Donner du sens à la science

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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

Les auteurs du blog

Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

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Une semaine au Proche-Orient
23.10.2016, par Cécile Michel
Mis à jour le 06.04.2023

Lundi, la bataille pour reprendre la ville de Mossoul aux extrémistes de Daesh a été déclenchée. Les Peshmerga kurdes sont aux premières lignes, épaulés par les forces irakiennes et les bombardements de la coalition. La bataille va être longue et difficileMossoul était la première ville tombée sous la coupe de Daesh. Les djihadistes s’étaient empressés de brûler des milliers de manuscrits et livres anciens et de détruire à la masse et au marteau-piqueur les statues assyriennes et parthes conservées au musée. Les combattants irako-kurdes qui avancent lentement découvrent les installations des mercenaires de Daesh prêts à mourir : tunnels, pièges et mines. Combien de morts avant que Mossoul ne redevienne libre et que ses habitants puissent retrouver une vie normale ?

Mardi, inquiète pour les collègues universitaires, j’envoie un email à M. pour lui dire que je pense très fort à lui et à ses concitoyens. La réponse arrive vite, avec des nouvelles rétroactives. Il est resté à Mossoul jusqu’au début de l’année 2015, malgré une situation très difficile, en particulier pour lui, un intellectuel amoureux de science et de liberté. Daesh a brûlé la bibliothèque de l’Université, bibliothèque qui avait déjà été détruite une première fois en 2003, et que l’Université avait tenté de recréer, avec l’aide de collègues européens et américains. Il a fini par s’enfuir à Bagdad, une partie de la famille restant sur place. Sa maison a été confisquée. Aujourd’hui, réfugié dans le Kurdistan irakien, M. attend la libération de la ville et essaye de travailler pour s’occuper l’esprit et ne pas trembler à chaque instant à l’idée de ne plus revoir sa famille, ses amis, ses voisins…

Mercredi, Alep, ville martyre, ressemble de plus en plus à un champ de ruines. Ce dernier mois, les bombes russes et syriennes larguées sur la ville ont déjà fait plus de 500 victimes, parmi lesquelles beaucoup d’enfants. Cela fait trop longtemps que la ville est assiégée. Elle n’a pas été ravitaillée depuis juillet : la nourriture manque et la faim va tuer sans distinction les habitants pris au piège.

Jeudi, un collègue m’écrit pour savoir si l’on peut faire quelque chose pour N., qui a fui son pays en 2013. Comme tant d’autres de nos collègues syriens et irakiens, il a soutenu sa thèse à l’étranger, avant de retourner chez lui à Alep pour former les générations futures en tant que professeur à l’Université. Il a aussi traduit nombre d’ouvrages scientifiques en arabe pour les rendre accessibles à ses étudiants. Depuis 2013, N. est réfugié en Turquie où il a occupé pendant un temps un poste temporaire ; il est aujourd’hui sans ressource.

Vendredi, enfin quelques nouvelles positives. Thierry Mandon, secrétaire d’État chargé de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche a annoncé le lancement d’un programme d’accueil des scientifiques en danger. Cette annonce fait suite au rapport établi par Liora Israël sur le sujet. Ce type de dispositif existe déjà aux États-Unis ou dans d’autres pays d’Europe. En Allemagne, par exemple, la Philipp Schwartz initiative de la Fondation Humboldt a déjà permis l’accueil pour deux ans dans les institutions scientifiques allemandes de 23 scientifiques étrangers dont plus de la moitié de Syriens.

Samedi et dimanche récréatifs et studieux avec des élèves. La fête de la science, qui a lieu chaque année en octobre, a été l’occasion, de nouveau, de sensibiliser les jeunes à l’histoire et au patrimoine du Proche-Orient antique. Primaires, collégiens et lycéens se sont glissés dans la peau des apprentis scribes qui apprenaient à lire et écrire en cunéiforme à Babylone il y a 4000 ans. Quoi de plus réjouissant que de voir ces classes d’élèves de 7 à 18 ans se passionner pour l’écriture sur argile et les nombres sexagésimaux. En Grande Bretagne, dans le cadre du Gilgamesh epic project for young people, des jeunes encadrés par l’association Enheduanna (Zipang) et des conservateurs du British Museum se sont emparés de cette épopée et ont monté un spectacle. Espérons que de telles initiatives se multiplieront car l’éducation est certainement l’arme la plus efficace contre la barbarie, et elle peut être ludique !

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du journal CNRS