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BMX race : la biomécanique sur la roue arrière

BMX race : la biomécanique sur la roue arrière

20.05.2022, par
Quarts de finale de course de BMX féminin lors des JO de Tokyo, au Japon, en 2020, parc de sport urbain Ariake.
Épreuve olympique depuis 2008, le BMX Race requiert d’appliquer sur les pédales les forces les plus importantes de tout le cyclisme. Des chercheurs de l’institut Pprime ont été sollicités pour aider les athlètes et leurs entraîneurs à mieux objectiver leurs gestes et améliorer leurs performances.

Au plus haut niveau, les athlètes se départagent sur des temps et des mouvements toujours plus fins. Dans cette quête de la précision et de la justesse, la science est de plus en plus sollicitée, notamment à l’approche d’évènements majeurs tels que les Jeux olympiques de Paris 2024. Au croisement de l’ingénierie, de la mécanique et de la médecine, la biomécanique compte parmi les domaines les plus prisés pour améliorer les performances. « La biomécanique est l’application de la mécanique aux systèmes vivants, et en particulier au corps humain, explique Mathieu Domalain, enseignant-chercheur à l’institut Pprime (P')1. On distingue traditionnellement deux axes. Le premier, qui est le mien, touche à l’étude des mouvements, mais d’autres scientifiques s’intéressent à la résistance des matériaux et tissus biologiques. Avec mes collègues, nous développons une approche plus macroscopique, où nous analysons par exemple les efforts exercés au niveau des muscles ou des articulations. »

Les travaux de Mathieu Domalain ont d’abord concerné l’ergonomie, la médecine physique et réadaptation, afin d’accompagner les médecins dans leurs diagnostics et le choix des solutions thérapeutiques les mieux adaptées à chaque patient. Ces études ont notamment été menées avec le CHU de Poitiers. Mathieu Domalain s’est ensuite progressivement orienté vers la paléontologie, en aidant à comprendre à partir de la morphologie des fossiles, ainsi que les liens entre activité physique et évolution de la lignée humaine. Il s’est aussi, et surtout, tourné vers le sport de très haut niveau.

Pilote de BMX en position d’attente derrière la grille de départ. Le sac à dos embarque un système d’enregistrement des forces exercées sur les pédales (analyse réalisée en 2019, à Saint-Quentin-en-Yvelines, sur la piste d’entraînement et de compétition des pilotes de l’équipe de France).
Pilote de BMX en position d’attente derrière la grille de départ. Le sac à dos embarque un système d’enregistrement des forces exercées sur les pédales (analyse réalisée en 2019, à Saint-Quentin-en-Yvelines, sur la piste d’entraînement et de compétition des pilotes de l’équipe de France).

« Dans ce contexte, la biomécanique sert à objectiver la performance, précise Mathieu Domalain. Les entraîneurs et leurs athlètes bénéficient de leurs yeux et de leur expérience, nous contribuons, grâce aux chiffres, à la technique gestuelle employée, afin que les sportifs et leur staff puissent prendre des décisions éclairées. Nous leur apportons des outils pour mieux comprendre le fonctionnement du corps humain en situation de performance, à partir d’analyses de vitesse, d’angles articulaires et de coordination intersegmentaire. C’est ainsi qu’ils iront chercher le dixième de seconde qui fera la différence entre une première et une seconde place. »

L’institut Pprime, où travaille Mathieu Domalain, a justement été sollicité par la Fédération française de cyclisme afin de fournir un accompagnement scientifique à ses entraîneurs. Le centre de recherche travaille en effet depuis une trentaine d’années avec différents organismes sur l’étude du geste sportif, notamment avec l’Institut national du sport, de l’expertise et de la performance (Insep) et le Centre de ressources, d’expertise et de performance sportive (Creps) de Poitiers. Les Creps sont entre autres chargés de la formation des cadres des fédérations sportives et de l’accompagnement des jeunes vers le haut niveau. Le Creps de Poitiers a en plus la particularité de posséder sa propre cellule de recherche et développement. « Le Creps apporte une expertise au plus près du sport et de l’entraîneur, avec des solutions concrètes et un accompagnement régulier, avance Mathieu Domalain. En tant que chercheurs, nous n’avons pas les mêmes échelles de temps, mais cela apporte une réelle complémentarité dans l’expertise. »

Le sportif est équipé de marqueurs rétro-réfléchissants (boules grises) vus par le système de caméras optoélectronique. Placés sur les principales articulations, ils réfléchissent un rayonnement qui est capté par des caméras, ce qui permet de suivre leur trajectoire et de réaliser une analyse cinématique des gestes effectués.
Le sportif est équipé de marqueurs rétro-réfléchissants (boules grises) vus par le système de caméras optoélectronique. Placés sur les principales articulations, ils réfléchissent un rayonnement qui est capté par des caméras, ce qui permet de suivre leur trajectoire et de réaliser une analyse cinématique des gestes effectués.

On trouve également à Châtellerault, à une vingtaine de minutes de Pprime, un Centre régional d’innovation et de transfert de technologie (Critt) dédié aux sports et aux loisirs, dont le directeur est un ancien doctorant de Pprime. Ces trois structures, réunies au travers du Centre d’analyse d’images et performance sportive (Caips), offrent un écosystème particulièrement attractif pour l’accompagnement des projets de performance des fédérations sportives. La demande de la fédération française de cyclisme concerne le BMX race. Le BMX est en effet présent de deux manières différentes aux Jeux olympiques : le BMX race est une course entre huit athlètes sur un terrain parsemé de bosses et de virages relevés, tandis que le BMX freestyle consiste à enchaîner des figures au sol et dans les airs. Les chercheurs de Pprime étudient l’efficacité de la technique gestuelle de chaque cycliste, ainsi que l’influence des caractéristiques de leur matériel telles que la géométrie des cadres de vélo, la longueur des manivelles, etc.

Ils utilisent pour cela les outils classiques de la biomécanique. Cela passe en particulier par un système optoélectronique composé d’une quinzaine de caméras à haute fréquence. Celles-ci capturent le mouvement grâce à des marqueurs réfléchissants, collés au niveau de repères anatomiques. À partir des coordonnées des points enregistrés, des algorithmes analysent la dynamique du mouvement. Une autre partie du travail concerne l’analyse des forces. « Dans le cas du BMX, nous utilisons des capteurs spéciaux pour mieux comprendre les interactions entre le pied et la pédale, explique Mathieu Domalain. Les experts du BMX sont les cyclistes qui exercent les forces les plus importantes sur leurs pédales, car l’épreuve ne dure qu’environ 40 secondes pendant lesquelles ils sprintent, sautent et prennent des virages particulièrement brusques. Ce matériel permet de mesurer l’amplitude de ces forces, mais également leur orientation, gage d’efficacité du mouvement de pédalage. » Les capteurs utilisés ont été conçus par Sensix, une société issue des travaux d’un ancien doctorant de Pprime, mais l’institut cherche aussi à développer ses propres appareils de mesure.

Reconstruction du mouvement à partir d’une modélisation des systèmes dynamiques multicorps. La flèche verte indique la force exercée sur la pédale.
Reconstruction du mouvement à partir d’une modélisation des systèmes dynamiques multicorps. La flèche verte indique la force exercée sur la pédale.

À l’approche des JO de 2024 à Paris, les missions se multiplient. Un appel à projets de recherche Sport de très haute performance, piloté par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation et le ministère de la Jeunesse et des Sports, a ainsi attribué huit millions d’euros à six projets fin 2020. Mathieu Domalain participe à l’un d’eux, PerfAnalytics, porté par Lionel Reveret de l’Inria de Grenoble. « PerfAnalytics vise à offrir des outils de mesure, notamment vidéo, utilisables au quotidien par les entraîneurs, avance Mathieu Domalain. En effet, nous disposons de tout le matériel nécessaire en laboratoire, mais il n’est pas adapté à la mesure embarquée. » De nombreuses études se déroulent par exemple sur des ergocycles modifiés, qui diffèrent forcément des vélos de compétition. L’écart se creuse encore plus avec le BMX Race, car on ne peut pas simuler les sauts effectués par le cycliste et son passage sur des bosses, des éléments qui fondent toute l’essence de la discipline.

L’objectif est donc de pouvoir réaliser des mesures et des analyses sur les sites d’entraînement et de compétition. Cela passe par de la transmission sans fil, la miniaturisation des capteurs et par le développement d’alternatives aux marqueurs réfléchissants utilisés en capture de mouvements. Des outils d’intelligence artificielle, dont l’apprentissage profond, sont également conçus pour analyser directement les données issues de caméras vidéo plus classiques. De quoi sérieusement muscler l’arsenal dont disposent les entraîneurs et les compétiteurs. ♦

 
Notes
  • 1. Institut P' : recherche et ingénierie en matériaux, mécanique et énergétique (CNRS).
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Auteur

Martin Koppe

Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.

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