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Le vêtement, outre son utilisation pratique évidente, participe à la construction de l’identité, qu’elle soit sociale, culturelle ou liée au genre. Au IVe millénaire avant J.-C., les scènes représentées sur la statuaire et les reliefs montrent la forme que pouvaient prendre les vêtements. Sur le fameux vase en albâtre d’Uruk, mesurant environ un mètre de hauteur, tandis que les divinités et dignitaires sont habillés de robes ou de jupes, les serviteurs qui leur apportent des offrandes sont nus.
Registre supérieur du vase d’Uruk. Homme nu présentant des offrandes à la déesse Inana. 3000-2900 av. J.-C. Musée d’Irak à Bagdad.
Dans la littérature akkadienne, les vêtements sont aussi décrits pour leur identité culturelle et leur fonction sociale. Dans l’Épopée de Gilgamesh, Shamhat, la prostituée, enlève ses vêtements pour séduire Enkidu l’homme sauvage qui, par la suite, affronte le héros pour devenir son ami dans un second temps. Enkidu, après l’acte sexuel avec la prostituée, s’intègre au monde civilisé en mangeant du pain, en buvant de la bière, et en portant un vêtement.
La manière de porter un vêtement peut également représenter un moyen de marquer son identité sexuelle. Les textes littéraires évoquent des cas de travestissement. Lorsqu’une femme est habillée de façon « masculine » ou un homme de manière « efféminée », ils sont considérés comme marginaux et incapables de se conformer aux règles culturelles et de genre appropriées. Les compositions liées au culte de la déesse sumérienne Inana (Ishtar en akkadien) traitent du travestissement des femmes en hommes et des hommes en femmes.
Un hymne sumérien à Inana pour le roi Ishme-Dagan et datant 18e siècle, rappelle que la déesse de l’amour et de la guerre a le pouvoir de changer les hommes en femmes et réciproquement : « Inana s’est vu confier par Enlil et Ninlil la capacité (...) de transformer un homme en femme et une femme en homme, de changer l’un en l’autre, de faire en sorte que les jeunes femmes s’habillent en hommes sur leur côté droit, que les jeunes hommes s’habillent en femmes sur leur côté gauche. »
L’iconographie donne une idée de la forme des vêtements et de la manière dont ils sont portés, mais les représentations sont souvent sujettes à des conventions. La latéralisation du vêtement selon le genre du porteur est loin d’être systématique dans les différents corpus iconographiques du IIIe et du début du IIe millénaires. Femmes et hommes peuvent avoir l’épaule droite découverte, comme sur cette plaquette en argile représentant un couple, ou encore les femmes avoir les deux épaules couvertes par un châle. La statue du 22e siècle d’une princesse que l’on désigne aujourd’hui comme la « femme à l’écharpe » en est un très bel exemple. Les deux corpus, textes et images, ne coïncident donc pas nécessairement.
Un autre hymne en akkadien contemporain et rédigé pour la déesse Ishtar donne quelques détails supplémentaires : « Le comportement habituel est mis sens dessus dessous (...) En vérité, la femme, comme l’homme, sa tenue est désordonnée. (...) Les hommes sont dotés de peignes comme la femme. Leur tissu est multicolore. Leur (tête) est couverte de (tissus) multicolores. »
Les hommes sont donc dotés d’attributs féminins spécifiques, comme des peignes et s’habillent de tissus multicolores, tandis que les femmes adoptent une tenue masculine désordonnée. Des textes du milieu du IIe millénaire confirment que les vêtements masculins sont plus souvent unicolores ou blancs.
Les textiles transformés en vêtements expriment donc le genre de celui ou celle qui les porte, mais aussi son statut social et son appartenance culturelle. Le vêtement constitue un marqueur identitaire qui s’exprime entre autres par la couleur du vêtement et la manière de draper l’étoffe ou de l’arranger sur le corps. Le langage du corps est défini par l’habillement et prescrit socialement par les rôles de genre.
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du journal CNRS