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Les voix du goulag

Les voix du goulag

03.04.2015, par
Goulag, embarquement de bois
Embarquement de bois dans un des camps du goulag, en Sibérie.
De 1939 à 1950, un million d’Européens sont déplacés de force dans les camps de travail soviétiques ou relégués dans des villages isolés de Sibérie ou d’Asie centrale. Les Archives sonores du goulag donnent la parole aux derniers témoins. Une série documentaire, réalisée à partir de ces archives avec la collaboration du Cercec (CNRS/EHESS), démarre ce week-end sur RFI et France Culture.

(La première version de cet article a été publiée dans CNRS Le journal, 255, avril 2011.)

Certains ont déjà témoigné auprès de leurs compatriotes. D’autres n’en ont jamais parlé. Tous sont heureux de se livrer aux micros de ces chercheurs venus parfois de très loin pour recueillir leur histoire. L’histoire de leur vie, entamée en Pologne, en Ukraine, dans les trois États Baltes, en Roumanie, en Hongrie… Et qui a soudain basculé pour se poursuivre dans un camp de travail soviétique ou un village isolé de Sibérie. La voix de ces rescapés ne s’éteindra plus : elle retentit désormais sur la Toile, dans le musée ­virtuel sobrement intitulé « Archives ­sonores-Mémoires européennes du goulag », que le Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen1, à Paris, a ­lancé en 2011, en collaboration avec la radio RFI, le Centre Marc-Bloch de Berlin, le Cefres2 de Prague et le Centre franco-russe de recherches en sciences sociales et ­humaines de Moscou.

Goulag, travailleurs forestiers
Travailleurs forestiers.
Goulag, travailleurs forestiers
Travailleurs forestiers.

« Avant et après la Seconde Guerre mondiale, près d’un million d’Européens ont été déportés, raconte Alain Blum, l’un des trois fondateurs du projet. Les technologies numériques nous permettent aujourd’hui de reconstituer une histoire collective à partir des ­témoignages individuels. » L’idée du site est née un jour de printemps 2005, lors d’une rencontre entre Alain Blum, sa collègue Marta Craveri et Valérie Nivelon, journaliste à RFI. Pour le financer, les chercheurs déposent un projet à l’Agence natio­nale de la recherche, qui sera accepté en 2007. De son côté, RFI fournira des moyens techniques, et surtout son expérience de la voix et de la prise de son. Jamais pareille entreprise transfrontalière n’a été menée. Des témoignages ont certes déjà été ­recueillis, mais toujours dans un cadre strictement national.

Les technologies
numériques
nous permettent
de reconstituer une
histoire collective
à partir des ­
témoignages individuels.

Treize scientifiques européens – des anthropologues, des géographes, des historiens et des sociologues –, de huit nationalités différentes, partent donc à la recherche des rescapés des goulags dans leurs pays d’origine ou d’accueil, voire en Sibérie et au Kazakhstan pour ceux qui sont restés là où ils avaient été déportés, soixante ans plus tôt. Ils vont en retrouver 160. Qui sont-ils ? « Avant la guerre, ce sont surtout des membres des élites économiques, socia­les ou politiques des pays nouvellement annexés », explique Marta Craveri. Après la guerre, les arrestations et déportations concernent les collaborateurs des nazis, vrais ou supposés, les combattants natio­nalistes et tous ceux qui sont soupçonnés de les aider, souvent des paysans. Des villages entiers sont brûlés, et les ­populations, envoyées en Sibérie.

Goulag, brigade de travail en Sibérie
Brigade de travail en Sibérie.
Goulag, brigade de travail en Sibérie
Brigade de travail en Sibérie.

Dans les camps du goulag et les villages ­perdus dans la taïga, la vie s’organise tant bien que mal. Les témoins parlent de la faim, de la maladie, du travail ­harassant dans les champs, les scieries ou les mines… Mais aussi de moments de joie. À la mort de Staline, en 1953, les prisonniers sont peu à peu libérés, les exilés ont l’espoir de rentrer au pays, mais leur retour ne sera pas facile : les anciens ­déportés sont isolés, leurs biens ont été saisis. Certains restent sur place, par choix ou par nécessité. Dans le musée virtuel, tous ces récits, agrémentés de textes, de photos et de vidéos, se croisent pour construire une histoire que beaucoup d’Européens ignorent. Mais qui fait désormais partie de leur ­mémoire commune.

À écouter : « Nos années goulag », série documentaire inédite en quatre épisodes
- Épisode 1 : « La déportation des européens en URSS », dimanche 5 avril à 10 h 10 sur RFI et lundi 6 avril à 17 heures sur France Culture.
- Épisode 2 : « L’amour des hommes, la part de dieu », mardi 7 avril à 17 heures sur France Culture et dimanche 12 avril à 10 h 10 sur RFI.
- Épisode 3 : « Irina et Stella au pays des ours blancs », mercredi 8 avril à 17 heures sur France Culture et dimanche 19 avril à 10 h 10 sur RFI.
- Épisode 4 : « L’espoir d’un retour », jeudi 9 avril à 17 heures sur France Culture et dimanche 26 avril à 10 h 10 sur RFI.
 

Notes
  • 1. Unité CNRS/EHESS.
  • 2. Unité CNRS/Ministère des Affaires étrangères.

Commentaires

1 commentaire

Je suis tellement touché par ces images, je vois ces travailleurs désespère de la vie et qui passent un message de fatigue et d’oppression d’un état tyran. L’espoir d’une nation glorieuse finit dans les ténèbres de la tyrannie. C’est la révolution qui a trahit le peuple. Pour moi une révolution populaire ne peut rien apporté à une nation. La gloire des nations ne se fait que par des simples individus qui combattent quotidiennement pour vivre à leurs manières. Il y a toujours se combat éternel pour la liberté contre toutes les sorts d’assujettissements et surtout celle qui vient d’un pouvoir politique. Enfin on n’oublie jamais les martyres des goulags ni les martyres des droits de l’homme. On est toujours dans le chemin de la liberté, parce que c’est un droit inalliable. La vie, la liberté et la recherche du bonheur sont incarné par la nature dans l’être humain, et rien ne peut changer la nature humain est ses attentes pour vivre libre et heureux.
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