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Dans une démarche de préservation de l'environnement, le projet ECOOL poursuit l’objectif de trouver des alternatives plus écologiques et plus compactes aux systèmes de réfrigération classiques. À l’heure de la lutte contre les effets du changement climatique, ces recherches invitent à penser différemment notre rapport au froid.
Après des travaux sur la réfrigération magnétique, Morgan Almanza, enseignant-chercheur au laboratoire Systèmes et applications des technologies de l'information et de l'énergie1 décide, en collaboration avec Martino Lo Bue2, de remplacer le champ magnétique par un champ électrique. L’objectif ? Obtenir une source de champ compact et intégrable. Il oriente alors ses recherches vers la réfrigération électrocalorique au travers du projet ANR baptisé ECOOL, qu’il coordonne de 2020 à 2025. Ce projet a été financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international.
Un principe simple
« L’effet électrocalorique donne une variation réversible de température induite par le champ électrique : lorsqu'un champ électrique est appliqué sur un matériau électrocalorique, sa température augmente. Quand le champ est retiré, elle diminue », explique le chercheur. Pour obtenir un effet de réfrigération, le film électrocalorique est mis alternativement en contact avec le côté chaud et froid grâce à un actionnement électrostatique. Dans une structure de quelques millimètres d’épaisseur, il transfert ainsi des calories de la source chaude à la source froide : c’est le principe même de la réfrigération. « L’avantage d'appliquer un champ électrique sur un matériau électrocalorique, c'est son extrême facilité, complète Morgan Almanza. Il suffit de deux électrodes de quelques nanomètres pour appliquer le champ. »
Pour expérimenter cette nouvelle technologie sur différents matériaux, le chercheur collabore notamment avec Centre de nanosciences et de nanotechnologies3 et le laboratoire Structures, propriétés et modélisation des solides4, situés sur le plateau de Saclay. D’abord concentré sur des polymères fluorés, le scientifique se tourne également vers des alternatives, comme des céramiques sans plomb, au travers du projet ANR CeraCool.
Optimiser les matériaux
Morgan Almanza met ainsi au point une technique inédite de mesure directe. « Elle consiste à utiliser des thermistances très fines, de seulement 4-8 microns d'épaisseur pour mesure les variations de température ». Il découvre que les pertes dans les matériaux peuvent nuire à l'efficacité du système de réfrigération, ce qui n'était pas forcément prévu dans le projet initial, selon le chercheur. Son travail vise donc à les optimiser pour qu'ils génèrent moins de pertes caloriques. Cette avancée a permis d'obtenir des variations de température d'environ 3 à 4 degrés avec une efficacité attendue entre 10% et 20% de l’efficacité de Carnot (le maximum théorique), ce qui est très prometteur. Cette méthode est aussi exploitée dans le cadre d’un « Round-Robin test », coordonné par Emmanuel Defay du Luxembourg Institute of Science and Technology (LIST).
Inventer de nouveaux standards du froid
Si les résultats sont encourageants, ils n’atteignent pas encore les mêmes performances que les systèmes de réfrigération actuels. « La technologie électrocalorique a du mal à être compétitive. Mais en tant que nouvelle approche, elle ne peut pas être jugée uniquement à l'aune des critères de performance établis pour les systèmes de réfrigération conventionnels », défend Morgan Almanza. C'est pourquoi le chercheur soutient que l'émergence d'une nouvelle technologie nécessite également l’établissement de nouveaux paradigmes.
Imaginer de futurs usages
Morgan Almanza est optimiste quant à l'avenir de la réfrigération électrocalorique, car elle va permettre d’avoir recours au froid différemment. « La compacité et la haute densité de puissance de ce système peuvent être pleinement exploités. C'est en repensant les applications du froid que nous pourrons tirer le meilleur parti de cette innovation », affirme-t-il. La capacité de cette technologie à être mise à l'échelle (de systèmes millimétriques à métriques) est un atout majeur pour de nouveaux usages.
« La réfrigération électrocalorique nous invite à repenser notre rapport au froid, par exemple passer d'une approche de climatisation à grande échelle à une solution ciblée, plus efficiente et mieux adaptée aux défis environnementaux actuels, plaide-t-il également. Après tout, pourquoi refroidir un bâtiment si l’on peut directement « refroidir » une seule personne. » Elle permet également d'envisager de nouveaux usages, comme la création de « vêtements intelligents », à température régulée. « Ils pourraient non seulement améliorer le confort des personnes vulnérables lors de vagues de chaleur, mais aussi assurer la sécurité de professionnels, en réduisant le stress thermique sur le corps », indique le chercheur dont les recherches dans ce domaine se poursuivent dans le cadre d’autres projets de recherche.
1 SATIE (CNAM/CNRS/CY Cergy Paris Université/ENS Paris-Saclay/Université Paris-Saclay/Université Gustave Eiffel)
2 Directeur de recherche CNRS au laboratoire SATIE
3 C2N (CNRS/Université Paris-Saclay/Université Paris Cité)
4 SPMS (CentraleSupélec/CNRS)
