A la une

Améliorer les performances du photovoltaïque passe par une nouvelle génération de cellules solaires ultra-minces. En convertissant la chaleur des électrons en tension, ces dispositifs promettent d'augmenter leur efficacité tout en réduisant la quantité de matière utilisée.
Le photovoltaïque joue un rôle clé dans la transition énergétique, mais ses rendements théoriques plafonnent aux environs de 30 %. Pour mieux comprendre ce qui se passe, projetons-nous dans une cellule solaire en silicium. Imaginez des électrons, ces petites particules négatives, confortablement installés dans la cellule solaire. Aux premières lueurs, certains d’entre eux reçoivent un boost d’énergie et quittent leur « domicile » (des trous) afin de traverser le matériau de la cellule. Leur mission ? Atteindre les « contacts électriques », des sorties qui leur permettront de rejoindre le circuit électrique et de produire du courant et de la tension (la puissance électrique).
Dans ces systèmes, le problème est double : un tiers des électrons mis en mouvement perdent une partie de leur énergie sur le trajet sous forme de chaleur. Un autre tiers de l’énergie solaire n’est jamais exploité par la cellule. En effet, les matériaux n’absorbent pas l’ensemble des longueurs d’onde, c'est-à-dire les couleurs visibles ou non, émises par le soleil.
Afin d’améliorer l’efficacité des cellules photovoltaïques, une nouvelle génération de matériaux est à l’étude. C’est dans ce cadre qu’intervient le projet ICEMAN, porté par Laurent Lombez, chercheur CNRS au Laboratoire de physique et chimie des nano-objets (LPCNO[1]). Ce projet est financé par l’Agence nationale de la recherche (ANR), dont l’objectif est de soutenir l’excellence de la recherche et l’innovation française sur le plan national, européen et international. L’objectif d’ICEMAN est de concevoir une cellule solaire très fine exploitant le principe des porteurs dits « chauds ». C'est-à-dire ?
Reprenons notre métaphore. Dans ces nouvelles cellules, les pertes de chaleur vers le matériau sont minimisées. Ragaillardis par cette énergie conservée, les électrons se réchauffent jusqu’à devenir des « porteurs chauds » (sous-entendu des porteurs de charges). « En théorie, cette approche promet une conversion photovoltaïque plus efficace pour un même rayonnement solaire incident que pour une cellule classique, explique Laurent Lombez. Elle permet aussi de s’affranchir d’empilements complexes de matériaux en s’appuyant sur un design d’une centaine de nanomètres, soit une épaisseur 100 fois plus fines que celle d'un cheveu ».
Des matériaux innovants pour des cellules ultra-minces
Les chercheurs du projet ICEMAN ont remplacé le silicium usuel par des matériaux semi-conducteurs de la famille III-V. Largement utilisés dans les composants opto-électroniques, ces matériaux permettent à la fois de réduire la quantité de matière nécessaire à la fabrication d’une cellule et d’améliorer l’absorption lumineuse grâce à des techniques de nanophotonique.
Ils ont d’abord imaginé l’architecture de cellules utilisant ces matériaux. Puis, pour comprendre et optimiser ces dispositifs, les scientifiques ont eu recours à des mesures optiques. « Nous observons l’intensité lumineuse émise par une cellule. Plus elle est intense, plus la tension générée est élevée, décrit Laurent Lombez. Nous avons ainsi démontré que les porteurs chauds augmentent significativement la tension ».
Couplée à des modèles théoriques, cette approche a aussi permis de caractériser la température des électrons et des « trous » (les espaces laissés par les électrons excités). Ces deux populations de particules sont comparables aux deux bornes d’une pile, les premiers étant chargés négativement et les seconds positivement. « Jusqu’à présent, nous considérions un gaz contenant toutes ces particules sans distinction. Pour la première fois, nous sommes parvenus à les séparer et à localiser précisément leur position énergétique dans le matériau sous l’effet d’un rayonnement solaire. C’est une étape essentielle, car leurs niveaux d’énergie respectifs nous indiquent où positionner les contacts électriques qui permettront de récupérer le courant de manière optimale », explique Laurent Lombez.
Ces travaux confirment le potentiel des porteurs chauds. Des avancées importantes ont également été réalisées sur la compréhension et l’optimisation des matériaux semi-conducteurs très fins. En combinant une efficacité accrue, une réduction de la quantité de matière et une simplification des procédés, les cellules à porteurs chauds pourraient transformer le paysage énergétique à long terme tout en réduisant son impact environnemental.