Donner du sens à la science

A propos

Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

Les auteurs du blog

Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

A la une

Comme un bateau, il flotte toujours sur l’eau
26.04.2022, par Cécile Michel
Mis à jour le 26.04.2022

Ce proverbe sumérien est à l’image des habitants du sud de la Mésopotamie qui avaient construit leurs maisons de roseaux sur des îlots au cœur des marais. Pour se déplacer d’un lieu à l’autre, ou encore pour aller pêcher, ils utilisaient différents types de bateaux. Une mission irakienne et allemande, menant des fouilles de sauvetage dans les environs du site d’Uruk (moderne Warka), vient de mettre au jour (printemps 2022), les vestiges d’une barque entière.

Ce bateau, datant du IIIe millénaire av. J.-C., mesure 7 mètres de long et 1,4 mètre de large. Il naviguait sans doute sur une rivière lorsqu’il a coulé il y a environ 4000 ans. Il a été préservé dans les couches de sédiments qui se sont accumulées. Fait de matériaux organiques qui n’ont pas survécu au temps – bois, roseaux, feuilles de palmier – il était recouvert de bitume afin de le rendre étanche. Et c’est le bitume qui en a préservé la forme complète.

Repéré par une prospection systématique des environs d’Uruk il a été dégagé avec beaucoup de précautions, car le bitume recouvrant sa coque ne dépasse pas le centimètre d’épaisseur en certains endroits. Un relevé complet en 3D a été effectué sur place, puis il a été plâtré avant d’être prélevé du sol et transporté fin mars au Musée d’Irak à Bagdad.
 Julia Nador, Deutsches Archäologisches Institut.Epave de bateau dans la région d'Uruk.

Les épaves de bateaux sont plus souvent trouvées lors de fouilles sous-marines. La plus célèbre est celle d’Ulburun, datant de l’Âge du Bronze Récent, découverte en 1982 sur la côte sud de la Turquie en Méditerranée. Deux fois plus long que le bateau d’Uruk, ce navire commercial avait toute sa cargaison lorsqu’il sombra.

La forme du bateau juste mis au jour peut être comparée avec des modèles de taille réduite découverts sur plusieurs sites de Mésopotamie. Le plus ancien, réalisé en terre cuite, a été trouvé à Eridu et date de l’époque d’Obeid (vers 4000 av. J.-C.). Y sont représentés le trou pour le mât et d’autres trous sur le bordé pour y fixer les haubans. La tombe du roi d’Ur (2600 av. J.-C.) contenait des maquettes de bateaux de pêcheurs en forme de croissant réalisées en argent et en cuivre.

Cette forme de bateau ou barque est représentée dans l’iconographie du troisième millénaire. Un relief perforé en pierre du Dynastique archaïque II (2750-2600) montre par exemple sur son registre inférieur une scène de banquet dans une barque contenant un homme, un gobelet à la main, et trois personnes en train de pagayer. Un sceau-cylindre de la période d’Akkad (2340-220) illustre le dieu de l’abîme des eaux douces, Enki/Ea.
 Musée du Louvre Relief perforé du Dynastique archaïque.

Les textes cunéiformes précisent les différents types d’embarcations destinées au transport des personnes ou des marchandises, celles navigant sur la mer ou sur les fleuves, les tonnages des bateaux et les taxes prélevées dans certaines villes construites au bord de l’Euphrate. Les textes mythologiques quant à eux, donnent des précisions sur la forme cubique et les dimensions de l’arche utilisée par le Noé babylonien (le Super-sage Atrahasis, ou bien Outanapishtim dans l’Épopée de Gilgamesh) pour survivre au Déluge.

Cette nouvelle découverte va permettre d’améliorer nos connaissances sur les techniques de construction et calfatage des bateaux dans une région, le sud mésopotamien, où ils étaient indispensables à l’économie.

 

Commentaires

0 commentaire
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS