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Le développement des bébés reste un mystère sous bien des aspects. Au babylab du Centre neuroscience intégrative et cognition1, à Paris, les scientifiques tentent de le percer en étudiant le développement de la cognition (les processus mentaux liés à la connaissance) chez les bébés et les enfants : développement moteur ou celui du langage, habitudes sociales et alimentaires, maniement des concepts mathématiques ou utilisation des sens chez les enfants de tous âges, des grands prématurés aux 7-8 ans. Des expériences courtes et amusantes se déroulent au laboratoire, à la maternité, dans les écoles, les musées, etc. Elles s’appuient sur des techniques sans risque pour les enfants (suivi du regard, mesure de l’activité cérébrale, méthode d’écoute préférentielle, etc.).
Photos © Hubert RAGUET / INCC / CNRS Images
Entraînement à la marche
Le projet Premalocom vise à évaluer les effets d’un entraînement précoce à la marche quadrupède sur le développement locomoteur et moteur de grands prématurés cérébrolésés.
Le bébé est équipé de marqueurs réfléchissants pour la capture optique du mouvement (motion capture), pour mesurer la coordination, l’amplitude et la vitesse de ses mouvements, ainsi que les distances parcourues. Le projet Premalocom explore son effet chez les grands prématurés, plus à risque de développer des troubles moteurs en grandissant.
Dès la sortie de néonatalogie, les bébés réalisent un entraînement quotidien à domicile de deux mois. Un bilan de la marche quadrupède et bipède est effectué à 2, 6, 9 et 12 mois. D’autres tests permettent de suivre le développement des enfants jusqu’à 5 ans. L’enjeu est double : entraîner et accélérer leur développement moteur et neuropsychologique, et repérer de potentiels marqueurs précoces d’un développement anormal, ce qui est actuellement difficile par IRM seule.
La vidéo classique et la capture optique du mouvement permettront de mesurer la coordination, l’amplitude et la vitesse de ses mouvements, ainsi que les distances parcourues.
Conçu par le Centre neurosciences intégratives et cognition, le crawliskate permet à l’enfant de se libérer du poids de sa tête, soutenue sur une plateforme, tout en maintenant son tronc surélevé. Cela facilite les mouvements de ses bras et le bon placement de ses jambes (genoux remontés) pour assurer une propulsion efficace à quatre pattes. L’enfant conserve une posture physiologique naturelle de flexion tout en se déplaçant librement à 360 degrés grâce à des roulettes rotatives placées sous la plateforme. Deux bras à l’avant assurent sa stabilité.
Le dispositif existe en plusieurs formats et tailles progressives, pour s’adapter aux bébés. L’entraînement sur crawliskate, validé chez les nouveau-nés typiques (nés à terme et sans problème de santé) comme ce bébé, stimule le développement ultérieur de la posture et de la locomotion.
En plus d’une caméra classique, huit caméras infrarouges enregistrent ses déplacements en 3D grâce à la technique de capture optique du mouvement. On mesure ainsi la coordination, l’amplitude, la vitesse des gestes et les distances parcourues sur le crawliskate.
Sa mère et l’expérimentatrice l’encouragent à se propulser au début du test. La vidéo et la capture optique du mouvement permettront de mesurer la coordination, l’amplitude et la vitesse de ses mouvements, ainsi que les distances parcourues.
La marche bipède primitive (stepping) est aussi testée. Les mouvements du bébé sont enregistrés par une caméra classique et huit caméras infrarouges, qui enregistrent ses déplacements en 3D grâce à la technique de capture optique du mouvement..
Fondement neurocognitif de la confiance épistémique
L’étude suivante porte sur le fondement neurocognitif de la confiance épistémique chez le petit enfant. Elle est réalisée avec des enfants de 18 et 30 mois. On cherche à comprendre comment ils traitent les affirmations qu’ils entendent, pour savoir à quel âge ils développent le même fonctionnement que des adultes, et changent leur représentation du monde en fonction des informations données.
L’image de poussette sera bientôt cachée et une voix énoncera une affirmation vraie (« C’est une poussette. ») ou fausse (« C’est une voiture. »), avant que l’objet d’origine, ou un autre, soit révélé. Un oculomètre (eye tracker) suit le regard de l’enfant et mesure la dilatation de ses pupilles, indicateur d’un travail cognitif intense. S’il a vu une poussette et que la voix identifie une voiture, sera-t-il surpris ? Et si le rideau révèle effectivement une voiture, sera-t-il à nouveau étonné, ou bien la voix lui aura-t-elle fait réviser ses croyances ?
Le pendant de cet essai consiste à poser une question (« Est-ce que c’est une voiture ? ») pour voir si l’enfant fait la différence avec une affirmation, et n’est pas surpris quand une poussette est finalement révélée.
Ici, on étudie l’impact de la familiarité avec la voix sur le traitement du sens des mots. Le bébé est équipé d’un bonnet d’électroencéphalogramme (EEG) et écoute deux voix, l’une familière et l’autre non. Ces deux voix prononcent une série de mots dont certains sont liés (comme « fourchette » et « cuillère ») et d’autres, non (comme « cuillère » et « pied »).
Les scientifiques tentent de savoir si l’enfant comprend leur signification et leur relation. Ils étudient pour cela la présence de la N400, un signal cérébral que l’on retrouve généralement chez le cerveau adulte confronté à des stimuli sans lien entre eux. Si ce signal est présent, c’est que l’enfant est surpris d’entendre dans le même contexte des mots qui ne vont pas ensemble.
L’activité cérébrale de l’enfant est enregistrée en direct grâce à un bonnet d’électroencéphalogramme (EEG) et s’affiche sur l’écran de gauche.
De précédentes recherches ont montré que la voix de la mère facilite le traitement des mots chez les tout-petits. Cette étude prouve que ce signal est présent chez les enfants monolingues francophones de 18 mois si la voix est familière, mais pas si elle est inconnue. Cela suggère que la familiarité de la voix, au-delà de celle de la mère, pourrait aider au traitement des mots.
À la fin de l’expérience, les enfants reçoivent un diplôme scientifique. Ce petit garçon, qui s’est prêté au reportage photo, est maintenant titulaire d’un diplôme unique de « bébé superstar ».
Consultez aussi
« Étude de la marche à quatre pattes chez les bébés » (reportage photo)
« Deux études au babylab de l’INCC » (reportage photo)
« Immersion dans la tête des bébés » (article)
Comment les bébés apprennent à parler (vidéo)
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet Premalocom. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projets Sciences Avec et Pour la Société – Culture Scientifique Technique et Industrielle.
- 1. INCC, unité CNRS/Université Paris Cité.