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La terminologie des vêtements dans les textes cunéiformes met en évidence les variétés de matériaux, les techniques de tissage et les particularités régionales. Au IIIe millénaire et dans la première moitié du IIe millénaire av. J.-C., les textes du quotidien ne font pas de distinction claire entre vêtements féminins et vêtements masculins. Les formes des vêtements sont alors plutôt simples : robes ou jupes à mèches, tuniques et longs coupons rectangulaires drapés autour du corps. L’iconographie suggère qu’hommes et femmes disposent leurs vêtements autour de leur corps de manières différentes et utilisent différents accessoires : des épingles à vêtement pour les femmes et une ceinture pour les hommes.
Des incrustations en coquillage découvertes à Mari et datant du milieu du IIIe millénaire montrent comment les femmes portent ces épingles. Il s'agit de longues tiges droites ou courbées surmontées d’une tête décorée, ou encore d’épingles à tige plus courte et portées par paires. Les sites du Proche-Orient ont fourni de très nombreux exemplaires représentant chacun de ces trois types.
Ces épingles, parfois véritables bijoux en or ou argent et pierres fines, sont offertes aux femmes à l’occasion de leur mariage. Dans le cas d’un divorce prononcé au détriment de l’épouse, celle-ci doit quitter le foyer « nue » après avoir ôter l’épingle retenant son vêtement : elle abandonne donc toutes ses possessions. Cet accessoire féminin est aussi porté par les déesses. Lorsqu’Inanna descend aux Enfers et franchit les sept portes qui la séparent du trône qu’elle convoite, elle doit ôter un élément de sa parure à chaque porte. Passant la quatrième porte, elle ôte l’épingle qui tient son vêtement et arrive nue et sans pouvoir devant la reine des Enfers.
Epingles à vêtements trouvées à Kültepe (XIXe s. av. J.-C.).
Ces épingles sont donc liées à la féminité et représentent l’élément le plus important du vêtement féminin. Dans une version assyrienne (XIXe s.) et satirique de la légende retraçant les hauts-faits de Sargon d’Akkad, le roi, voulant ridiculiser ses ennemis, les pare comme des femmes en accrochant une épingle à leur vêtement.
Ce même texte met l’accent sur la ceinture portée par le roi, attribut de masculinité et de puissance. Alors qu’il court après une gazelle, Sargon jette une brique de terre crue dans la rivière, mais sa ceinture casse. Sans s’arrêter de courir, le roi remplace sa ceinture par un serpent, attrape la gazelle et récupère la brique dans l’eau avant qu’elle ne se dissolve. Sargon, surhomme et athlète, domine la nature sauvage en utilisant un serpent en guise de ceinture.
La ceinture représente l'un des cadeaux incontournables à faire à un homme, par exemple lors de l'échange de cadeaux avant le mariage. Il s’agit d’une pièce d’étoffe nouée à la taille, ou encore d’une ceinture en cuir ou en métal, parfois ornée de pierres fines.
La ceinture, principal accessoire vestimentaire des hommes, permet en outre d’y glisser sa dague. Gilgamesh évoque de manière imagée son ami Enkidu comme son armure : « La hache à mon côté, dans laquelle mon bras s'est confié, l'épée de ma ceinture, le bouclier devant moi. ». La ceinture des hommes est mise en évidence dans certaines représentations; des scènes de combat montrent des héros nus, vêtus seulement d’une ceinture.
Dans la Grèce antique, comme en Mésopotamie, la ceinture est considérée comme un symbole de masculinité et de pouvoir. À Rome, la ceinture militaire sert de support au poignard du soldat. Lorsque celui-ci veut quitter l'armée, il jette à terre sa ceinture en public.
Des codes vestimentaires propres à chaque sexe existent encore aujourd’hui. Hommes et femmes ne boutonnent pas leurs chemises de la même manière : les chemises des hommes ont les boutons sur le côté droit, tandis que sur celles des femmes, les boutons sont cousus sur le côté gauche. Cette coutume remonte au XVIIe siècle, à une époque où les femmes de la haute société portaient des vêtements compliqués avec des boutons et avaient besoin de l'aide de leurs domestiques pour s'habiller : pour faciliter la tâche de ces dernières, les boutons des corsages féminins ont alors été déplacés sur le côté gauche. Le costume masculin étant plus simple, et les hommes n'avaient pas besoin d'aide pour s'habiller. Les femmes pauvres avaient des vêtements simples, sans boutons. Cette apparente distinction de genre trouve donc son origine dans le statut social de certaines femmes.
La manière dont nous nous habillons obéit à toute une série de codes qui peuvent être liés au statut social, à l’origine ethnique, au milieu, à la profession ou au genre d’une personne. Il est donc important d'analyser ces codes vestimentaires, et de voir dans quelles circonstances ou sur quelles parties du costume ces codes pouvaient se rencontrer.
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du journal CNRS