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Alors que le Proche-Orient est à feu et à sang, les sites archéologiques pillés, les objets archéologiques détruits ou vendus sur le marché des antiquités, un groupe international d’assyriologues bâtit avec patience et persévérance, depuis un peu plus de quinze ans, une gigantesque bibliothèque numérique de textes cunéiformes : Cuneiform Digital Library Initiative (CDLI), dans le cadre d’un projet commun entre l’Université de Californie (Los Angeles) et le Max Planck Institute pour l’Histoire des Sciences (Berlin). Il s’agit de rendre accessibles à tous, par internet, les sources en caractères cunéiformes imprimés sur l’argile fraîche, ou plus rarement gravées sur pierre, écrites par les habitants du Proche-Orient ancien entre 3400 avant J.-C. et 75 après J.-C. On estime le nombre de textes cunéiformes découverts entre un demi-million et un million. Ils sont conservés dans les musées et collections privées à travers le monde. Plus de 300 000 sont déjà catalogués dans cette bibliothèque numérique, les fiches les plus complètes contenant une couverture de photos numériques de l’objet inscrit ou une copie, une translittération, et pour de nombreux textes, une traduction en anglais, en moins grand nombre en allemand ou en français. Des fonctions permettent de faire des recherches par collection, par période, par site, par type de texte, voire par séquence de signes dans les translittérations. Plusieurs publications électroniques scientifiques sont associées à ce site, comme le CDLI Journal ou le CDLI Bulletin.
Le projet du CDLI a débuté en 1998 et a reçu un financement (National Science Foundation & National Endowment for the Humanities) au début des années 2000. Mais c’est depuis 2009, grâce à un financement de la fondation Andrew W. Mellon, que la mise en ligne de collections s’est accélérée. En 2015, un nouvel outil a été ajouté, RTI viewer (Reflectance Transformation Imaging) qui permet de voir et explorer les fichiers images en très haute résolution directement sur une page html, en changeant éventuellement l’orientation de la source de lumière, comme pour cette tablette administrative néo-sumérienne. Des sceaux-cylindres peuvent également être admirés en déroulé. En 2015 également a été ajouté un catalogue complet de la collection du Musée du Louvre, soit 12 520 entrées, dont un tiers d’objets encore inédits.
Le CDLI est destiné aux assyriologues, mais aussi à un public plus large qui peut se promener dans ce musée virtuel des textes cunéiformes. Une application pour IPad 2, permet de se familiariser avec la production écrite mésopotamienne, grâce à des fiches proposant une présentation synthétique de très nombreux objets inscrits, ou en encore d’autres objets classés par thèmes, voire de techniques de numérisation ; cette application est également visualisable à partir d’un PC (showcase).
En lien avec le CDLI, le projet Open Richly Annotated Cuneiform Corpus (ORACC) propose la présentation de corpus ciblés de textes cunéiformes définis par période, archive ou thématique spécifiques. On peut ainsi découvrir la correspondance reçue par les rois assyriens, et lire par exemple les lettres envoyées par les astrologues tentant, par différents subterfuges, de détourner les mauvais présages de la personne royale. Les textes sont présentés en translittération et traduction anglaise. On trouve également les listes de vocabulaire antiques utiles aux scribes qui devaient apprendre le sumérien, une langue morte aux IIe et Ier millénaires.
Egalement liée au CDLI, une encyclopédie numérique bilingue intitulée cdli:wiki est en cours de construction par une équipe de chercheurs franco-britanniques. Outre des notices thématiques, cette encyclopédie comprend des entrées sur les différents systèmes numériques et métrologiques, sur la chronologie et les calendriers en usage, ou encore une présentation des cent objets inscrits en cunéiforme les plus importants pour les historiens d’aujourd’hui, la liste commençant par le Code de Hammu-rabi (XVIIIe siècle av. J.-C.) conservé au Musée du Louvre.
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du journal CNRS