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Des indices d’un secteur sombre dans l’Univers
Cet article est paru sous forme d'infographie dans le numéro 4 de la revue Carnets de Science.
Violation apparente des lois de Newton
Dès les années 1930, en observant la vitesse de déplacement de galaxies de l’amas du Coma, Fritz Zwicky (1898-1974) a remarqué que la gravité exercée par la matière visible composant l’amas était normalement incapable de « retenir » ces galaxies. Le physicien suisse a alors postulé, dans l’indifférence générale, l’existence d’une matière sombre dont la masse était bien plus importante que celle de la matière visible. Il a fallu attendre les années 1970 et les travaux de Vera Rubin (1928-2016) pour que l’hypothèse de l’existence d’une matière noire s’impose à la majorité des astronomes. Étudiant la répartition des vitesses des étoiles de la galaxie Andromède, l’astronome constata qu’en violation apparente des lois de Newton – qui veulent qu’un corps tourne d’autant moins vite qu’il est éloigné du corps qui l’attire gravitationnellement –, ces étoiles tournaient toutes à la même vitesse, quelle que soit leur distance par rapport au centre de la galaxie. Pour expliquer ce phénomène sans remettre en question les lois de la gravité, on postule depuis l’existence d’une matière invisible répartie en halo autour des disques galactiques.
La courbure de l’espace-temps
La relativité générale prédit que la gravité ne se manifeste pas uniquement par l’attraction réciproque d’objets massifs, mais aussi par ses effets sur la lumière. En effet, plus la masse d’un corps est importante, plus celui-ci va courber le tissu de l’espace-temps environnant, plus il fera dévier le trajet des rayons lumineux émis par les étoiles et les galaxies situées derrière lui. Créant ainsi une image déformée de ces astres, comme le ferait une lentille optique : on parle donc de lentille gravitationnelle. Grâce aux équations de la relativité générale, il est ainsi possible de connaître la masse d’un objet à partir des déformations observées sur les objets à son arrière-plan. Dès les années 1980, en étudiant un étrange arc de lumière – image déformée d’une galaxie située à l’arrière de l’amas galactique Abell 370, distant de la Terre de 4 milliards d’années-lumière –, les astronomes ont pu calculer que la masse de l’amas était six fois plus importante que la masse de matière visible. C’est en multipliant ce type de calculs que les astrophysiciens ont pu établir une carte de la matière noire dans l’Univers.
Stabiliser les fluctuations de densité
On suppose que les grandes structures qui composent notre Univers sont issues de l’effondrement gravitationnel d’inhomogénéités de l’Univers primordial. Or à ses débuts, l’Univers était dominé par des radiations qui interagissaient si fortement avec la matière ordinaire qu’elles l’empêchaient de former la moindre structure pérenne. Les cartographies du fond diffus cosmologique (CMB) émis 377 000 ans après le Big Bang, établies par les satellites WMAP puis Planck, ont toutefois mis en évidence de très légères fluctuations de densité constituant les embryons des structures cosmiques actuelles.
Les calculs montrent néanmoins que si l’Univers est composé uniquement de matière visible, il ne s’est pas écoulé assez de temps depuis l’émission du CMB pour que l’effondrement de ces inhomogénéités ait pu conduire aux étoiles et aux galaxies. Il faut donc que l’Univers contienne un autre type de matière qui, insensible aux radiations, a pu commencer à s’effondrer gravitationnellement bien avant l’émission du CMB, « creusant » des puits de potentiel gravitationnel dans lesquels la matière normale va ensuite aller s’effondrer.
L’expansion de l’Univers s’accélère
Dès les années 1920, l’astronome Edwin Hubble (1889-1953) découvre l’expansion de l’Univers ainsi que la loi qui porte son nom. Cette loi établit que les galaxies lointaines s’éloignent de nous avec une vitesse qui augmente proportionnellement à leur distance.
À la fin des années 1990, afin de vérifier si cette relation de proportionnalité avait varié au cours du temps – si l’expansion de l’Univers ralentissait ou accélérait –, les astrophysiciens ont étudié les supernovae de type Ia. Ces explosions d’étoiles génèrent systématiquement la même luminosité ce qui permet donc d’évaluer très précisément leur distance et ainsi d’établir le taux d’expansion de l’Univers à différentes époques. On s’est alors aperçu qu’après avoir ralenti durant les 7,6 milliards d’années qui ont suivi le Big Bang, l’expansion de l’Univers a commencé à accélérer. Les chercheurs, qui s’attendaient à observer un ralentissement continu sous l’effet de la gravité ont alors dû postuler l’existence d’une énergie totalement inconnue et qui se comporte comme une sorte d’anti-gravité. Ils l’ont appelée l’énergie noire. ♦