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Bienvenue sur le blog de Cécile Michel, destiné à vous faire découvrir trois mille ans d’histoire d’un Proche-Orient aux racines complexes et multiples, à travers les découvertes et les avancées de la recherche en assyriologie et en archéologie orientale. (Version anglaise ici)

Les auteurs du blog

Cécile Michel
Assyriologue, directrice de recherche au CNRS dans le laboratoire Archéologies et Sciences de l’Antiquité

A la une

Les tremblements de terre ont endommagé des sites archéologiques
26.02.2023, par Cécile Michel
Mis à jour le 26.02.2023

Les deux tremblements de terre qui ont dévasté le sud-est de la Turquie et le nord-ouest de la Syrie le 6 février 2023 ont enseveli vivants de nombreux habitants des tours construites de manière anarchique par des promoteurs immobiliers peu scrupuleux. Ce sont des familles entières qui ont péri sous les gravats, d’autres ont tout perdu. Au-delà de ce bilan humain terrible, des sites archéologiques et des bâtiments historiques ont subi des dégâts importants en raison de l’intensité des secousses.

Le château situé au centre de la ville de Gaziantep, à soixante-quinze kilomètres de Kahramanmaraş, épicentre du premier séisme, a été fortement endommagé. Le bâtiment est construit aux IIe et IIIe siècles par les Romains, et agrandi au VIe siècle sous l’empereur byzantin Justinien ; il est alors entouré d’une muraille flanquée de douze tours. Transformé en musée en 2022, il dévoile des œuvres de la guerre d’indépendance turque. Les bastions sud et est présentent de larges fissures, une partie de la muraille ainsi que le mur de soutènement du côté du château se sont effondrés. À proximité du château, le dôme et le mur oriental de la mosquée Şirvani, bâtie au XVIIe siècle, sont à terre.

La citadelle de Gaziantep avant et après le séisme (haut © Mevlüt Kiliç CC BY-SA 3.0 ; bas © VOA Turkçe / images Orhan Erkiliç)

La citadelle de Gaziantep avant et après le séisme (haut © Mevlüt Kiliç CC BY-SA 3.0 ; bas © VOA Turkçe / images Orhan Erkiliç).

À Antakya, l’antique Antioche, la plus ancienne mosquée de Turquie, Habib-i Neccar, datant de 638 et reconstruite en 1275, n’a plus que ses quatre murs extérieurs, la flèche du dôme repose sur les gravats de la salle de prière. Quant à l’église grecque orthodoxe bâtie au XIVe siècle, et reconstruite en 1870 après un tremblement de terre, elle ressemble désormais à un tas de ruines. Beaucoup de bâtisses anciennes se sont effondrées dans la ville, et d’autres présentent des fissures inquiétantes. Antioche, fondée au IVe siècle av. J.-C. par Séleucos Ier, a régulièrement été détruite par des séismes, le plus meurtrier, en 526 ap. J.-C., avait causé la mort de 250 000 personnes.

La mosquée Yeni Camii au centre de Malatya, qui avait subi un incendie à la fin du XIXe siècle, ainsi que la cathédrale de l’Annonciation à Iskenderun, construite entre 1858 et 1871 par les Carmélites, se sont effondrées. Les dégâts repérés à Arslantepe sont moindres, quelques murs de briques crues auraient légèrement glissé. Nous ne savons pas s’il s’agit de ceux des grands temples et du complexe palatial remontant au IVe millénaire, de la citadelle de l’Âge du bronze ou encore des vestiges de la ville néo-hittite. Plusieurs bâtiments et l’ancienne muraille romaine de la forteresse de Diyarbakır et des jardins du Hevsel surplombant la ville sont également endommagés.

En revanche, d’autres sites turcs, classés au patrimoine mondial de l’Unesco, ne semblent pas avoir souffert en apparence, mais doivent faire l’objet d’expertises, après la fonte des neiges, pour détecter d’éventuelles fissures qui pourraient mettre en danger des bâtiments historiques. C’est par exemple le cas de Göbekli Tepe, à 15 kilomètres de Sanliurfa, dans la chaîne de montagnes du Germuş, dont les structures mégalithiques monumentales de forme ronde et rectangulaire utilisées à des fins cultuelles datent d’entre 9600 et 8200 av. J.-C. Il en va de même pour le Nemrut Dağ, temple-tombeau et maison des dieux avec ses gigantesques statues, dont la construction a été ordonnée à la gloire d’Antiochos Ier de Commagène (69-34 av. J.-C.).

En Syrie, la citadelle seldjoukide d’Alep, également classée au patrimoine mondial de l’Unesco, et son quartier historique ont subi d’importants dommages. La tour ouest du mur d’enceinte est à terre et des bâtiments sont fissurés. Le moulin ottoman dans la citadelle et l’entrée de la tour mamelouke sont partiellement détruits, de même que le dôme du minaret de la mosquée ayyoubide. À Hama, ce sont des façades historiques dans les quartiers anciens qui sont détériorées. Les ruines du château de Chmémis, construit en 1228 et situé non loin de Salamyeh, auraient aussi subi des dommages.

Beaucoup de ces monuments avaient été détruits auparavant par des tremblements de terre, fréquents dans cette région, et reconstruits, parfois à plusieurs reprises. De telles catastrophes naturelles sont déjà mentionnées dans les textes cunéiformes comme un phénomène récurrent et dévastateur. Une inscription du roi assyrien Assur-resh-ishi Ier (1132-1115) raconte comment il reconstruisit des tours d’un temple de Ninive détruites par des tremblements de terre : « En ces temps-là, les tours de la grande porte (…) qui auparavant, à l’époque de Salmanazar (Ier), roi d’Assyrie, avaient été endommagées par un tremblement de terre et que Salmanazar, un roi qui m’a précédé, avait restaurées, une seconde fois, elles avaient été ébranlées par un tremblement de terre à l’époque d’Assur-dan (Ier), roi d’Assyrie, mon grand-père, ces tours avaient été affaiblies et s’étaient délabrées. »

Il faut donc à présent songer à restaurer et reconstruire. Cette terrible catastrophe demeurera à jamais dans les mémoires des habitants de la région ; il faudrait également qu’elle ne soit pas oubliée par les politiques et les promoteurs immobiliers afin que désormais les normes antisismiques soient respectées.

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