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« La lumière est un aspect primordial des espaces intérieurs », affirme Céline Drozd, chercheuse au laboratoire Ambiances, Architectures, Urbanité1. Prenons d’abord l’aspect énergétique : un bâtiment qui capte bien la lumière consommera moins d’énergie en chauffage et sera donc plus performant. Mais avec la lumière naturelle, émerge aussi un enjeu santé. « Elle est un facteur de bien-être. Des études ont montré que dans les espaces de travail exposés à la lumière naturelle, la productivité des employés augmente et l’absentéisme diminue ».

Il suffit d’imaginer la différence entre un appartement exposé plein Sud et un appartement ouvrant sur une cour étroite pour se rendre compte à quel point la lumière joue sur notre appréciation des lieux. Voilà pourquoi tous les grands architectes s’en servent pour créer des émotions. La lumière leur permet de révéler des formes, de poser des trompe-l‘œil et de créer des atmosphères qui varient au cours de la journée.

Ambiances lumineuses marquées par un fort contraste et des reflets dans le Palais de justice de Nantes de l’architecte Jean Nouvel. © Niren Cunthen

La réalité virtuelle s’en mêle
Mais voilà, « enseigner » la lumière n’est pas chose aisée. En effet, elle ne se laisse pas facilement décrire ou expliquer. D’où l’idée à l’origine de PerciLum, porté par Céline Drozd, un projet de recherche lancé en 2020 avec le soutien de l’Agence nationale de la recherche. PerciLum cherche, grâce à la réalité virtuelle, à recréer l’ambiance lumineuse de bâtiments d’intérêt architectural. Ceci permettra aux étudiants en école d’architecture d’observer, grâce à des casques de réalité virtuelle ou des écrans ultra haute définition (UHD), les jeux d’ombre et de lumière, les nuances et les sensations que la lumière naturelle provoque. Parmi les sept sites choisis, le palais de justice de Nantes2, l’église de Notre-Dame du Raincy3, la bibliothèque Sainte Geneviève4 et l’église Saint-Pierre de Firminy5. La raison de ces choix ? « Nous voulions des lieux présentant des ambiances lumineuses variées qui nous permettent de tester nos méthodes de travail », explique Céline Drozd.

Mise en place de la caméra 360 pour la captation d’images HDR dans la bibliothèque Sainte-Geneviève à Paris, de l’architecte Henri Labrouste. © Niren Cunthen  

La chercheuse en est bien consciente : recréer de façon exacte une ambiance lumineuse constitue un véritable défi technique en matière de traitement des images. Les chercheurs doivent, pour y parvenir, modéliser la façon dont chaque matériau absorbe et réfléchit le rayonnement solaire. Ils doivent trouver les algorithmes de traitement d’image les plus appropriés, et s’assurer que les paramètres des dispositifs de réalité virtuelle conservent le comportement réel de la lumière.
Plus difficile encore : il faut que le ressenti face à la scène virtuelle soit comparable à celui dans le lieu réel. Pour s’en assurer, les chercheurs conduiront des entretiens avec les utilisateurs. « Nous leur demanderons de raconter leur expérience, ce qui a attiré leur regard, le parcours qu’ils ont suivi », explique Cécile Drozd.

Ambiances lumineuses du bout du monde
Par la suite, les chercheurs vont créer des mallettes pédagogiques afin d’introduire des concepts clés liés à la lumière naturelle qui permettront aux étudiants de mieux tirer profit de l’outil virtuel. Ils pensent aussi diffuser leurs méthodes de capture et de traitement d’images afin que d’autres équipes puissent les appliquer dans d’autres espaces. « On pourra ainsi avoir accès à des ambiances lumineuses de bâtiments qui sont à l’autre bout du monde », imagine déjà Céline Drozd.

Mais PerciLum voudrait aller plus loin dans l’exploration de la lumière. La chercheuse veut aussi développer un outil permettant de simuler l’ambiance lumineuse de bâtiments virtuels en réalité virtuelle ou grâce à des écrans UHD. Cet outil permettra aux architectes, maîtres d’ouvrage, ingénieurs et étudiants de faire varier, sur leurs maquettes digitales, différents paramètres qui jouent sur la luminosité. Par exemple, la taille des fenêtres, l’orientation du bâtiment ou les différents matériaux et revêtements. « Les aspects qualitatifs de la lumière sont souvent négligés. Je pense qu’un tel dispositif, accompagné d’une approche pédagogique, permettra de sensibiliser les acteurs de la construction et de les accompagner dans leurs choix vis-à-vis de la lumière », conclut Céline Drozd.
 

Ces recherches et cet article ont été financés en tout ou partie par l’Agence nationale de la recherche (ANR) au titre du projet ANR PerciLum -AAPG 2018-2019. Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle.