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Depuis les années 2010, les archéologues français sont présents dans le Kurdistan irakien aux côtés de nombreuses équipes venant du monde entier. En revanche, ils n’avaient pas, jusqu’à présent, obtenu l’autorisation des autorités françaises de travailler dans la partie sud de l’Irak, au cœur de l’ancienne Mésopotamie, jugée trop dangereuse. L’année 2019 aura vu le retour des archéologues français à Larsa, un site fouillé depuis 1933 et en continu de 1967 à 1989.
Entre 2000 et 2002, après une absence de dix ans due à la Guerre du Golfe, l’équipe de Christine Kepinski était la dernière équipe étrangère à mener des fouilles dans le pays, sur les sites de Grai Resh (IVe millénaire) et Tell Khoshi (III-IIe millénaires avant notre ère), au sud du Sinjar. Cette chercheuse du CNRS avait alors pu visiter le musée de Bagdad en décembre 2002, deux ans après sa réouverture et quelques mois avant son pillage, faisant suite à l’invasion américaine en avril 2003.
Dès le milieu des années 2000, plusieurs missions archéologiques étrangères ont repris des fouilles sur des sites emblématiques du sud de l’Irak, pour certains largement endommagés par les pillages intensifs menés depuis 1990 et l’embargo imposé par les Nations Unies à l’Irak. Aujourd’hui, une soixantaine de missions archéologiques irakiennes et étrangères sont au travail dans tout le pays. Ces équipes explorent et restaurent les vestiges laissés par les habitants de l’ancienne Mésopotamie depuis l’époque préhistorique jusqu’aux premiers siècles de notre ère.
Les archéologues d’Europe et d’Amérique avaient hâte de retrouver les sites dont la richesse avait été dévoilée dès la fin du 19e siècle. Ainsi, les membres de l’Institut archéologique allemand sont de retour à Uruk (Warka), fouillée dès le tout début du 20e siècle par l’architecte Walter Andrae. Cette capitale du légendaire Gilgamesh, occupée du IVe millénaire jusqu’aux premiers siècles de notre ère, a livré les plus anciens textes dans l’histoire de l’humanité.
Les archéologues de l’Université de Chicago ont retrouvé les vestiges de Nippur (Nuffar), la grande capitale religieuse et culturelle des IIIe et IIe millénaires avant notre ère.
La cité sumérienne d’Ur (tell al-Muqayyar), occupée du IIIe millénaire au 3e siècle avant notre ère, dévoilée successivement par les Britanniques et les Américains, a livré de nouvelles tablettes cunéiformes ces dernières années au cours de fouilles menées dans le cadre d’une collaboration entre les universités de New York, de Pennsylvanie et de Munich.
Le site de Lagash (tell el-Hiba), ville de la seconde moitié du IIIe millénaire et siège du dieu Ningirsu a été fouillé au milieu du 20e siècle par l’Université de Californie. Il est désormais exploré par une mission conjointe incluant les universités de Pennsylvanie et de Cambridge ainsi que le Conseil national des antiquités et du patrimoine irakiens.
Une telle continuité n’est plus de mise sur d’autres sites du sud irakien. L’antique Fara (Shuruppak) a livré des textes administratifs, littéraires et scolaires remontant au milieu du IIIe millénaire avant notre ère. Mise au jour par l’allemand Robert Koldewey au tout début du 20e siècle, la ville est désormais fouillée par une équipe conjointe irakienne (Université de Qadisiyah) et italienne (Université de Bologne).
C’est également une mission irako-italienne qui fouille à Eridu (tell Abu Shahrain, Ve-IIIe millénaires), première capitale sumérienne autrefois explorée par les Britanniques. La cite sumérienne de Girsu (Tello), exhumée dès 1877 par le français Ernest de Sarzec, est à présent fouillée par une mission du British Museum.
Au printemps 2019, grâce à projet du Fonds de solidarité pour les projets innovants, les Français sont donc de retour en Mésopotamie, et plus particulièrement à Larsa (Tell el-‘Oueili). Attestée depuis le début du IIIe millénaire, la ville a connu son apogée au début du IIe millénaire, sous le roi Rîm-Sîn qui y régna une soixantaine d’année avant de tomber aux mains de Hammurabi de Babylone après un siège long de six mois en 1763 avant notre ère. C’est avec beaucoup d’émotion que plusieurs membres de l’équipe de Jean-Louis Huot sont retournés cet automne sur le site, après une absence de trente ans, pour reprendre les fouilles désormais dirigées par Régis Vallet.
Les chercheurs fondent de grands espoirs sur la reprise des fouilles dans le sud de l’Irak. En effet, au cours de ces dernières décennies, l’archéologie a mis en œuvre de plus en plus de disciplines, ostéologie, palynologie, pédologie, bioarchéologie et de nombreuses nouvelles sous-disciplines de l’archéométrie. Cela va désormais permettre d’affiner nos connaissances sur le quotidien des habitants de l’ancienne Mésopotamie.