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Une exposition du Learning Center sur les écritures cunéiformes au Proche-Orient ancien, à la bibliothèque universitaire de Lille 3, reprend sous une autre forme celle organisée en 2007 par une équipe du CNRS à Nanterre pour célébrer le 150ème anniversaire du déchiffrement de l’akkadien écrit en caractères cunéiformes. Elle avait donné lieu à la publication d’un livret.
SAG-TA-AK (sumérien) sa-an-ta-ak-kum (akkadien) (dessins X. Faivre)
En usage dans tout le Proche-Orient, de l’Anatolie à l’Iran et de l’Égypte aux Monts Elbrouz, l’écriture cunéiforme a servi à noter une douzaine de langues différentes au cours de ses trois millénaires et demi d’existence. Trois systèmes d’écriture ont été utilisés : logographique, c’est-à-dire un signe pour un mot ; syllabique, soit un signe par syllabe ; alphabétique. Les Sumériens, vraisemblablement ses inventeurs vers 3 400 avant J.-C., ont appelé les signes d’écriture saĝtak, « triangle », et les Occidentaux qui la redécouvrent vers 1 700 la désignent par cunéiforme (« en forme de clou » du latin cuneus « coin, clou »). Pourtant, à l’origine, les signes n’ont pas ce caractère anguleux. Ils ressemblent à de petits dessins, pictographiques ou non, c’est-à-dire qu’ils représentent parfois ce qu’ils veulent exprimer : le poisson, la tête, la montagne sont rendus par des dessins figuratifs. En revanche, d’autres signes n’ont pas de rapport visuel avec la réalité : le signe du mouton est une croix inscrite dans un cercle. Certains y ont vu l’animal dans son enclos, la représentation d’un ballot de laine ou tout simplement une variante du signe du chevreau rendu par une simple croix. Comme il est difficile de tracer des courbes dans l’argile fraîche, principal support de l’écriture cunéiforme, les courbes ont été remplacées par des segments de droites imprimés à l’aide d’un stylet en roseau présentant une section carrée ou triangulaire. En même temps, les signes basculent d’un quart de tour vers la gauche et se lisent de gauche à droite.
Selection de signes issue de René Labat, Manuel d’épigraphie akkadienne, Paris, 1975 (5e édition).
Tout comme le chinois, le sumérien est composé en grande majorité de mots monosyllabiques. Lorsque les Akkadiens s’installent en Mésopotamie au milieu du IIIe millénaire avant J.-C., ils empruntent l’écriture cunéiforme pour noter leur langue qui appartient à la famille des langues sémitiques, comme l’arabe et l’hébreu. Ils ne tiennent pas compte du sens des signes, mais utilisent leur son et décomposent leurs mots en syllabes : à chaque syllabe correspond un signe. Le mot awīlum, qui signifie homme en akkadien, s’écrit :
Dessin par C. Michel
Ce système d’écriture, qui nécessite environ 120 signes, est beaucoup plus facile à assimiler. Les Akkadiens ont toutefois conservé plusieurs dizaines de logogrammes sumériens pour les mots courants ou encore en guise de déterminatifs placés devant ou après les mots et permettant de les rattacher à une catégorie (noms de dieux, de villes et de pays par exemple). Aux IIe et Ier millénaires, l’akkadien se divise en deux dialectes principaux : l’assyrien au nord et le babylonien au sud. D’autres langues appartenant à d’autres familles linguistiques ont utilisé ce système d’écriture cunéiforme syllabique, comme l’élamite, le hourrite, l’ourartéen ou encore le hittite, une langue indo-européenne (comme le français).
Ce système d’écriture, qui nécessite environ 120 signes, est beaucoup plus facile à assimiler. Les Akkadiens ont toutefois conservé plusieurs dizaines de logogrammes sumériens pour les mots courants ou encore en guise de déterminatifs placés devant ou après les mots et permettant de les rattacher à une catégorie (noms de dieux, de villes et de pays par exemple). Aux IIe et Ier millénaires, l’akkadien se divise en deux dialectes principaux : l’assyrien au nord et le babylonien au sud. D’autres langues appartenant à d’autres familles linguistiques ont utilisé ce système d’écriture cunéiforme syllabique, comme l’élamite, le hourrite, l’ourartéen ou encore le hittite, une langue indo-européenne (comme le français).
Au XIVe siècle av. J.-C., à Ougarit, sur la côte du Levant, un alphabet cunéiforme est utilisé pour transcrire l’ougaritique, une langue ouest-sémitique. Les 30 signes qui composent cet alphabet ne notent que les consonnes. Cet alphabet, qui est utilisé en parallèle à l’akkadien noté en cunéiformes syllabiques, disparaît au début du XIIe siècle avec la chute d’Ougarit. Un autre système alphabétique en cunéiforme est créé à la fin du VIe siècle par les Achéménides en Iran pour noter le vieux-perse. Il contient 40 signes, dont les trois voyelles a, i et u, ainsi que 33 consonnes vocalisées. Tout comme l’alphabet ougaritique, l’alphabet vieux-perse ne survit pas à la chute de l’empire achéménide au IVe siècle. Les dernières tablettes datent du Ier siècle après J.-C. ; il s’agit de textes astronomiques rédigés en babylonien à l’aide du système syllabique.
L’écriture cunéiforme, imprimée en trois dimensions dans l’argile est très facile à écrire : c’est un système très ingénieux ! Il suffit de savoir écrire les trois clous de base : le clou horizontal (et parfois oblique), le clou vertical et la tête de clou. Chaque signe est composé d’un nombre variable de ces trois types de clous. La difficulté réside dans l’apprentissage par cœur des signes qui se comptent par centaines. Néanmoins, selon les périodes et les milieux, le nombre de signes varie : les marchands assyriens du XIXe siècle avant J.-C. utilisent un syllabaire limité à une centaine de signes syllabique et une petite cinquantaine de logogrammes. Les études en cours sur leurs archives et sur l’identification des mains de scribes montrent qu’une proportion importante de la population, hommes et femmes, était capable de lire et écrire1.
Un petit film intitulé « L’écriture cunéiforme, écrire et compter » permet de reconstituer les gestes des scribes antiques. Il est présenté dans l’exposition lilloise et peut également être visionné en ligne, accompagné d’un dossier pédagogique.
(à suivre … le déchiffrement des écritures cunéiformes)
[1] Les pratiques variables de l’écriture : le cas des marchands assyriens, Pour la Science 440, juin 2014, p. 53.
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du journal CNRS