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Traquez les cratères !

Traquez les cratères !

06.11.2019, par
Les chutes d'astéroïdes laissent des cicatrices partout sur notre Terre, comme le montre cette vue satellite du cratère de Tenoumer, en Mauritanie. Il mesure 1,9 km de diamètre et serait dû à une météorite tombée il y a 20 000 ans.
Prendre part à la recherche de cratères dus à des chutes d’astéroïdes et aider ainsi les scientifiques à mieux comprendre l’histoire de la Terre : voilà ce que permet désormais le programme de science participative Vigie-cratère.

Depuis sa formation il y a environ 4,5 milliards d’années, la Terre n’a pas uniquement été modelée par des processus géologiques lents comme la tectonique des plaques ou l’érosion. Au contraire ! Elle a subi l’assaut de plusieurs centaines d’astéroïdes. Lesquels sont venus la percuter à une vitesse de plus de 36 000 kilomètres (km) par heure. Brutales, voire parfois cataclysmiques, ces collisions ont laissé des traces circulaires pouvant dépasser parfois les 100 km : des cratères d’impacts.

C’est justement pour permettre à tous de participer à la recherche de ces vestiges que la nouvelle plateforme de science citoyenne Vigie-cratère vient d’être lancée par le CNRS, le Muséum national d’histoire naturelle, l’Institut de recherche pour le développement et l’Université Paris-Saclay.
 

Sur la page d'accueil de la plateforme Vigie-cratère, le globe répertorie les structures étudiées (en jaune, les structures détectées, en rouge, les structures d'impact).
Sur la page d'accueil de la plateforme Vigie-cratère, le globe répertorie les structures étudiées (en jaune, les structures détectées, en rouge, les structures d'impact).

Pour lever le doute sur certaines structures, il a fallu attendre 1960 et l’identification de minéraux ne pouvant se former que lors d’impact avec des corps extraterrestres.

« L’aide du public devrait significativement accélérer cette quête et ainsi faire considérablement avancer la science », espère Sylvain Bouley, spécialiste des impacts au laboratoire Géosciences Paris-Sud1, et père du programme avec David Baratoux, du laboratoire Géosciences environnement Toulouse2. Étudier les cratères d’impacts cosmiques est crucial pour reconstituer toute l’histoire géologique de notre planète. Car les chutes d’astéroïdes ont pu avoir des conséquences majeures sur l’environnement et la vie de la Terre. Et ce au non seulement au niveau local, mais aussi à l’échelle mondiale. 

Ainsi, il est désormais largement admis que la disparition des dinosaures il y a 66 millions d’années est due à la chute, au Mexique, de l'astéroïde de Chicxulub : ce corps de plus de 10 km de diamètre aurait soulevé d’énormes quantités de débris dans l’air, et aurait ainsi plongé toute la Terre dans l'obscurité pendant plusieurs années ; ce qui aurait induit l’extinction de 75 % des espèces vivant alors.

Plus de 300 cratères à localiser

Historiquement, les premiers cratères d’impacts observés sur Terre, comme le Meteor Crater en Arizona (États-Unis), ont été découverts dès le début du XXe siècle. Cependant, « pendant longtemps, la plupart des scientifiques pensèrent qu’il s’agissait là de cratères de volcans, raconte Sylvain Bouley. Pour lever le doute sur la réelle nature de ces structures, il fallut attendre l’identification, à leur niveau, de certains minéraux ne pouvant se former que lors d’un impact avec des corps extraterrestres (coésite, stishovite…). Une démonstration qui ne fut possible qu’en 1960 ».

Depuis, les chercheurs ont pu confirmer l’existence de près de 200 structures d’impacts. Mais voilà : comme l’a montré une étude allemande récente3, si la plupart des cratères de plus de 6 km de diamètre ont probablement tous été découverts, il resterait encore à découvrir plus de 90 cratères de 1 à 6 km, et plus de 250 inférieurs à 1 km. « Notamment en Afrique et en Asie, où il y a eu encore peu d’explorations de ce type », souligne notre contact.
 

A droite, l'image satellite du Meteor Crater en Arizona, large de 1,5 km. A gauche, la même image en relief ombré grâce à la reconstruction numérique met en évidence la dépression circulaire.
A droite, l'image satellite du Meteor Crater en Arizona, large de 1,5 km. A gauche, la même image en relief ombré grâce à la reconstruction numérique met en évidence la dépression circulaire.

Troisième volet du programme de sciences participatives Vigie-ciel4 – qui invite déjà depuis 2016, à participer à l’observation des étoiles filantes et à la recherche de météorites –, Vigie-cratère a pour but la détection de structures d’impacts dans le monde entier. Et ce, à l’aide de reconstructions numériques du relief terrestre. Obtenues grâce à des calculs de satellites et représentant le relief via un dégradé de gris, ces images peuvent révéler des dépressions invisibles sur l’imagerie satellite, car par exemple cachées par la végétation. « Au total, Vigie-cratère.org comporte pas moins de 200 000 images topographiques couvrant chacune une parcelle de continent de 50 km par 50 km, ces clichés permettant de repérer les cratères de plus de 500 mètres », détaille Sylvain Bouley.
 

Trois interfaces de recherche

En pratique, la plateforme est accessible à tous, « dès l’âge de 9 ans, à condition toutefois d’expliquer alors son contexte et sa finalité » ; et à tous les pays : « le portail comprend une version en anglais ». Pour se lancer, il suffit de se connecter via www.vigie-ciel.org ou www.vigie-cratere.org, puis de créer un compte utilisateur, en entrant nom, prénom, mail et pays. Dès lors, il est possible d’accéder aux trois interfaces de la plateforme.

La première propose de chercher des structures circulaires sur des images topographiques tirées au hasard parmi les 200 000 disponibles. Le but est d’entourer, à l’aide d’un outil dédié, les dépressions éventuellement détectées. La validation de cette étape permet de répertorier la structure d’impact potentiellement observée, sur un modèle de globe terrestre, accessible à tous dès la page d’accueil.
 

Sans l’aide du grand public, l’analyse des 200 000 images de Vigie-cratère nécessiterait, pour une personne, pas moins de 6 années, à raison de 35 heures par semaine, et de 2-3 minutes par image.

La seconde interface de Vigie-cratère permet de ré-analyser les structures ainsi préalablement repérées par d’autres utilisateurs. Les objectifs ici sont triples : indiquer si l’image proposée (tirée aussi au hasard) montre bien une possible structure d’impact ; préciser si cette formation est également visible sur l’image satellite de la zone analysée ; et donner un avis sur sa nature, sachant qu’une structure circulaire peut être un cratère d’impact cosmique, mais aussi un volcan ou une formation liée aux activités humaines (explosion, carrière…). Un tutoriel permet de se familiariser avec ce dernier exercice.
 

 

La seconde interface de Vigie-cratère permet de donner son avis sur la nature de structures repérées au préalable par d'autres utilisateurs.
La seconde interface de Vigie-cratère permet de donner son avis sur la nature de structures repérées au préalable par d'autres utilisateurs.

On l’aura compris : les deux premières interfaces de Vigie-cratère permettent de restreindre le champ des possibles« Sans l’aide du grand public, l’analyse des 200 000 images de Vigie-cratère nécessiterait, pour une personne, pas moins de 6 années, à raison de 35 heures par semaine, et de 2-3 minutes par image », estime Sylvain Bouley.

Le travail de terrain reste crucial

Quant à la troisième interface de la plateforme, elle propose aux voyageurs et aux personnes vivant à proximité d’une structure d’impact identifiée, de se rendre sur place et de prendre des photos du paysage et des roches au niveau de l’éventuel cratère d’impact, puis d’enregistrer ces clichés sur Vigie-cratère.org.

Cette photo du cratère Monturaqui (450m de diamètre) a été prise par Sylvain Bouley au cours d'une mission d'observation au Chili, en 2017.
Cette photo du cratère Monturaqui (450m de diamètre) a été prise par Sylvain Bouley au cours d'une mission d'observation au Chili, en 2017.

À terme, les initiateurs du programme espèrent que la base de données ainsi enrichie par le public, permettra de motiver certains chercheurs à organiser des missions de terrain pour étudier de près les structures qui s’avéreront les plus intéressantes. « Pour trancher sur la nature d'un candidat, il est crucial d’analyser les roches en place à l'échelle macroscopique (à l'œil nu), puis de les échantillonner afin de les observer au microscope », rappelle Sylvain Bouley.

Point important : « Si un jour une des structures repérées par le public fait l’objet d’une publication scientifique, son découvreur amateur sera cité parmi les auteurs de l’étude », signale le chercheur. À ce jour, quelques centaines de personnes se sont déjà inscrites sur Vigie-cratère. Et environ 350 structures potentielles ont été découvertes. Un bon début ! ♦

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Notes
  • 1. Unité CNRS/Université Paris-Sud.
  • 2. CNRS/IRD/Université Toulouse 3- Paul Sabatier, Toulouse.
  • 3. S. Hergarten et T. Kenkmann, The number of impact craters on Earth: Any room for further discoveries?", Earth and Planetary Science Letters, septembre 2015.
  • 4. Porté par le Muséum national d’histoire naturelle, en partenariat avec l’Observatoire de Paris, Universcience, l’Université Grenoble-Alpes et l’Institut Pythéas.
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Auteur

Kheira Bettayeb

Journaliste scientifique freelance depuis dix ans, Kheira Bettayeb est spécialiste des domaines suivants : médecine, biologie, neurosciences, zoologie, astronomie, physique et nouvelles technologies. Elle travaille notamment pour la presse magazine nationale.

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