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Où est passé le parfum des roses?
Mise à jour du 3 juillet 2015 : Dans la revue Science, des chercheurs français – dont Jean-Claude Caissard, cité dans notre article- révèlent que les composés majeurs du parfum des roses sont produits par une voie de synthèse originale, qui n'avait jamais été décrite chez les plantes. Un résultat à découvrir plus en détail ici.
Chez les fleuristes, le constat est souvent le même : les bouquets de roses n’auraient plus d’odeur… En effet, depuis des décennies, seules les roses qui tiennent longtemps en vase sont vendues sur les étals. Des fleurs robustes, mais bien souvent inodores ! « C’est en sélectionnant uniquement des fleurs qui vivent plus de dix jours dans un vase que les roses ont perdu leur parfum », précise Jean-Claude Caissard1. Comme d’autres scientifiques, ce chercheur en biologie végétale tente de cerner les mystères de cette fleur qui, même sans odeur, reste la fleur coupée la plus vendue au monde.
À la recherche de roses très résistantes
Très tôt, la rose a soulevé les passions. Dès l’Antiquité, elle était appréciée pour son parfum et sa beauté. « La domestication de la rose commence avec les Romains. Puis cette pratique s’est perdue au Moyen Âge, où la rose n’était plus utilisée que pour ses fonctions pharmaceutiques », ajoute le chercheur. Mais, au XIXe siècle, inspiré par les jardins fleuris à l’anglaise, l’engouement pour la rose explose en France. Dès 1860, les bouquets de roses affluent sur le marché parisien des Halles. « Les pépiniéristes ont alors créé de nouvelles variétés de roses pour répondre à une demande de plus en plus forte », explique Blandine Veith2, sociologue spécialiste de la marchandisation et de la patrimonialisation du végétal ornemental.
sélectionnant
uniquement des
fleurs qui vivent
plus de dix jours
dans un vase que
les roses ont perdu
leur parfum.
D’une dizaine au départ, les variétés de roses sont aujourd’hui passées à plus de 30 000 ! « L’explosion des croisements arrive à la fin du XIXe siècle. On cherche à avoir des roses toujours plus grosses, toujours plus colorées, mais surtout qui fleurissent toute l’année… », ajoute Jean-Claude Caissard. Car, naturellement, une rose ne fleurit que quinze jours par an… Pas assez pour les fleuristes et les créateurs de roses, qui partent à la recherche de fleurs plus résistantes. Au fil de la commercialisation massive de roses, le parfum, essence même de la fleur, a été involontairement relayé en second plan.
Le parfum, un caractère fragile
Mais l’hybridation des roses n’est pas seule coupable de cette perte d’odeur… Le parfum a toujours été un caractère extrêmement fragile et difficile à préserver d’une fleur à l’autre. « Sur une descendance de roses, 90 % ne garderont pas le parfum de leurs parents. C’est ce qu’on appelle un caractère génétique quantitatif », précise Jean-Claude Caissard. Dans 10 % des cas, la rose garde une odeur mais qui n’est pas forcément celle prévue : « Le parfum que va avoir une rose est toujours une surprise ! Certaines sentent l’ananas par exemple », ajoute le chercheur. Ce sont les pétales, qui libèrent des dizaines de composés volatils, qui confèrent à une rose son parfum. Alors que le géraniol et le 2-phényléthanol sont les principaux composants de l’odeur de la rose européenne (et moyenne-orientale), la rose chinoise, elle, sent le thé. Au fil des siècles, ces deux parfums distincts ont été croisés des milliers de fois, donnant naissance à une foule de senteurs différentes.
Avec son équipe, Jean-Claude Caissard cherche à expliquer pourquoi une rose à longue tenue en vase est souvent synonyme d’inodore. Pour l’instant, aucun lien génétique entre ces deux caractères n’a été trouvé, mais une cartographie des gènes qui confèrent aux roses leur senteur est en cours d’élaboration. « On a aussi émis l’hypothèse que les roses à longue tenue en vase avaient des pétales épais, qui donc emprisonneraient plus le parfum, mais ce n’est pas non plus le cas », précise Jean-Claude Caissard.
Une question de rentabilité ?
« Le problème des roses parfumées est qu’elles ont des pétales plus fragiles. Elles supportent donc mal les voyages en avion », explique Blandine Veith. Dans une logique de marchandisation massive, le commerce des roses est devenu international. L’Amérique du Sud et l’Afrique de l’Est concentrent l’essentiel des grandes fermes mondiales. Un seul critère sur place : la rentabilité. « Au Kenya, on produit des roses en toute saison, inodores et à des coûts salariaux très inférieurs à ceux de l’Europe », ajoute la sociologue. En bout de course, ces roses inondent les fleuristes du Nord et « aboutissent à la commercialisation d’uniquement deux types de roses standardisés », explique Blandine Veith. L’évolution de la rose, première plante à avoir pu être brevetée, dépendrait donc surtout d’enjeux économiques…
« La diffusion massive des roses pourrait aboutir à une baisse de la biodiversité sur les étals », ajoute la sociologue. Face à cela, certains rosiéristes s’organisent pour remettre au goût du jour les roses anciennes, extrêmement parfumées. La plupart des obtenteursFermerPersonnes qui obtiennent de nouvelles variétés végétales., conscients de l’importance du parfum pour les acheteurs, s’activent à redonner des senteurs aux bouquets de roses. En parallèle, des amateurs s’amusent aussi à créer des roses de jardin aux parfums extraordinaires : persil, anis ou même vin rouge !
- 1. Laboratoire de biotechnologies végétales appliquées aux plantes aromatiques et médicinales, dirigé par Sylvie Baudino-Caissard (Univ. Jean-Monnet Saint-Étienne).
- 2. Laboratoire dynamiques sociales et recompositions des espaces (Ladyss, Univ. Paris Ouest). L’enquête au Kenya a été réalisée avec Bernard Calas, professeur de géographie à l’université Bordeaux Montaigne.
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Auteur
Léa Galanopoulo est journaliste scientifique indépendante.
Commentaires
Au nom de la nouvelle
Kian Xiaomi le 23 Mai 2015 à 14h50C'est vraiment fascinant, et
BilalMartinez le 11 Janvier 2023 à 19h45Connectez-vous, rejoignez la communauté
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