Logo du CNRS Le Journal Logo de CSA Research

Grande enquête « CNRS Le Journal »

Votre avis nous intéresse.

Le CNRS a mandaté l’institut CSA pour réaliser une enquête de satisfaction auprès de ses lecteurs.

Répondre à cette enquête ne vous prendra que quelques minutes.

Un grand merci pour votre participation !

Grande enquête « CNRS Le Journal »

Sections

«A Pompéi, une tombe spectaculaire du IVe siècle avant notre ère»

«A Pompéi, une tombe spectaculaire du IVe siècle avant notre ère»

27.10.2015, par
Tombe samnite découverte à Pompéï
La tombe samnite a été trouvée dans une zone où cohabitent tombeaux d’époque romaine, villas cossues et boutiques d'artisanat.
Pompéi n’en finit pas de livrer ses secrets. En menant des fouilles dans un quartier d’artisanat, l’archéologue Lætitia Cavassa et son équipe ont mis au jour une tombe samnite. Cette population italique a occupé Pompéi du Ve au Ier siècle av. J.-C., avant qu’elle ne devienne une colonie romaine.

Vous avez mis au jour durant l’été 2015 une sépulture de l’époque samnite quasi intacte. Comment avez-vous fait cette découverte ?
Lætitia Cavassa1 : Il existe depuis quinze ans un gros programme de fouilles sur l’artisanat à Pompéi2, visant à en apprendre plus sur les différents corps de métier : tanneurs, parfumeurs ou encore potiers. Je suis moi-même spécialiste de la céramique antique et j’ai en charge depuis 2012 la fouille d’un atelier de potier situé en dehors de la ville, sur la via des Tombes – cette voie qui traverse la nécropole de Porta Ercolano et mène à la célèbre villa des Mystères. Cet atelier dégagé dès 1838 avait révélé l’existence d’un four, mais les fouilleurs de l’époque n’étaient pas allés plus loin. En déblayant un amas de pierres ponces projetées par le Vésuve lors de l’éruption, nous y avons d’abord découvert, dès 2012, une série de gobelets pour boire à anses décorées. Et en 2014, lorsque nous avons étendu nos recherches à deux boutiques mitoyennes, nous avons mis au jour quatre tours de potiers – une première à Pompéi –, et deux autres fours… C’est en nous intéressant de plus près au mur d’une des boutiques, afin de mieux comprendre sa construction, que nous avons découvert la sépulture, située juste de l’autre côté de la paroi.

À quoi ressemble cette tombe ?
L. C. : C’est une sépulture cubique construite en blocs de calcaire de Sarno, le fleuve qui coule non loin de Pompéi. Au sol, un squelette de femme adulte gisait sur le dos, entouré de douze vases à figure rouge ou à décor surpeint – ces vases d’inspiration attiqueFermerL’Attique est la région de Grèce qui entoure Athènes, qui a popularisé les vases à figures noires sur fond clair et rouges sur fond noir dans l’Antiquité. où les scènes sont représentées en rouge sur fond noir. La couche de terrain dans laquelle la tombe a été retrouvée, ainsi que le style des vases, nous indiquent qu’elle a été construite au IVe siècle avant Jésus-Christ, en pleine période samnique ; l’étude plus poussée des décors des vases devrait nous permettre de la dater plus précisément. Pour l’heure, on ne sait pas quel âge avait la femme au moment du décès, mais l’anthropologue Henri Duday devrait bientôt examiner le squelette afin de le déterminer et de nous en apprendre plus sur son état de santé général.

Tombe samnite découverte à Pompéï
La sépulture est située de l’autre côté du mur d’une boutique de potiers.
Tombe samnite découverte à Pompéï
La sépulture est située de l’autre côté du mur d’une boutique de potiers.

Qui sont les Samnites ?
L. C. : On connaît surtout la Pompéi romaine, car c’est elle qui a été « figée » par l’éruption du Vésuve en 79, mais Pompéi n’a pas toujours été romaine. Depuis sa création au VIe siècle avant Jésus-Christ, elle a subi plusieurs influences, grecque et étrusque notamment, et surtout samnite, durant quatre siècles (de 424 à 89 avant J.-C.).

Ce n’est qu’après
la victoire de Sylla
contre les Samnites, en 89 avant J.-C.,
que Pompéi
est devenue une
colonie romaine.

Les Samnites, un peuple italique dont la sphère d’influence s’étendait de la Campanie (la région de Naples) à la côte adriatique, ont fortement contribué au développement de la ville et lui ont donné sa physionomie définitive. La villa des Mystères ou la villa de Diomède, avec leur atrium caractéristique, ont été construites à l’époque samnite, au IIe siècle avant Jésus-Christ, avant d’être adaptées au goût romain ; c’est aussi le cas de monuments comme la basilique, le théâtre, les temples d’Apollon et de Jupiter… Ce n’est qu’après la victoire de Sylla contre les Samnites durant la Guerre sociale (qui a opposé à Rome les populations italiques autrefois alliées à la République romaine, entre 90 et 89 avant J.-C., NDLR) que Pompéi est devenue une colonie romaine. Assez tardivement, donc, si l’on considère sa longue histoire.

Pourquoi la découverte de cette tombe est-elle si importante ?
L. C. : Quelques tombes samnites avaient été mises au jour dans ce même secteur au XIXe siècle mais, d’après les documents de l’époque, il s’agissait de sépultures plus modestes – une cavité, un corps et quelques offrandes dont on a perdu la trace. D’autres tombes ont été fouillées en 1979, mais elles étaient plus récentes. Ici, nous avons un ensemble complet datant du IVe siècle, spectaculaire, même si certains blocs sont endommagés.

Tombe samnite découverte à Pompéï
Douze vases d’inspiration attique, mais fabriqués localement, ont été retrouvés près du corps.
Tombe samnite découverte à Pompéï
Douze vases d’inspiration attique, mais fabriqués localement, ont été retrouvés près du corps.

Au-delà de cette tombe, le quartier de Pompéi dans lequel elle s’inscrit continue de soulever beaucoup de questions…
L. C. : C’est une zone hybride, où l’on trouve à la fois des tombeaux d’époque romaine, des villas cossues et un ensemble de boutiques d’artisanat coincé entre les deux… Le pourquoi il s’est développé à cet endroit reste encore entier. Le découvrir fait aussi partie de notre mission de fouilles.

Notes
  • 1. Ingénieur d’études au Centre Camille-Jullian (CNRS/Aix-Marseille Univ./MCC).
  • 2. Ce programme, intitulé « Artisanat et économie à Pompéi » et dirigé par Jean-Pierre Brun, professeur au Collège de France, est porté par le Centre Jean-Bérard.

Commentaires

1 commentaire

J'ai beau être un simple profane ce site ne cesse de me fasciner pour ne pas dire qu'il me bouleverse depuis que jeune adolescent en 1957, j'ai commencé à le visiter avec les autres sites ensevelis par l'éruption de 79. J'ai du y aller une bonne dizaine de fois, la dernière en Juin 2015. Je suis entrain de réunir mes différentes vidéos en un petit montage basé sur un scénario que j'ai écrit en m'inspirant de la nouvelle de Théophile Gautier, Arria Marcella. Bravo à tous ces chercheurs et faite en sorte que ce site cesse d'être mis à mal par l'irresponsabilité totale du gouvernement italien qui laisse détruire en quelques années ce que des centaines d'années d'ensevelissement sous les cendres avaient préservés pour notre connaissance et nos émotions. Claude ROZSA. Paris
Pour laisser votre avis sur cet article
Connectez-vous, rejoignez la communauté
du journal CNRS