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A propos

Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

Les auteurs du blog

Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

A la une

Combattre la destruction du patrimoine mondial par l’éducation
01.06.2015, par Cécile Michel
Mis à jour le 05.04.2023

Lors de la « Journée de mobilisation pour le patrimoine : Irak, Syrie et autres pays en conflit » organisée par l’Université des Nations Unies et l’UNESCO le 6 mai dernier, intellectuels, archéologues, écrivains, et poètes se sont mobilisés pour apporter des réponses à la destruction du patrimoine de l’humanité au Proche-Orient. Dans leurs discours, les intervenants ont insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d’éduquer les populations pour prévenir et combattre les actes de barbarie. Le père Najeeb, dominicain irakien de la région de Mossoul qui, au péril de sa vie, a sauvé des milliers de manuscrits anciens (dont des fac-similés sont présentés aux Archives Nationales en ce moment) dispense des cours sur le patrimoine irakien aux jeunes dans les camps de réfugiés au Kurdistan. Leïla Sebaï, archéologue tunisienne, a renchéri : l’absence d’éducation peut conduire à de tels actes de barbarie. Et Bruno Favel, Président du Comité directeur de la culture, du patrimoine et du paysage au Conseil de l’Europe de conclure : « Il est impératif de réintroduire dans les manuels scolaires (en France) les civilisations préislamiques ». Alors que les enseignements du grec et du latin au collège sont menacés et que les programmes d’histoire ancienne sont réduits comme une peau de chagrin, cette remarque est plus que jamais d’actualité !

Aujourd’hui, l’enseignement des langues mortes est conçu à la fois comme un cours de civilisation et un cours de langue ancienne. Les élèves se promènent dans l’Athènes et la Rome antiques, ils découvrent la vie quotidienne des citoyens grecs et romains, côtoient leurs héros, se passionnent pour les aventures mythologiques des nombreux dieux et déesses aux pouvoirs surnaturels. Cet enseignement, loin d’être discriminatoire, met la culture à la portée de tous. Il fait prendre conscience aux jeunes, quel que soit leur milieu ou leur origine, des racines communes de leur histoire multi-millénaire.

La naissance de l’écriture et la Mésopotamie faisant l’objet d’une leçon au programme d’histoire en classe de 6ème, l’assyriologue que je suis donne à l’occasion aux élèves un aperçu de la richesse de la civilisation mésopotamienne. Les professeurs de grec et latin sollicitent aussi des interventions dans leur classe pour répondre à la question de leurs élèves : à quoi sert l’apprentissage des langues mortes ? Les réponses sont multiples : déchiffrer et traduire les textes laissés par les anciens afin de reconstituer leur histoire… qui est aussi la nôtre ; comprendre le fonctionnement de nos langues qui sont les héritières de langues antiques… Les élèves sont invités à suivre le cursus des jeunes scribes du début du IIe millénaire av. J.-C. qui allaient à l’école pour apprendre à écrire le babylonien, la langue de tous les jours, le sumérien, langue morte utilisée dans la culture écrite, et les mathématiques.
 
Ces écoles de scribes attirent régulièrement des classes des établissements en zone d’éducation prioritaire. Les élèves y apprennent à faire la différence entre langue et écriture : la première sert à communiquer, la seconde est un code servant à noter la langue. Une même écriture peut servir à noter plusieurs langues, une même langue peut être notée dans différents systèmes d’écritures. Les élèves qui parlent une langue étrangère à la maison sont souvent les plus prompts à proposer des exemples. Après avoir compris le maniement de la baguette sur l’argile pour écrire les signes cunéiformes formés d’une combinaison de clous verticaux, horizontaux et obliques, les élèves disposant d’un syllabaire paléo-babylonien sont invités à transcrire leur prénom en signes cunéiformes syllabiques. Faisant abstraction de l’orthographe, ils doivent découvrir les signes aux sons les plus proches pour écrire phonétiquement leur prénom. Le syllabaire cunéiforme étant conçu pour une langue sémitique, les enfants portant des noms français ont parfois de grandes difficultés pour transcrire leur prénom avec ce système d’écriture. En revanche, les enfants portant des noms d’origine sémitique ont à leur disposition tous les sons nécessaires pour former leur prénom. Chacun prend ainsi conscience des éventuels obstacles que le voisin, qui parle une langue ou utilise une écriture différente, rencontre pour s’adapter à une nouvelle langue ou une nouvelle écriture : c’est l’apprentissage des différences et la prise de conscience de l’autre.

Ensuite, les élèves apprennent à écrire les nombres et à compter en base 60, comme les petits Babyloniens. Pour effectuer des multiplications en base 60, les jeunes scribes devaient apprendre des tables. Les élèves d’aujourd’hui devant dresser une table de multiplication selon le système sexagésimal cunéiforme découvrent la facilité de l’exercice une fois qu’ils ont compris que notre mesure du temps a emprunté la base 60 aux Mésopotamiens : il suffit de regarder sa montre pour multiplier un nombre dans le système sexagésimal. Expliquer l’origine des outils mathématiques utilisés aujourd’hui, comme la base soixante pour la mesure des angles ou du temps, ouvre des horizons aux jeunes et leur permet d’assimiler plus facilement les notions abstraites.

Les jeunes sont curieux, ne les privons du plaisir de la découverte !

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