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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

Les auteurs du blog

Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

A la une

Les mathématiques babyloniennes font parler d’elles
26.09.2017, par Cécile Michel
Mis à jour le 26.09.2017

Parmi les centaines de milliers de tablettes cunéiformes exhumées au Proche-Orient, différents groupes de textes témoignent des connaissances en mathématiques des Babyloniens.

Le lot le plus important comporte un millier d’exercices scolaires laissés par les apprentis-scribes du début du 2ème millénaire av. J.-C., en particulier dans la ville de Nippur, au sud de l’Irak, entre Tigre et Euphrate. D’autres textes de la même époque émanent d’érudits qui ont rédigé des suites de problèmes du second degré, ou d’algorithmes de calcul numérique, avec leurs solutions.

L’une de ces tablettes, Plimpton 322, du nom de son heureux propriétaire au début du 20e siècle, et qui se trouve aujourd’hui à l’Université de Columbia, intrigue les scientifiques depuis plus de soixante-dix ans.[1] Ce texte, qui n’est pas complet, donne la liste de quinze triplets de nombres qui vérifient pour chacun d’entre eux la relation de Pythagore, relation que Franc-Nohain a mis en quatrain ainsi : « Le carré de l’hypoténuse / est égal si je ne m’abuse / à la somme des carrés / construits sur les autres côtés. »

Les nombres qui forment les triplets pythagoriciens de Plimpton 322 sont écrits dans le système positionnel sexagésimal propre à l’écriture des nombres dans les textes cunéiformes mathématiques. Ce système de numération, attesté depuis la fin du 3ème millénaire, repose sur l’utilisation de deux signes :

Les chiffres jusqu’à 59 sont écrits en répétant ces deux signes autant que nécessaire.

C’est une numération qui repose sur la base soixante, c’est-à-dire que 60 s’écrit de la même manière que 1, avec un clou vertical.

C’est une numération positionnelle car selon la position qu’ils ont, les signes prennent une valeur différente. Dans l’exemple précédent, le clou vertical à gauche vaut soixante fois plus que celui placé à droite.

Il n’existe pas de signe pour représenter une position vide, c.-à-d. correspondant à notre « zéro » ; cette numération ne précise donc pas l’ordre de grandeur. Par conséquent, le clou vertical seul correspond à 1, 60, 60×60, ou toute puissance de soixante, ou encore 1/60.
Cela laisse une grande souplesse dans les calculs, mais nécessite de connaître l’ordre de grandeur de ce qui est calculé.
Tablette Plimpton 322Tablette Plimpton 322 publiée dans C. Proust, Trouver toutes les diagonales, Images des mathématiques, 15 novembre 2015.

Plimpton 322 est revenue sur le devant de la scène cet été dans un article dû à deux mathématiciens de Sydney : ces derniers proposent d’y voir la toute première table trigonométrique, un millénaire et demi avant celle proposée par le mathématicien Grec Hipparque (2e siècle av. J.-C.).[2] Une table trigonométrique donne les relations entre la valeur des angles et des longueurs des côtés des triangles rectangles. Plimpton 322 ne comporte pas de données sur les angles. Une telle proposition ne tient pas compte du contexte historique dans lequel cette tablette a été rédigée : aucune autre tablette produite par les mathématiciens du sud de la Mésopotamie au début du 2ème millénaire découverte à ce jour permet d’étayer une telle hypothèse.

Dans Plimpton 322, chaque triplet pythagoricien est constitué de nombres entiers, certains d’entre eux comportent jusqu’à 8 positions sexagésimales. Ces triplets correspondent donc à des triangles rectangles dont les longueur, largeur et diagonale correspondent à des nombres entiers. Selon Britton, Proust et Schnider (2011), elles auraient été obtenues grâce à un algorithme utilisé par les scribes babyloniens, dont on trouve la trace dans des textes déchiffrés récemment par Jöran Friberg. Les quinze lignes visibles formeraient une partie de la solution à un problème d’arithmétique ; la partie non inscrite de la tablette (revers) pourrait avoir été préparée pour recevoir l’autre partie de cette solution. Il existe d’autres tablettes cunéiformes de cette époque contenant des algorithmes de calcul numérique avec leur solution.

Chaque texte cunéiforme, pris isolément, délivre certains types d’information qui doivent ensuite être confrontées aux textes produits dans le même environnement, cela permet à l’historien de valider ou non ses hypothèses, de mieux cerner l’auteur du texte et le milieu dans lequel il a évolué. Lorsqu’un texte est vendu sur le marché des antiquités, il est arraché à son contexte archéologique d’une part, mais aussi à la collection de textes au sein de laquelle il était conservé. Selon l’assyriologue E. J. Banks qui a vendu cette tablette à George Arthur Plimpton en 1922, celle-ci était originaire de Larsa, au sud de la Mésopotamie, un site qui a vraisemblablement livré tout un lot de tablettes mathématiques érudites… qui ont toutes finies sur le marché des antiquités.

[1] Les articles les plus récents sont J.P. Britton, C. Proust, S. Shnider, Plimpton 322: a review and a different perspective, Archive for History of Exact Sciences, Springer Verlag, 2011, 519-566 ; E. Robson,  Neither Sherlock Holmes nor Babylon: A Reassessment of Plimpton 322, Historia Mathematica 28/3, 2001, 167-206.
[2]  D.F. Mansfield et N.J. Wildberger, Plimton 322 is Babylonian exact sexagesimal trigonometry, Historia Mathematica, août 2017.
 

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