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Grande enquête « CNRS Le Journal »
Donner du sens à la science

A propos

De l’atome au matériau, la chimie donne matière(s) à penser. Qu'ils touchent aux nanomédicaments, aux téléphones mobiles, aux véhicules à hydrogène ou à l’utilisation de la biomasse, des chimistes explorent de nouvelles pistes en tenant compte des enjeux environnementaux et sociétaux. Lancé à l'occasion de l'année de la chimie, ce blog est une invitation à découvrir leurs travaux et leurs réflexions.
 

A la une

La force du mou
17.10.2018, par Alba Marcellan, enseignante-chercheuse à Sorbonne Université, membre de l’Institut Universitaire de France, membre du laboratoire de Sciences et Ingénierie de la Matière Molle (1)
Dans ce nouveau blog de CNRS le journal, des chimistes présentent leurs travaux et leur réflexion sur leur domaine de recherche, parfois très éloignés des idées reçues. Première de cordée, la chimiste Alba Marcellan qui consacre ses recherches à la matière molle.

Bulles de savon, dentifrice, gels de gélatine, colles : sans crier gare, la matière molle est une compagne bien discrète de notre vie quotidienne. Polymorphe, la matière molle constitue un champ disciplinaire en soi, à la frontière entre la chimie, la physique et la biologie. Elle a pour objet des matières actives qui réagissent très sensiblement à leur environnement et que l’on pourrait qualifier de matière stimuli-répondante. Par exemple, un stress mécanique va conduire à de grandes déformations, mais d’autres stimuli environnementaux comme de petites variations de température, de pH, de concentration de sel peuvent piloter des modifications significatives d’aspects ou de comportements visibles à l’œil nu. Au laboratoire, avec mes collègues, nous nous intéressons aux gels, des matériaux qui sont principalement constitués d’eau, typiquement de l’ordre de 90% d’eau, et qui se comportent pourtant comme des solides élastiques. Ceci est rendu possible par l’ajout de très petites quantités de polymères qui vont pouvoir s’organiser sous la forme d’un réseau, un peu à l’image d’un filet de pêche tridimensionnel, avec des tailles de mailles de l’ordre 1/10 000 mm. Nous explorons de nouveaux designs moléculaires et développons des stratégies de renforcement mécanique originales pour concevoir des gels presque aussi robustes que les caoutchoucs des pneus!
 
Vivent les défauts !
L’endommagement et la rupture des matériaux s’initient à partir d’un défaut critique, une zone de faiblesse de la matière depuis laquelle va se propager une fissure. Pour prévenir la fracture des gels, certaines équipes de recherche ont concentré leurs efforts pour concevoir des réseaux parfaitement contrôlés, en veillant à homogénéiser la taille des mailles du réseau et à bien calibrer la distance entre les nœuds du réseau, de sorte à éliminer toute imperfection. Mais la chasse aux défauts ou la réalisation d’un réseau « parfait » s’avèrent bien difficiles et en définitive peu efficaces, vu les efforts considérables déployés. Nous avons adopté une philosophie radicalement différente qui s’appuie, au contraire, sur les défauts.

  Photothèque CNRS
Collage de gels synthétiques avec une solution de nanoparticules de silice (© Alba MARCELLAN/ESPCI/MMC/CNRS Photothèque)

  
L’idée est d’introduire délibérément des défauts dans le réseau en y insérant des jonctions faibles, dites « sacrificielles », qui vont se rompre progressivement et de manière répartie dans le matériau. Contrairement aux liaisons chimiques conventionnelles, ces liaisons de faible intensité ont la capacité de se reformer spontanément. Avec ces « défauts », le réseau peut alors se réorganiser avec une certaine dynamique, liée au trafic incessant entre ruptures et réparations des liaisons faibles. La clé est d’agencer ces « défauts » dans le réseau de telle sorte qu’ils puissent travailler de manière coopérative. Les gels obtenus, par définition hétérogènes, révèlent des propriétés remarquables en termes de rigidité, de résistance à la rupture ou encore présentent la capacité de s’auto-réparer. Cette vision plus optimiste du réseau, en intégrant les faiblesses, permet de s’affranchir d’une mise en œuvre très contrainte : la chimie de synthèse est alors assez simple et n’exige pas de grande quantité de solvant. Et en plus elle se fait dans l’eau !

La suite ?
Le temps de la recherche est un temps long qui demande une grande rigueur expérimentale, la mise en place de modèles robustes et la validation des concepts avancés. D’autres équipes de recherche dans le monde travaillent sur des idées assez proches : nous validons ainsi, ou parfois invalidons, les hypothèses de travail des autres et parfois aussi les nôtres... L’atout de notre approche est peut-être l’apparente simplicité de mise en œuvre de nos matériaux mais qui répondent à certaines attentes actuelles. Par exemple, dans le contexte global de préservation des ressources, nos gels pourraient contribuer au développement de technologies à faible impact environnemental. En outre, aussi bien à l’université que dans les laboratoires, les étudiants et jeunes doctorants affichent aujourd’hui leur détermination à développer une dimension sociétale aux enseignements qu’ils reçoivent et aux recherches qu’ils mènent. La matière molle pourrait accompagner la chimie vers les transitions de demain.

A lire  : l'article de CNRS le journal "Cette matière molle qui défie les lois de la physique"

(1) www.simm.espci.fr/ Ce laboratoire est une unité Sorbonne Université  / PSL University/ ESPCI Paris / CNRS

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