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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

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Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

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Une inscription cunéiforme découverte en Russie
29.09.2016, par Cécile Michel
Mis à jour le 06.04.2023

Des fragments d’une stèle en marbre portant une inscription cunéiforme en vieux-perse ont été découverts dans les ruines du site antique de Phanagoria. Cette colonie grecque fondée au milieu du VIe siècle av. J.-C., située dans la province de Krasnodar sur la côte nord-est de la mer Noire, tenait lieu de port commercial entre le Caucase et l’Europe. C’est la première fois qu’une inscription cunéiforme est exhumée en Russie. En effet, les textes utilisant cette écriture proviennent de la plupart des pays du Proche et du Moyen-Orient : Turquie, Israël, Palestine, Syrie, Irak, Koweit, Iran, Chypre, Bahrein et Égypte.

Seulement un dixième du texte de l’inscription est conservé et son contenu suggère qu’il a été commandé par Darius Ier, grand roi achéménide ayant régné sur la Perse entre 522 et 486 av. J.-C. Dans la portion de texte préservée, les chercheurs ont reconnu le nom de la ville ionienne de Milet (Miletus), sur la côte ouest de l’Anatolie, et ont supposé que la stèle y avait été érigée après la victoire du souverain perse sur l’Ionie qui s’était rebellée entre 499 et 493 av. J.-C. En effet, Darius Ier, mena toute une série de campagnes dans la partie ouest de l’empire afin de consolider les régions conquises par ses prédécesseurs Cyrus et Cambyse.

Cette reconstitution historique n’explique pas la présence de cette stèle sur la côte nord de la mer Noire, à moins que les fragments de stèle n’y aient été transportés par bateau ultérieurement, peut-être en guise de ballast. En effet, le type de marbre dans lequel la stèle a été taillée n’est pas d’origine locale.

Relief de Darius Ier à Persépolis © Derfash Kaviani CC BY-SA 3.0

Relief de Darius Ier à Persépolis. © Derfash Kaviani CC BY-SA 3.0

L’équipe d’archéologues travaillant à Phanagoria a également mis au jour sur la vaste acropole (2 500 m2) les restes du mur de l’ancienne forteresse datée de la fin du VIe et du début du Ve siècle av. J.-C. Ces travaux de construction pourraient être mis en parallèle avec la vaste expédition que Darius mena contre les Scythes le long de la mer Noire en 513 av. J.-C. Il reste encore beaucoup à découvrir sur ce site qui fut, à la toute fin du Ve siècle, l’une des deux capitales du royaume du Bosphore.

La surprenante découverte de cette stèle en Russie n’autorise donc pas à étendre la zone de diffusion de l’écriture cunéiforme vers le Nord, puisqu’à l’origine, elle aurait été installée sur la côte méditerranéenne de la Turquie. En revanche, si cette provenance s’avérait exacte, cette stèle marquerait un point extrême vers l’Ouest. En effet, jusqu’à présent, les quelques rares objets inscrits en caractères cunéiformes – des sceaux-cylindres, une baguette en ivoire – découverts en Grèce y ont été importés ; c’est aussi le cas d’une agate taillée en forme de croissant lunaire portant une dédicace au dieu Lune découverte il y a cinq ans à Malte.

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du journal CNRS