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Imager avec une précision nanométrique les structures à l’intérieur de l’os : c’est le défi que s’est lancé un groupe de scientifiques nantais. Cette prouesse technique permettra d’étudier des processus tels que la croissance et le vieillissement osseux.
En microscopie électronique, l’un des défis les plus ardus est d’obtenir des images de haute résolution de l’interface entre deux matériaux biologiques aux caractéristiques différentes. En effet, les électrons ne se comportent pas de la même manière dans les deux compartiments. « Parfois, d’un côté le signal est trop puissant en raison d'une très forte diffusion des électrons, tandis que de l’autre il ne l’est pas assez. Ou alors un côté produit beaucoup d’électrons secondaires et pas l’autre, ce qui peut créer des altérations de l'image », explique Patricia Abellan, physicienne et experte en microscopie à l’Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel1. C’est un peu comme lorsque sur une photo, le contraste entre ombre et lumière est si marqué que les détails des objets ne sont plus visibles.
Pourtant, en biologie, les interfaces sont des objets d’étude particulièrement importants où des processus uniques prennent place. Un exemple ? La croissance des os. Celle-ci a lieu à l’interface entre la partie minéralisée de l’os et la partie molle à l’intérieur. Cette interface est aussi le lieu d’une intense communication entre les cellules osseuses. Ce dialogue cellulaire complexe se fait notamment au travers de signaux chimiques portés de part et d’autre de l’interface par des vésicules. Pouvoir observer ces structures telles qu’elles se présentent à l’état naturel constituerait une avancée spectaculaire pour l’étude de la croissance des os.
C’est à cette tâche que se sont attelés les scientifiques de l’Institut des matériaux de Nantes Jean Rouxel en collaboration avec le laboratoire Regenerative Medicine and Skeleton2. Ceci, dans le cadre du projet Vinci3 lancé en 2021 avec un financement de l’ANR. Leur but : obtenir des images en 3D d’une précision nanométrique de cette interface osseuse.
Double faisceau
La première étape concerne la préparation des échantillons. Les scientifiques utilisent des coupes osseuses qu’ils ont préalablement vitrifiées en les soumettant à une température de -196°C. Le procédé empêche que les molécules d’eau ne forment des cristaux de glace qui pourraient diffracter le faisceau d’électrons du microscope.
Puis, vient la phase d’observation. Pour cela, ils utilisent une technique d’imagerie innovante appelée cryo-tomographie FIB/SEM4. Celle-ci consiste à focaliser sur l’échantillon deux faisceaux : le premier, constitué d’ions, des atomes chargés électriquement, permet de découper l’échantillon en tranches de quelques nanomètres d’épaisseur. Le second, constitué d’électrons permet d’imager ces tranches et d’en révéler les structures. Et tout cela en maintenant des températures cryogéniques pendant les observations. Ensuite, grâce à un logiciel spécial, les prises de vue sont réassemblées de façon à obtenir une image 3D de l’échantillon.
Interactions entre le vivant et les matériaux synthétiques
Ainsi, les biologistes pourront aborder de nombreuses questions scientifiques. Par exemple, savoir comment une fracture déclenche une série de processus permettant la régénération de l’os. Ou encore, comment les cristaux de la fraction minérale, se déposent sur l’interface lorsque l’os est en train de grandir. Ils pourront aussi étudier de plus près le vieillissement osseux.
Mais l’intérêt de ces travaux va plus loin. « Les méthodes que nous sommes en train de développer auront des retombées dans d’autres domaines. On pourra en effet les appliquer à d’autres interfaces », affirme Patricia Abellan. Par exemple, elles permettront d’étudier l’interaction entre un tissu vivant et des matériaux synthétiques utilisés pour fabriquer des prothèses. Elles pourront aussi être utilisées pour visualiser les mécanismes de réparation des dents et des interfaces os-tendon et os-cartilage. Plus généralement, tous les domaines de la biologie et de la médecine qui mettent en jeu une interface entre deux compartiments de nature différente bénéficieront de ces nouvelles méthodes.
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Ces recherches ont été financées en tout ou partie, par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet ANR VINCI -AAPG2020. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PPRC des appels à projets génériques 2020 (SAPS-CSTI-JCJ et PRC AAPG 20).