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De l’atome au matériau, la chimie donne matière(s) à penser. Qu'ils touchent aux nanomédicaments, aux téléphones mobiles, aux véhicules à hydrogène ou à l’utilisation de la biomasse, des chimistes explorent de nouvelles pistes en tenant compte des enjeux environnementaux et sociétaux. Lancé à l'occasion de l'année de la chimie, ce blog est une invitation à découvrir leurs travaux et leurs réflexions.
 

A la une

Les MOFs sur un air de révolution industrielle
14.12.2018, par David Farrusseng, directeur de recherches CNRS à l'Institut de recherches sur la catalyse et l'environnement de Lyon (Ircelyon)
Les MOFs, sortes de matériaux « cages », font l’objet d’une dizaine d’articles scientifiques par jour. Un rythme effréné qui reflète bien leur enjeu pour l’énergie, l’environnement et la santé. Une étape clé vers l’industrialisation vient d’être franchie.

Ces dernières décennies, les chimistes ont travaillé de façon exponentielle sur les matériaux poreux en général et les matériaux microporeux en particulier pour répondre aux problématiques en matière de stockage de l’énergie et de préservation de notre environnement. Ces matériaux contiennent des cavités dont la taille est de l’ordre du nanomètre, ce qui correspond à celle de petites molécules essentielles (O2, H2O, CH4, CO2, etc.), si bien que de nombreuses propriétés spécifiques d’adsorptionFermerPhénomène de fixation d’une molécule à la surface d’un solide. (plus grande capacité) et de séparations sélectives ont été découvertes. Les laboratoires se sont notamment focalisés sur les zéolithes1, d’autres oxydes (les silico-aluminates), les nanotubes de carbone et les polymères poreux dont les trous, de l’ordre de 10 à 30 angströms, agissent comme un tamis moléculaire. Les zéolithes connaissent un succès retentissant : leur production synthétique dépasse aujourd’hui les 2 millions de tonnes par an et leur valeur ne cesse d’augmenter.

Matériaux nanoporeux : de curiosités de laboratoires à la commercialisation ?

Les critères du succès commercial d’une recherche fondamentale sont multiples : coût des matières premières, aspects de sécurité au niveau de la production (risques chimiques, toxiques, etc.), de nanotoxicité et de stabilité au niveau de leur utilisation. Exceptées ces contraintes d’industrialisation, le succès repose bien évidemment sur des propriétés physico-chimiques en rupture qui permettent l’innovation.

Si l’on prend le cas des zéolithes, parmi plus de 150 structures découvertes et d’innombrables variantes, seulement une poignée répondent à ces critères. Malgré des succès majeurs dans le secteur du raffinage et de la pétrochimie, les zéolithes ne répondent pas à certains défis de demain comme la purification de l’air et le stockage du CO2, notamment.

Les MOFs, des matériaux en rupture

Dans ce paysage, les MOFs, (Metal-Organic Frameworks), ou polymères de coordination poreux,  offrent une alternative intéressante. Ces polymères sont des solides en rupture par rapport aux zéolithes et charbons actifs. En effet, ils se distinguent par leur composition à la fois inorganique (métallique) et organique, qui en fait des structures cristallines souples, comparables à des éponges de mer. On imagine donc bien leur utilité en termes de purification de l’air ou du stockage des gaz. Ils pourraient aussi servir de vecteurs pour des médicaments en relarguant lentement leur contenu sur la cible, ou de système de refroidissement pour data center.

Gérard Férey2, Médaille d’or du CNRS, avait bien présagé de leur potentiel. En 2005, avec le MIL-101 (Matériau de l’Institut Lavoisier 101), son équipe et lui obtenaient une structure hybride dotée de cages de 4 nanomètres de diamètre. De quoi piéger 400 fois son volume de gaz, brevets CNRS à la clé. Les chimistes du monde entier ont fondé leurs travaux sur cette nouvelle classe de matériaux. D’autres classes de MOFs ont ensuite agrandi la famille, tels que le MIL-53, le UiO-66.

Mais pour autant, ces matériaux aux noms d’agents secrets ont-ils percé au niveau industriel ? De manière générale, le remplacement d’une technologie mature par une autre solution innovante implique que cette dernière apporte, à terme, un gain de performance pour un coût égal voire inférieur. Pour la plupart des applications, malheureusement, payer plus cher pour des performances accrues est un luxe. Voyons ce qu’il en est pour les MOFs.
 

Pellets de UiO-66. Les MOFs de la famille UiO-66 sont parmi les matériaux hybrides les plus stables aux niveaux thermique, chimique, hydrothermal et mécanique.
Pellets de UiO-66. Les MOFs de la famille UiO-66 sont parmi les matériaux hybrides les plus stables aux niveaux thermique, chimique, hydrothermal et mécanique.

Une ligne pilote de production de MOFs en France

Si les MOFs ne font pas partie des solides poreux les plus stables, notamment à cause de leur structure hybride, il existe quelques exceptions. Ceux de la famille UiO-66 brevetés par le CNRS et l’Université d’Oslo sont parmi les matériaux hybrides les plus stables aux niveaux thermique, chimique, hydrothermal et mécanique3. De plus, réalisés à base de zirconium, ils ne posent pas de problème de toxicité.

Dans le cadre du projet européen ProDIA que j’ai la chance de coordonner, les partenaires Axel’One, Institut de recherches sur la catalyse et l’environnement de Lyon (IrceLyon)4, ICN2 (Barcelone), IKTS (Dresden) et la société MOFapps ont développé, dans la région lyonnaise, des procédés innovants de production pilote pour la synthèse et la mise en forme de cette famille de MOFs. Les innovations portent sur des nouveaux procédés de synthèse opérant désormais sans solvant organique ni sel, ce qui était pourtant jusqu’ici une condition pour obtenir des MOFs à un coût compatible avec le marché. Un lot pilote de 150 kg de UiO-66 a été produit avec un rendement supérieur à 95 %. La poudre cristalline peut être extrudée pour être transformée en pastilles très compactes sans perte de propriétés poreuses, de manière à stocker un maximum de gaz dans un volume réduit.


La poudre de HKUST-1 est développée à l’échelle semi-industrielle. (Photo : Thomas MICHON/ Axel'One)
  

« HKUST-1 », autre vedette parmi les MOFs, a été développée à l’échelle semi-industrielle. Sa production a été conjointement mise au point par Ircelyon et une équipe pionnière ICN2 (Barcelone), réalisée toujours par Axel’One sur un pilote d’atomisation aux caractéristiques uniques en Europe5. Plusieurs dizaines de kilogrammes de produit sec de haute pureté sont obtenues en quelques heures seulement. L’unité pulvérise les gouttelettes du mélange réactionnel pour former et sécher le solide nanoporeux en même temps. Ce succès permet d’envisager des capacités de production en continu de 300 kilos/jour pour un atomiseur d’échelle industrielle à un coût marginal.
 
C’était le récit de la construction d’un pont entre recherche fondamentale et recherche appliquée. En attendant la suite…

   

Pour en savoir plus

« Le règne des matériaux poreux sur mesure »

Groupe français des zéolithes

 
 
 

Notes
  • 1. «Extra-Large-Pore Zeolites with Two-Dimensional Channels Formed by 14 and 12 Rings»,J.-L. Paillaud, B. Harbuzaru, J. Patarin, et al., Science, 2004, Vol. 304 (5673), 990-992. «The ITQ-37 mesoporous chiral zeolite», J. Sun, B. Bonneau, A. Cantin, et al. Nature, 2009, Vol. 458 (7242), 1154.
  • 2. «A chromium terephthalate-based solid with unusually large pore volumes and surface area», G. Ferey, C. Mellot-Draznieks, C. Serre, et al. Science, 2005, 309 (5743), 2040.
  • 3. «Synthesis and Stability of Tagged UiO-66 Zr-MOFs», M. Kandiah, et al. Chemistry of Materials, 2010, Vol.22(24) 6632-6640.
  • 4. Unité CNRS/Université Claude-Bernard Lyon-1/Université de Lyon.
  • 5. Cet équipement a été financé dans le cadre du projet Sysprod subventionné par l’Europe (FEDER), l’État, la Région Auvergne-Rhône-Alpes, la Métropole de Lyon, le CNRS et IFP Énergies nouvelles dans le cadre du Contrat de Plan État-Région (CPER) 2015-2020. IFPEN est propriétaire de l’outil d’atomisation.

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