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Les éclipses, une aubaine pour la recherche ?
Quelles sont les spécificités de l’éclipse du 20 mars ?
Étienne Pariat1 : Il s’agit d’une éclipse qui sera visible dans sa totalité uniquement sur les îles Féroé et l’archipel du Svalbard, dans l’Atlantique Nord. En France métropolitaine, elle ne sera que partielle, avec un phénomène plus marqué dans le Nord. L’éclipse sera marquée par une marée exceptionnelle, avec un coefficient de marée de 119 sur une échelle de 120. Si les éclipses sont toujours accompagnées de fortes marées, puisque la Lune et le Soleil sont alignés et combinent leur impact, il y a deux autres causes dans ce cas précis. L’orbite de la Terre autour du Soleil et celle de la Lune autour de la Terre sont elliptiques, les distances entre les trois astres ne sont donc pas constantes. Ils seront justement relativement rapprochés vendredi, ce qui renforce l’effet de la gravité sur la marée. Mais surtout, il se trouve que l’éclipse aura lieu pendant l’équinoxe de printemps. Cela implique que le Soleil sera exactement au-dessus de l’équateur, ce qui amplifie encore plus l’effet de marée.
Est-ce que les éclipses solaires ont aujourd’hui encore un intérêt pour les chercheurs ?
É. P. : Les éclipses totales sont généralement intéressantes, car elles permettent d’observer l’atmosphère du Soleil. La couronne solaire émet une lumière qui est beaucoup plus faible que celle du disque solaire. Lors d’une éclipse, surtout totale, elle devient enfin visible, puisque le disque est masqué. C’est le seul moment où elle est aussi directement et complètement observable depuis le sol. Il existe aujourd’hui des appareils, appelés coronographes, qui produisent des éclipses artificielles en "effaçant" la partie centrale de l'étoile visible au télescope. Mais, s’ils permettent de nombreuses observations, ils restent moins efficaces que la Lune pour masquer le disque solaire. Les mesures réalisées lors d’une éclipse totale ont une bien meilleure résolution, ce qui aide à étudier plus finement les structures de la couronne solaire. Celles-ci sont façonnées par le champ magnétique de l’étoile et leur observation permet donc de mieux le connaître. Ce champ magnétique est très important, car c’est notamment le moteur des éruptions solaires.
Allez-vous profiter de cette éclipse pour mener des travaux particuliers ?
É. P. : Non, et c’est pareil pour tous les collègues que je connais. En effet, l’éclipse du 20 mars sera totale dans une zone peu accessible et aux mauvaises conditions d’ensoleillement. Il va cependant y avoir plusieurs opérations auprès du grand public, comme sur la terrasse de l’observatoire de Meudon. Le grand rendez-vous scientifique aura plutôt lieu lors de l’éclipse totale d’août 2017, qui va traverser l’ensemble des États-Unis et devrait donner lieu à davantage de travaux de recherche.
Si l’éclipse de ce vendredi n’affole pas les chercheurs, d’autres ont permis des progrès majeurs pour la science…
É. P. : C’est le cas de l’éclipse d’août 1868, pour laquelle l’astronome français Jules Janssen, le fondateur de l’observatoire de Meudon, est allé jusqu’en Inde afin de l’observer. Il a repéré une raie alors inconnue dans le spectre solaire et a ainsi découvert l’hélium : il s’agit rien moins que du second élément le plus important de l’Univers, baptisé helios – soleil en grec – du fait des circonstances de sa découverte. Celle de mai 1919 a, elle, fourni la première preuve observationnelle d’une prédiction de la relativité générale. Albert Einstein avait en effet annoncé, quelques années plus tôt, que la gravité d’un astre était capable de dévier la trajectoire de la lumière. Arthur Eddington s’est donc rendu dans l’archipel africain de Sao Tomé-et-Principe et, grâce à la disparition de la luminosité du Soleil, il a pu observer des étoiles situées derrière celui-ci. Elles étaient visibles, car notre astre avait dévié leur lumière, ce qui validait la prédiction d’Einstein.
Il existe des inquiétudes quant aux effets de l’éclipse sur le parc photovoltaïque. Une éclipse partielle affecte-t-elle à ce point la luminosité ?
É. P. : L’œil humain possède des récepteurs qui fonctionnent à l’échelle logarithmique, ce qui signifie que nous ressentirons une baisse de luminosité inférieure à l’impact réel de l’éclipse. Même dans le Nord de la France, où l’éclipse sera complète à 80 %, la baisse de luminosité semblera peu importante. Les panneaux solaires, en revanche, utilisent l’énergie réellement reçue et non pas la luminosité. L’éclipse va couvrir toute l’Europe d’un seul coup, donc il y aura nécessairement une baisse de la quantité d’énergie. Je ne suis pas un spécialiste du photovoltaïque mais, en termes de risque, il s’agit d’un événement parfaitement prédictible. Les éclipses répondent à des lois très sûres et bien connues, cela m’étonnerait donc que ces problèmes n’aient pas été anticipés.
En ligne : pour revoir les images de l'éclipse depuis le Pic du Midi : http://www.dailymotion.com/video/x2k2bit_pic-du-midi-hautes-pyrenees-replay_tv
Retrouvez toutes les infos sur le site du CNRS
A voir : "Vol d'éclipse", un film de CNRS Images tourné lors de l'éclipse totale du 11 août 1999. Pour obtenir des images malgré le mauvais temps prévu, des chercheurs avaient embarqué des caméras à bord d'un avion pour filmer l'éclipse au dessus des nuages.
- 1. Chargé de recherche au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysique (CNRS/Observatoire de Paris/UPMC/Univ. Paris Diderot).
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Auteur
Diplômé de l’École supérieure de journalisme de Lille, Martin Koppe a notamment travaillé pour les Dossiers d’archéologie, Science et Vie Junior et La Recherche, ainsi que pour le site Maxisciences.com. Il est également diplômé en histoire de l’art, en archéométrie et en épistémologie.
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