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Demain, l’électronique flexible ?

Demain, l’électronique flexible ?

09.02.2015, par
Et si demain, nous roulions notre tablette avant de la ranger dans notre sac ? A l'université d'Arizona, comme chez les industriels, les prototypes de matériel électronique souple existent déjà.
Écrans Oled ou flexibles, cellules photovoltaïques enroulables, capteurs intelligents intégrés dans des encres… L’électronique organique promet-elle une révolution technologique ou de simples gadgets ?

Vous en avez certainement croisé en faisant vos achats de fin d’année : ces télévisions courbées de quelques millimètres d’épaisseur en font rêver plus d’un ! Une technologie est à l’origine de ces écrans ultra-plats : l’Oled1, une LED dite organique, ambassadrice d’une nouvelle électronique. Si certaines agences évaluent d’ores et déjà le marché de l’électronique organique à plus de 20 milliards de dollars, les experts expliquent à l’unisson que de nouvelles applications sont encore à venir. Dispositifs électroniques souples, enroulables, recyclables, imprimés… Bienvenue dans le monde organique des smartphones mous et de l’environnement intelligent.

Quand les polymères remplacent le silicium

Aujourd’hui, l’électronique est dominée par les composants minéraux, en particulier le silicium, qui est très robuste et ultra-performant. Puces en microélectronique, panneaux photovoltaïques, écrans… Tout (ou presque) contient du silicium. Son marché toujours croissant s’élève à plusieurs centaines de milliards de dollars. Mais, en 2000, lorsqu’Alan J. Heeger, Alan G. MacDiarmid et Hideki Shirakawa reçoivent le prix Nobel de chimie pour la découverte des polymères conducteurs, une alternative à l’utilisation des minéraux apparaît. Les polymères, ce sont ces très longues molécules qui composent les matières plastiques, les fibres naturelles (cellulose, kératine…), les caoutchoucs, les colles, les peintures, les résines… Contrairement au silicium, extrait du monde minéral, les polymères sont issus du vivant ou synthétisés en laboratoire. Le fait que des plastiques puissent être conducteurs ou semi-conducteurs constitue alors une révolution. « Puisque ces matériaux sont manipulables sous forme d’encre, on envisage très vite d’imprimer des circuits à bas coût avec des imprimantes à jet d’encre sur des supports souples de grande surface, à la manière des journaux. C’est une opération inaccessible avec la rigidité du silicium », raconte Lionel Hirsch, chercheur au Laboratoire de l’intégration du matériau au système (IMS)2 et directeur du groupement de recherche Électronique organique. Dès lors, on assiste à une poussée des technologies organiques.

Dispositif OLED flexible
Dispositif OLED souple sur substrat sans ITO. L'ITO, le matériau qui permet aujourd'hui à nos écrans d’être tactiles, supporte mal les torsions.
Dispositif OLED flexible
Dispositif OLED souple sur substrat sans ITO. L'ITO, le matériau qui permet aujourd'hui à nos écrans d’être tactiles, supporte mal les torsions.

La figure de proue de cette nouvelle vague est certainement l’Oled, la diode électroluminescente organique, qui commence à envahir nos écrans. Au vu de ses caractéristiques, elle pourrait bien dominer un jour le marché, et ce malgré son coût encore très élevé. Plus lumineuse, l'Oled présente de meilleurs contrastes, permet des écrans ultra-plats de quelques millimètres, courbes et même flexibles… Dans un écran LCD ou LED, de nombreuses couches assemblées devant un système de rétro-éclairage donnent une épaisseur minimale aux écrans. Or l’Oled émet à la fois la lumière et la couleur : l’épaisseur de l’écran est donc largement réduite. « Le marché explose, mais le produit est encore cher, du fait d'un rendement de fabrication assez bas : avoir zéro défaut sur une surface d’un mètre de diagonale est encore compliqué. Cela explique aussi pourquoi l’on retrouve davantage les Oled dans les smartphones, explique Ian Cayrefourcq, directeur des technologies émergentes chez Arkema, société partenaire du CNRS. Mais ce n’est qu’une question de temps : vu l’investissement de certaines entreprises, les coûts de production des écrans Oled vont baisser dans les années à venir. »

Electronique imprimée

Autre champ d’application de l’électronique organique : celui des capteurs et autres dispositifs souples imprimés. « Chez Arkema, on a mis au point des encres pour des mémoires, des capteurs de pression et de température ou des encres qui réagissent au toucher, décrit Ian Cayrefourcq. Nous entrons dans l’ère de l’environnement intelligent, qui demande d’avoir des capteurs partout pour gérer les consommations d’énergie, détecter la présence de personnes ou gérer la chaîne du froid d’un aliment. Mais personne ne voudra payer cher pour en avoir. » Or, pour le coût d’une impression à jet d’encre, on peut fabriquer de tels capteurs, flexibles. Le photovoltaïque est aussi visé. Le groupe français Armor, spécialiste des encres et de l’impression, va commercialiser en 2016 ses premières cellules solaires organiques dans le cadre de sa nouvelle filière « énergie », appelée Beautiful Light. Autre tendance propice à l’électronique imprimée : l’Energy Harvesting. Le concept : récolter dans les actions du quotidien de petites quantités d’énergie nécessaire pour alimenter de petits appareils. Demain, des baskets contiendront des capteurs pour calculer les calories dépensées tout en récoltant l’énergie de la course pour alimenter un baladeur ; la peinture photovoltaïque des panneaux publicitaires alimentera leur éclairage en toute autonomie.

Haut-parleurs et capteurs piézoélectriques imprimés souples.
Haut-parleurs et capteurs piézoélectriques imprimés souples.

Dernier objet de fantasme des technophiles du monde entier : des appareils flexibles, tels que ces smartphones mous qui font l’objet de présentations lors de congrès ou de projets de financement participatif. Mais, avant de parvenir à toutes ces fins, les scientifiques ont encore du pain sur la planche.

Le frein de l'encapsulation

Car la technologie n’est pas complètement mature. « Globalement, le problème majeur des matériaux organiques pour l’électronique vient de leur manque de stabilité et donc leur durée de vie. Si l’on prend l’exemple d’une cellule solaire, l’exposition au soleil et le chauffage vont modifier la taille et la nanostructure des matériaux photovoltaïques organiques et donc les dégrader. On doit encapsuler les matériaux pour protéger les dispositifs, et c’est valable pour toutes les applications », explique Lionel Hirsch, qui pointe les progrès en cours : « Nous avons, par exemple, réussi cette année une jolie avancée en mettant au point un additif qui insensibilise le matériau actif des cellules solaires organiques à la température3. »

L’encapsulation, aujourd’hui nécessaire à toutes les applications, est un frein à cette flexibilité tant désirée. « Aujourd’hui, les Oled dans les écrans sont encapsulés entre des plaques de verre, explique Georges Hadziioannou, ancien d’IBM, chercheur au Laboratoire de chimie des polymères organiques (LCPO)4. Le verre constitue un bon encapsulant, mais il n’est aucunement flexible. L’enjeu de nos recherches est autant de rendre les matériaux actifs plus stables que d’améliorer l’encapsulation souple. Nous aussi, nous avons mis au point un nouvel additif récemment. Il permet d’améliorer le rendement des cellules solaires tout en rendant leur fabrication compatible avec un support souple5. » Concernant les écrans, il faudra également remplacer un matériau qui permet à nos téléphones d’être tactiles : l’ITO (indium tin oxide pour oxyde indium étain), qui fait office d’électrode transparente et qui n’aime pas les flexions. Une course internationale est lancée ! Approchée par des collaborateurs allemands6, l’équipe de Georges Hadziioannou, en collaboration avec Arkema, a mis au point très récemment une encre conductrice qui forme un film conducteur transparent entièrement fait de polymères organiques. Les performances de souplesse et d’imprimabilité sont très prometteuses face aux autres concurrents organiques de l’ITO développés dans le monde.

Panneau solaire photovoltaïque organique flexible.
Panneau solaire photovoltaïque organique flexible.

Dans cette compétition internationale autour de l’électronique imprimée, la France se dote de lieux de rencontre entre recherches publique et privée. Portée par George Hadziioannou, en collaboration avec Arkema, ElorPrintTec7 est une nouvelle plateforme bordelaise de plus de 1 000 m² dédiée aux technologies imprimées et souples de l’électronique organique et pouvant accueillir 130 chercheurs, académiques comme industriels. Toutes les applications sont visées : Oled pour l’éclairage et l’affichage, photovoltaïque, capteurs, batteries… « Investir dans les technologies imprimées ne coûte pas aussi cher que d’investir dans les filières classiques de l’électronique. Les PME peuvent se lancer à moindre risque. L’accès à cette plateforme favorisera davantage ces investissements », explique Georges Hadziioannou. Et de nombreuses PME françaises se développent : Isorg à Grenoble pour des capteurs, DisaSolar à Limoges pour le photovoltaïque, Astron Fiamm à Marseille pour l’éclairage Oled… Quand ces nouveaux marchés dépasseront-ils le stade de niche ? Dans les cinq ou dix ans à venir ? Difficile de dire à l’heure actuelle. Mais Ian Cayrefourcq, comme les autres, est confiant, car « l’investissement engagé par les industriels du secteur high tech, notamment coréens, va être bénéfique à tous les domaines de l’électronique organique ». Encore un peu de patience, donc, avant de tordre votre smartphone dans tous les sens.

Notes
  • 1. Diode électroluminescente organique.
  • 2. Unité CNRS./Univ. de Bordeaux/Bordeaux Aquitaine INP.
  • 3. « Thermal Stabilisation of Polymer-Fullerene Bulk Heterojunction Morphology for Efficient Photovoltaic Solar Cells », L. Derue et al., Advanced Materials, 3 septembre 2014, vol. 26 (33) : 5831–5838.
  • 4. Unité CNRS./Univ. de Bordeaux/Bordeaux Aquitaine INP.
  • 5. « Block Copolymer as a Nanostructuring Agent for High-Efficiency and Annealing-Free Bulk Heterojunction Organic Solar Cells », C. Renaud et al., Advanced Materials, 24 april 2012, vol. 24 (16) : 2196–2201.
  • 6. Fraunhofer Center for Organics, Materials and Electronic Devices Dresden.
  • 7. Cet Équipex est sous la tutelle du CNRS, de l’université de Bordeaux, d’Arkema et de Bordeaux INP, en collaboration avec le CEA.
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Auteur

Jonathan Rangapanaiken

Jonathan Rangapanaiken est chef de projet au pôle événement de la direction de la communication du CNRS.

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