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Quel climat pour les exoplanètes ?
Véritables fournaises, rafales de vent ou encore saunas permanents, le climat des exoplanètes pourrait se révéler très exotique. C’est ce que montre le travail de prospectives de François Forget et Jérémy Leconte, chercheurs en météorologie dynamique1. Ils développent depuis 2008 un modèle numérique permettant d’imaginer le climat de ces planètes en dehors du Système solaire. « C’est un travail fondamental qui ouvre un nouveau champ de recherche, affirme Vincent Coudé du Foresto, astronome, spécialiste des exoplanètes à l’Observatoire de Paris. Car, si on est tout à fait capable de déterminer à quoi ressemble une étoile, ce n’est pas encore le cas pour les exoplanètes. »
le climat d’une
exoplanète,
il faut connaître
son insolation,
les mouvements
qu’elle effectue
et la composition
de son atmosphère.
« Pour simuler le climat d’une exoplanète, on a besoin de connaître au moins trois paramètres : l’insolation de la planète, les mouvements qu’elle effectue et la composition de son atmosphère », explique François Forget. L’insolation de la planète varie par rapport à sa distance à l’étoile et à la taille de cette dernière. Plus l’étoile est proche et massive, plus il fera chaud. L’orbite de la planète et sa rotation sur elle-même influent sur la météo et peuvent provoquer des variations climatiques à l’image des saisons sur Terre. D’ailleurs, certaines exoplanètes pourraient montrer en permanence une seule face à leur Soleil, comme la Lune autour de la Terre. Une face resterait donc dans l’obscurité et le froid permanent. L’atmosphère, elle, est composée de différents gaz, azote, souffre, oxygène, vapeur d’eau… qui, en fonction de leur nature et de leur concentration, jouent sur le climat.
Des atmosphères encore méconnues
Le but de ces recherches, c’est notamment de déterminer s’il existe beaucoup de planètes dont le climat permet à la vie de se développer. La présence d’eau est nécessaire, mais pas suffisante, car celle-ci peut, en fonction des conditions climatiques, être totalement gelée ou n’exister que sous forme de vapeur. Or l’eau à l’état liquide est indispensable pour la vie telle que nous la connaissons. Plus de 1 800 exoplanètes ont déjà été répertoriées, mais les observations restent très incomplètes. « Pour l’instant, on connaît plusieurs planètes évoluant dans des zones d’habitabilité par rapport à leur étoile, mais on ne sait pas concrètement si leur atmosphère, elle, est habitable », constate François Forget.
L’atmosphère, c’est donc le paramètre le plus problématique pour nos chercheurs. En effet, il est très difficile de déterminer la composition de l’atmosphère de corps célestes qui se trouvent à des années-lumière de la Terre : 4,3 années-lumière pour la planète la plus proche, Alpha centauri B, soit une distance 40 000 fois plus importante que celle qui nous sépare de Jupiter. La technologie actuelle permet d’analyser les atmosphères par spectroscopie quand la planète passe devant son étoile. À partir du spectre, on détermine les espèces chimiques présentes dans l’atmosphère et on estime leur concentration. Mais ce n’est réalisable que pour des exoplanètes relativement grosses de type Jupiter chaudFermerExoplanète dont la masse est comparable à celle de Jupiter, mais dont l’orbite est si proche de son étoile que sa température dépasse celle régnant sur Mercure. et qui tournent autour d’étoiles plus petites que le Soleil. Des conditions qui expliquent qu’on ne connaisse encore l’atmosphère d’aucune exoplanète rocheuse, plus similaire à la Terre.
Imaginer le climat des planètes
Ce manque de données n’a pas suffi à arrêter François Forget et Jérémy Leconte. Au contraire, ils ont commencé par bâtir une classification des atmosphères : « Nous avons essayé de déterminer quelles pouvaient être les atmosphères possibles des exoplanètes, raconte le météorologue. Cette classification est très certainement fausse, mais on a beaucoup de mal à anticiper ce qui changera avec les futures données. » Pas facile en effet de deviner les propriétés d’atmosphères encore jamais rencontrées dans le Système solaire. « Si on ne connaissait pas Saturne, personne n’aurait pensé que les planètes pouvaient être entourées d’anneaux », fait remarquer en souriant François Forget. Comme point de départ, les chercheurs ont donc utilisé les paramètres atmosphériques des planètes de notre système, mais ils savent que ce ne sera pas suffisant. « Par exemple, on ne s’attendait pas du tout à observer des planètes de type Jupiter si près du Soleil », souligne le météorologue.
Cette simulation représente une planète couverte d’océans qui présente toujours la même face à son étoile. Les nuages (en bleu) se forment côté jour et évitent aux océans d'entrer en ébullition.
(© J. Leconte (post-doctorant) avec le modèle générique de climat global du LMD)
Dernière étape, les chercheurs n’ont plus qu’à utiliser le modèle générique de climat global, le programme développé pour prévoir les climats. « On crée une sphère à laquelle on applique nos paramètres, l’insolation, le mouvement planétaire, la composition de l’atmosphère mais aussi le relief, les règles appliquées à la propagation de la lumière... Puis on lance la simulation », décrit François Forget. Il est alors possible de constater la formation de couvertures nuageuses, de glaciers ou encore d’océans. Le logiciel, similaire à ce qui existe pour prévoir la météo sur Terre, génère des scénarios climatiques qui correspondent plutôt bien à ce qui se passe sur les planètes du Système solaire. « Mais cette comparaison nous permet aussi d’identifier les phénomènes que nous avons du mal à simuler, comme la circulation des vents sur Vénus ou les tempêtes de poussière sur Mars », explique le chercheur.
Des exoplanètes toutes différentes
Mais alors, quel climat règne sur nos lointaines exoplanètes ? La simulation permet d’extrapoler les conditions climatiques de plusieurs planètes déjà répertoriées. Pour des planètes rocheuses très proches de leur soleil et qui ne lui montre qu’une face, des océans de lave se formeraient côté ensoleillé. Le côté opposé présenterait, lui, une perpétuelle nuit. La différence de température entre les deux faces serait alors à l’origine de vents de plusieurs centaines de kilomètre par heure. Corot 7b, dont la découverte avait été très médiatisée en 2009, pourrait être une de ces planètes. Les chercheurs imaginent aussi des planètes recouvertes d’eau qui, si leur température était suffisamment élevée deviendraient des planète sauna, c’est-à-dire enveloppée de vapeur d’eau. Ce pourrait être le cas de Gliese1214b. On peut aussi trouver des planètes yoyo, dont l’orbite est très excentrique, comme 16CygniBb. Elles connaîtraient des hivers très longs et des étés très courts. Pour perfectionner la simulation, il faut maintenant recueillir un maximum de données sur les exoplanètes et les confronter au modèle.
Sur cette simulation, on voit que si la Terre s'éloignait du Soleil, elle se recouvrirait de glace en vingt-cinq ans.
(© B. Charnay/LMD)
Au-delà de l’incroyable diversité des simulations, les scénarios météorologiques générés par François Forget et son équipe montrent surtout combien l’équilibre du climat est fragile. « Le climat d’une planète a tendance à s’emballer, il peut basculer brutalement à la suite des plus infimes variations des paramètres, explique-t-il. Or un des critères permettant à une planète de contenir de la vie, c’est aussi de conserver un climat stable pendant longtemps car, dès qu’il penche vers un extrême de température, c’est toute son eau liquide qui disparaît. » La Terre, qui a réussi à retenir son eau pendant 4 milliards d’années, est-elle une exception ? En tout cas, les chercheurs du Laboratoire de météorologie dynamique ont montré qu’il suffit de l’éloigner légèrement du Soleil pour qu’en vingt-cinq ans elle se transforme en boule de neige. « Il n’est pas impossible que le climat terrestre soit une exception », affirme le météorologue. La plus étrange des planètes pourrait bien être la Terre.
- 1. Laboratoire de météorologie dynamique (CNRS/École polytechnique/ENS/UPMC).
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Auteur
Journaliste scientifique, Taïna Cluzeau écrit pour les magazines Ça m’intéresse et Science et Vie junior. Ses thèmes de prédilection sont l’astronomie, le développement durable et la sociologie.
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