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Qu’est-ce que les Innovatives SHS ? Qu’est ce qui fait la particularité de ce salon ?
François-Joseph Ruggiu : Le salon Innovatives SHS, qui a lieu tous les deux ans depuis 2013, est un rendez-vous régulier pour les sciences humaines et sociales. C’est un salon professionnel tourné vers la démonstration de produits de valorisation allant du logiciel à l’application, en passant par l’objet connecté, mais également des méthodes débouchant sur des innovations culturelles, sociales ou d’usages. En fait, ce salon est une vitrine du potentiel de valorisation et d’impact des projets issus des unités en sciences humaines et sociales.
L’intérêt du salon Innovatives SHS est double. D’abord, il permet de créer un événement réunissant des chercheurs et ingénieurs qui s’intéressent à la valorisation en SHS. Ces collègues ne sont pas si nombreux et ils sont parfois isolés dans leur unité ! Ce lieu leur permet de se retrouver et de partager leurs expériences… Ainsi, le salon crée des communautés et accélère les dynamiques de valorisation. Il permet également de souligner l’importance de cette dernière dans la recherche en sciences humaines et sociales et, ainsi, d’encourager certains collègues à se lancer dans l’aventure !
Enfin, le salon est un lieu de repérage ; le lieu de constitution d’un vivier. L’Institut des sciences humaines et sociales (InSHS) s’engage à accompagner ces chercheurs et ingénieurs vers différents guichets de valorisation, comme le programme de prématuration du CNRS, le programme RISE lancé par CNRS Innovation, les financements mis à disposition au niveau régional par les pôles de compétitivité, les SATT, en leur offrant plus de visibilité, plus de contacts avec les acteurs socio-économiques.
Quelles sont les ambitions du salon pour cette édition des Innovatives SHS 2019 qui se déroule à Lille ?
F.-J. R. : Les Innovatives SHS 2019 se feront sous le signe du partenariat ! Cette quatrième édition se passe, après deux éditions à Paris et une à Marseille, de nouveau en région. Nous avons développé un partenariat très fort avec l’Université de Lille autour de la valorisation : cette dernière a proposé plusieurs des équipes présentes sur le salon et nous a également permis d’attirer des équipes venant de Belgique. Une dimension internationale renforcée par notre partenariat avec le Fonds de recherche du Québec – Société et culture, dont les équipes reviennent régulièrement au salon. Le salon est également très soutenu nationalement avec l’implication du ministère de la Culture, du ministère de l’Europe et des Affaires étrangères, du ministère de l’Éducation supérieure, de la Recherche et de l’Innovation, mais également celle de l’Institut des hautes études pour la science et la technologie. L’édition 2019 est également tournée vers les communautés académiques et, en particulier, vers le monde étudiant : en invitant les étudiants lillois en master et en doctorat à venir, nous souhaitons profiter du salon pour leur montrer l’importance des démarches de la valorisation dans le travail d’un chercheur.
Quels seront les grandes thématiques abordées par le salon cette année ?
F.-J. R. : Le salon est organisé autour de cinq grandes thématiques en lien avec les grands défis de société actuels. Cette année, ce sont l’éducation, le numérique, le patrimoine, la mobilité des territoires et la santé.
La question des inégalités éducatives est fondamentale pour nos sociétés et c’est une priorité pour le CNRS. Nous sommes donc heureux d’avoir six projets qui abordent les questions d’éducation : le projet BabyCloud du Laboratoire de sciences cognitives et psycholinguistique de Paris1 permet par exemple aux parents de visualiser le développement linguistique et cognitif de leur enfant. Egalement présent au salon, le projet DysApp du Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage2, est un jeu vidéo qui permet d’identifier et d’accompagner les élèves présentant des troubles moteurs et des troubles d’acquisition du langage écrit.
La question du numérique transcende également beaucoup de problématiques sociales notamment par le biais de l’intelligence artificielle. Les visiteurs pourront ainsi découvrir sur le salon le projet Coraulis du laboratoire Ambiances, architectures, urbanités3, une plateforme immersive visuelle et sonore pour l’architecture et l’aménagement urbain ou encore expérimenter la coopération avec la voiture semi-autonome du laboratoire Cognition, langues, langage, ergonomie4 .
L’évènement malheureux de la cathédrale Notre-Dame de Paris a mis en évidence l’attachement puissant des Français à leur patrimoine et cette thématique est mise en avant lors des Innovatives SHS avec huit projets dont NOMADHISS de la Maison des sciences de l’homme Lyon Saint-Étienne5 qui a pour objectif la valorisation du patrimoine historique par sa restitution numérique en 5D.
La mobilité des territoires est également mise l’honneur : nous pouvons citer en exemple le projet Escape du laboratoire Identité et différenciation de l’espace, de l’environnement et des sociétés6 qui permet de simuler sur ordinateur l’évacuation massive des populations en gestion de crise.
Enfin, l’approche des questions de santé par les sciences humaines et sociales est une priorité forte de l’InSHS. Ces dernières sont donc bien présentes sur le salon avec, notamment, le projet Bien vieillir du Centre de recherches sur la cognition et l’apprentissage7 , un parcours sportif de santé pour seniors destiné à lutter contre les maladies neurodégénératives ou, encore, le projet Kinemotion du Laboratoire sciences cognitives et sciences affectives8 qui permet de percevoir l’état émotionnel d’une personne par l’observation cinématique du corps.
Des temps d’échange avec le public sont également prévus…
F.-J. R. : En effet nous avons repris une formule expérimentée en 2017, les « Innov’actions » et nous en proposons une nouveauté, les « Focus ». Ces derniers, au nombre de deux, ouvrent le débat sur les villes intelligentes et connectées et sur les sciences participatives. Ils réuniront chercheurs, ingénieurs, entrepreneurs et représentants de collectivités locales. Les « Innov’actions » seront des débats interactifs sur le principe du speed dating, couvrant les domaines du patrimoine, de la santé ou encore de l’apprentissage et du numérique dans la ville du futur.
Ces temps d’échange avec la communauté vont être aussi le moment de prolonger la réflexion sur la notion de valorisation et d’innovation au sein des sciences humaines et sociales. Il est, en effet, temps pour nos communautés de s’interroger sur la dialectique et les interactions qu’il y a entre ces deux concepts, et d’autant plus que le Consortium de valorisation des sciences humaines et sociales Athena est lui-même en train de se refonder et de redéfinir son périmètre ainsi que le spectre de ses actions. Je pense que, dans la dynamique actuelle et avec, notamment, la création de la nouvelle Direction générale déléguée à l’Innovation du CNRS, il est nécessaire que les sciences humaines et sociales se posent la question de ce changement de paradigme de la valorisation vers l’innovation et des modalités de son transfert.
Au sein de l’InSHS, nous essayons de mener cette réflexion. L’innovation a très longtemps été focalisée sur le produit, peut-être à cause d’un certain retard des sciences humaines et sociales dans le domaine. Cependant, ce retard commence à être comblé et nous sommes dorénavant plus libres de réinvestir la notion d’innovation sociale ou d’innovation en terme de valorisation de méthode et de valorisation de savoir-faire, qui sont propres aux sciences humaines et sociales. ♦
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À lire aussi sur le blog, nos articles sur des innovations présentées lors de ce salon:
Babycloud ou l’IA à l’écoute des bébés :
Voitures semi-autonomes, le défi de l’attention
Le Mobiliscope, un œil sur la mixité sociale des villes
Réga, un logiciel pour écrire en hiéroglyphes
Evénement :
CNRS Innovatives SHS 2019
Les 15 et 16 mai 2019, Lille Grand Palais
- 1. Unité CNRS/ENS Paris/EHESS.
- 2. Unité CNRS/Université de Tours/Université de Poitiers.
- 3. Unité CNRS/École centrale de Nantes/Ensa Grenoble/École nationale supérieure d'architecture de Nantes.
- 4. Unité CNRS/Université de Toulouse Jean-Jaurès.
- 5. Unité CNRS/ENS Lyon/Université Jean-Moulin/Sciences-Po Lyon/Université Lumière Lyon-II/Université Jean-Monnet/Université Claude-Bernard Lyon-I.
- 6. Unité CNRS/Université Le Havre Normandie/Université de Caen Normandie/Université de Rouen Normandie/INSHS.
- 7. Unité CNRS/Université de Tours/Université de Poitiers.
- 8. Unité CNRS/Université de Lille/CHRU Lille.