Poriel. Mais c’est très difficile du point de vue chimique, car il y a une certaine antinomie entre augmenter les stabilités thermiques et morphologiques et maintenir les propriétés électroniques en accord avec une utilisation dans une PhOLED émettrice de lumière bleue. »
Encore plus récemment, ils ont obtenu une PhOLED bleue qui illumine avec un rendement de l’ordre de 33 % 4. « C’est extrêmement élevé, affirme Cyril Poriel. Quand je suis entré au CNRS, en 2005, les performances des premiers dispositifs correspondaient à des rendements de seulement 0,1 %. Le progrès a été énorme en vingt ans. Dans cet article, nous n’avons cependant pas utilisé une phosphorescence pure, mais une émission lumineuse retardée, appelée MR-TADF5 , qui correspond à la troisième génération d’OLED. Dans ces travaux, le dopant phosphorescent est utilisé comme un relais et c’est la raison pour laquelle nous avons réussi à atteindre de très hautes performances. »
Cyril Poriel et son équipe continuent d’accroître l’efficacité des dispositifs en utilisant de nouvelles stratégies de designs moléculaires de matrices. Ils explorent aussi de nouveaux mécanismes d’émission de lumière, comme la MR-TADF utilisant un dopant phosphorescent comme relais. Des objectifs qui passent notamment par l’amélioration du transport de charge dans les matrices PHC. « Nous proposons des designs chimiques de plus en plus précis pour combler ce défaut des matrices PHC, décrit le chercheur. Nous avons obtenu des résultats marquants ces dernières années et avançons efficacement vers de performances encore plus élevées. Les dernières que nous avons obtenues sont déjà largement à l’état de l’art. Continuer d’innover d’un point de vue fondamental est crucial pour continuer à améliorer les performances des dispositifs. C’est une des clés du futur. »
Nouvelle génération de matrices hôtes, uniquement constituées d’atomes de carbone et d’hydrogène, pour les OLEDs MR-TADF haute performance © Yang et al
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet « Évolution des matrices hôtes organiques pour des OLEDs phosphorescentes bleue et blanche à haute performance : nouvelles générations de matériaux » - Evolution – AAP 2022 ». Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projets Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets génériques 2018-2019 (SAPS-CSTI-JCJC et PRC AAPG 18-19).
- 1. ISCR, CNRS/ENSC Rennes/Univ. Rennes
- 2. IETR, CentraleSupelec/CNRS/INSA Rennes/Nantes Univ./Univ. Rennes
- 3. Sicard, L. J.; Li, H.-C.; Wang, Q.; Liu, X.-Y.; Jeannin, O.; Rault-Berthelot, J.; Liao, L.-S.; Jiang, Z.-Q.; Poriel, C., C1-Linked Spirobifluorene Dimers: Pure Hydrocarbon Hosts for High-Performance Blue Phosphorescent OLEDs. Angew. Chem. Int. Ed. 2019, 58, 3848-3853.
- 4. Yang, Y.-J.; Ari, D.; Yu, Z.-H.; Letellier, K.; Jeannin, O.; Zheng, Q.; Khan, A.; Quinton, C.; Zhou, D.-Y.; Jiang, Z.-Q.; Poriel, C., Pure Hydrocarbon Hosts Enabling Efficient Multi-Resonance TADF Blue-Emitting Organic Light-Emitting Diodes. Angew. Chem. Int. Ed.e202501895.
- 5. Multi-resonant thermally activated delayed fluorescence.