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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

Les auteurs du blog

Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

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Que nous apprennent les empreintes digitales sur l’argile ?
31.08.2019, par Cécile Michel
Mis à jour le 31.08.2019

La vaisselle, les étiquettes de récipients ou ballots de marchandises, voire les tablettes cunéiformes, tous ces objets fait d’argile finement préparée présentent régulièrement des empreintes d’autres matériaux. Il peut s’agir de la trame d’un textile qui a servi à fermer un vase ou protéger une tablette. Parfois on a affaire à la trace des roseaux d’un panier ou du bois d’un coffre. On trouve aussi occasionnellement l’empreinte d’une feuille ou d’une plume qui traînait à proximité de l’endroit où l’objet en argile était en train de sécher. Mais les empreintes les plus nombreuses sont souvent celles des doigts de l’individu qui a façonné l’objet en argile. Jusqu’à il y a quelques années, les chercheurs faisaient peu de cas de ces empreintes digitales. Aujourd’hui, leur étude ouvre de nouvelles perspectives sur les artisans et les érudits.

Depuis plus d’un siècle, les empreintes digitales servent à identifier les criminels par la police scientifique. Les dermatoglyphes, ou figures de la paume des mains et des doigts, présentent des crêtes et des plis. Des travaux récents sur la distribution et la densité des crêtes des empreintes digitales, ont mis en évidence des différences entre celles des femmes et celles des hommes. Les premières présentent des crêtes plus minces que les secondes et donc elles ont une densité de crêtes plus élevée.

Forts de ces nouvelles connaissances, des archéologues ont examiné les empreintes digitales visibles sur des céramiques exhumées à Tell Leilan, dans le triangle du Habur en Syrie, et datées de la fin du IVe au début du IIe millénaire avant notre ère. Ces céramiques sont produites, dans un premier temps, par des hommes et des femmes adultes. Mais à partir du milieu du IIIe millénaire, alors que le phénomène d’urbanisation s’intensifie en haute Mésopotamie, la production céramique devient masculine. La création de villes de plus en plus importantes et la centralisation de l’État auraient donc participé à l’intensification d’une division genrée du travail.
Empreintes sur des scellements d’argile découverts à Kültepe (Turquie), Age du Bronze.Empreintes sur des scellements d’argile découverts à Kültepe (Turquie), Age du Bronze.

Des observations similaires ont été observées par une équipe internationale qui a analysé les empreintes digitales de plus de 400 céramiques découvertes à Hama, en Syrie. Non seulement, à partir du milieu du IIIe millénaire, les céramiques sont désormais produites par des hommes, mais on y trouve également des empreintes de jeunes garçons, dès l’âge de huit ans. Celles-ci témoignent d’un apprentissage précoce, et d’une professionnalisation des artisans potiers. Ce phénomène est confirmé par la documentation textuelle de Mésopotamie du Sud datant de la fin du IIIe millénaire.

Les premières tentatives pour analyser les empreintes digitales visibles sur les tablettes cunéiformes remontent aux années 1980. Néanmoins, elles n’ont pas encore été menées de manière systématique sur un corpus cohérent. Les assyriologues s’interrogent, depuis de nombreuses années, sur l’identité des individus qui ont écrit ces textes cunéiformes puisque les textes signés de leurs auteurs demeurent exceptionnels. Les études paléographiques mettent en évidence différentes « mains de scribes », et l’analyse des empreintes digitales, lorsqu’elle sont visibles, permettrait de confirmer l’attribution de tel ou tel document à un scribe.

Selon les périodes et les milieux, nous savons désormais que la pratique de l’écriture n’était pas nécessairement réservée à une élite, mais pouvait être relativement répandue, aussi bien parmi les hommes que parmi les femmes. L’analyse des empreintes digitales sur les tablettes cunéiformes pourrait préciser la proportion de femmes ayant écrit ces textes. Celle sur les tablettes scolaires nous renseignerait également sur l’âge auquel les enfants commençaient leur apprentissage et la durée de celui-ci.

Grâce aux progrès technologiques – scanners 3D de précision, programmes de reconnaissance, bases de données performantes – cette étude pourra être menée sur les centaines de milliers de tablettes cunéiformes que nous sommes toujours en train de déchiffrer.

 

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