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Une collaboration CNRS atteint à son tour l’avantage quantique !
Malgré l'utilisation des incroyables propriétés des particules quantiques, l’ordinateur quantique n'est pas systématiquement meilleur que nos appareils actuels... Trouver des applications où un ordinateur quantique, même peu puissant, surpasse de loin les performances du meilleur supercalculateur "classique" : tel est le but de la course à la suprématie quantique. Google affirme avoir atteint en premier la suprématie quantique en 2019, ce que son concurrent IBM a aussitôt contesté, puis un groupe de l’Université de science et de technologies de Chine y serait aussi parvenue. Grâce à un article publié le 8 février 2021 dans Nature Communications, une équipe de chercheurs du CNRS, de l’université d’Édimbourg et de l’entreprise QC Ware est entrée dans ce carré VIP si convoité.
Dans un domaine où les annonces se multiplient et où la compétition entre les grandes puissances est acharnée, les définitions et les exploits doivent toujours être précisés : « Pour nos travaux, je préfère le terme d’avantage quantique algorithmique à la suprématie quantique, prévient Eleni Diamanti, coauteure de l’étude et directrice de recherche au Laboratoire d’informatique de Paris 6 (LIP6)1. L’appareil conçu par Google ne sait remplir actuellement qu’une tâche précise, mais il a vocation à évoluer vers un ordinateur quantique universel, c’est-à-dire capable d’effectuer toutes sortes de calculs. Notre machine se rapproche de celle de l’équipe chinoise, soit un processeur adapté à des situations très spécifiques. »
Vers un cloud quantique
Ici, les scientifiques se sont intéressés aux ordinateurs quantiques qui seront accessibles via un cloud, ce qui devrait être leur mode d’utilisation le plus courant dans les prochaines années. « Tout comme nous n’avons pas de supercalculateur à la maison, les ordinateurs quantiques vont surtout être disponibles au début en ligne, affirme Iordanis Kerenidis, coauteur des travaux, directeur de recherche à l’Institut de recherche en informatique fondamentale (IRIF)2 et directeur du département international d’algorithmique quantique chez QC Ware. Il faudra donc de véritables réseaux quantiques, efficaces et sécurisés, pour permettre un lien fiable entre les fournisseurs et leurs clients. »
Un tel service aura surtout des applications pour la logistique et les modèles d’apprentissage pour intelligences artificielles, des domaines où de nombreux problèmes restent difficiles à résoudre pour un ordinateur classique. Là encore, il faut d’abord prouver que le système quantique est bien le plus efficace. Les chercheurs ont ainsi atteint un avantage quantique avec leur algorithme… qui prouve l’avantage quantique d’autres algorithmes !
« En seulement quelques secondes, nous pouvons vérifier si un système fait mieux qu’un ordinateur classique, se réjouit Iordanis Kerenidis. Notre solution algorithmique permet de savoir si le système a la capacité de fournir une solution au problème, sans avoir à le résoudre pour autant. Dans le cas où le fournisseur ne souhaite pas donner toute la solution aux clients, cela prendrait à un ordinateur banal autant de temps que l’âge de l’univers. »
Une question d’empreintes
« Le cœur de nos travaux a été d’innover pour trouver le bon algorithme, résume Eleni Diamanti. Nous l’avons ensuite mis en œuvre et prouvé son avantage quantique, en alliant théorie et expérience. Nous avons pour cela besoin de faire tourner notre algorithme dans un régime où on peut démontrer l’avantage quantique, malgré les erreurs expérimentales. Nos outils étaient des états quantiques appelés “empreintes”, c’est-à-dire les informations que donne le fournisseur à ses clients. »
Mais sur quel type de machine est-ce que cet algorithme a tourné pour obtenir ces résultats ? Les chercheurs parlent d’un processeur quantique, plus spécialisé qu’un ordinateur quantique stricto sensu. Le système fonctionne ici avec des photons, qui portent des qubits générés par un laser et manipulés par un circuit optique. La lumière est ensuite détectée et les résultats de la détection sont traités pour résoudre le problème. L’appareillage est plus modeste que les solutions de Google et de la Chine, et a ainsi l’avantage d’être reproductible dans la plupart des laboratoires d’optique de pointe.
En quête de nouvelles solutions
« Nos travaux interdisciplinaires font collaborer physiciens et informaticiens du CNRS, souligne Iordanis Kerenidis. Ils entrent dans le cadre du Paris center for quantum computing (PCQC) qu’Eleni Diamanti et moi dirigeons ensemble. » Au niveau entreprise, QC Ware cherche des applications quantiques avec des machines les moins compliquées et gourmandes en ressource possible. Un point crucial dans ces travaux, car les scientifiques auraient pu concevoir leur système avec des milliers de lasers et de détecteurs, mais se sont efforcés de le réduire au maximum.
L’équipe poursuit à présent leur quête de nouvelles applications où démontrer un avantage quantique. Eleni Diamanti est ainsi spécialisée dans la cryptographie adaptée au monde quantique, tandis que Iordanis Kerenidis travaille beaucoup sur le machine learning. Ils vont également étudier cette approche dans le cadre de la gestion de données et du big data, où les technologies quantiques promettent d’immenses améliorations.
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Auteur
Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.