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De l'importance de l’intégrité en recherche
Parler d’intégrité quand on évoque le métier de la recherche, c’est presque une tautologie, car rigueur et honnêteté sont indissociables de la méthode scientifique. La « triche » a certes toujours existé, y compris de la part de savants éminents, mais le contexte contraignant de la course mondiale à l’excellence contribue à multiplier les dérives dans la pratique du métier J’aimerais évoquer ici quelques arguments justifiant de se préoccuper de l’intégrité.
L’héritage scientifique de l’humanité a une valeur sans prix
Chaque génération devrait se sentir responsable de léguer aux suivantes un héritage aussi net et soigné que possible. Ce qui vaut pour la vie en général a une importance particulière dans le domaine scientifique. Les chercheurs se doivent donc de léguer à la postérité des bases solides pour continuer le travail qu’ils ont impulsé. Les avancées de la recherche se construisent sur un stock de connaissances accumulées au cours des siècles. On pourrait objecter que beaucoup d’expériences du passé reviennent naturellement dans d’autres contextes au cours de l’évolution de la science et les remettent en cause. Une éventuelle correction dans un avenir incertain ne peut pas excuser un travail mal fait ou frauduleux aujourd’hui, d’autant que, dans un nombre croissant de domaines de recherche, la répétition effective des expériences exige des ressources si importantes qu’elle risque de ne pas se produire. Dans un tel contexte, la fiabilité des travaux accomplis et leur conservation deviennent un enjeu crucial pour la politique scientifique actuelle.
Le public doit pouvoir faire confiance à ses chercheurs et à ses experts
Si la confiance du public dans la science reste élevée, celle dans les chercheurs est moins nette et dépend des domaines. Les révélations récurrentes par les médias de cas de fraudes telles que la falsification de résultats, rares mais spectaculaires, portent atteinte à l’image des scientifiques et à leur crédibilité. Divers scandales de corruption, ou simplement de négligence, génèrent régulièrement l’angoisse et la peur des citoyens, particulièrement dans le domaine de la santé. Les chercheurs sont régulièrement consultés par leur gouvernement pour donner un avis sur des questions très diverses qui impliquent des choix politiques. L’opinion publique a facilement tendance à faire porter aux experts la responsabilité de mauvais choix. Des alternatives à l’expertise sont souvent proposées, sans trop de fondement scientifique, par des associations militantes pour ou contre certaines technologies. Dans un tel contexte foisonnant et souvent contradictoire, la parole des experts doit être reconnue comme intègre, et faire clairement le départ entre le connu et l’incertain, sans se confondre avec celle des décideurs. Notons que la défiance du public renforce la crédulité pour des « sciences alternatives » qui trouvent à se développer à travers les canaux d’Internet et offrent aux citoyens des moyens de s’informer par eux-mêmes et de se forger des convictions, parfois douteuses. Certes, les scientifiques de métier ne sont pas les seuls à chercher la vérité et celle-ci a des sources diverses. Mais les citoyens ne sont pas à l’abri de certains groupes de pression dont les méthodes visent à discréditer la démarche scientifique.
Le bon usage des financements publics est de rigueur
La recherche publique est financée par l’impôt, et les chercheurs sont redevables aux contribuables des possibilités d’exercice de leur métier. Si le métier de chercheur est souvent contraignant et vu comme plutôt mal rétribué par rapport au niveau d’études requis, il est pourtant considéré comme une profession très enviable par une grande majorité de la population. En effet, l’image du chercheur véhicule celle, si désirable, de la liberté intellectuelle. Elle incarne aussi l’espoir d’une solution raisonnée pour les grands défis sociétaux qui inspirent de nos jours l’essentiel des programmes thématiques de recherche. L’effort des finances publiques, même s’il est toujours considéré comme insuffisant par les intéressés, est vécu comme relativement lourd par le contribuable, surtout quand les finances deviennent rares. Il y a ainsi un contrat moral, en général non formalisé, entre le chercheur, l’institution qui l’emploie et les pouvoirs publics. Toute déviation par rapport à l’intégrité dans la pratique de la recherche revient à ne pas honorer ce contrat moral. Toute révélation de fraudes au grand jour fait perdre confiance aux organismes de tutelle. C’est alors le financement récurrent ou sur projet des institutions de recherche qui est mis en péril, entraînant l’affaiblissement de la capacité scientifique du pays.
Les impacts humains ou économiques de la recherche imposent sa fiabilité
Les prolongements applicatifs de certaines recherches peuvent avoir un très fort impact sur la population. C’est particulièrement vrai dans le domaine de la santé. La relation entre la recherche en amont et le développement de nouvelles molécules comporte de nombreuses étapes et toute négligence plus ou moins volontaire dans l’expérimentation et les tests préalables peut avoir de graves conséquences médicales. La vigilance s’impose aussi face aux risques de corruption, fraude et conflits d’intérêts liés aux financements fréquents de la recherche médicale par les laboratoires pharmaceutiques.
les politiques éducatives
de pays entiers.
D’autres domaines que ceux de la santé offrent aussi des risques humains considérables en cas de fraude : ainsi des résultats falsifiés en psychologie de l’enfance ont pu entraîner des erreurs prolongées et dommageables dans les politiques éducatives de pays entiers. Il en va de même dans le domaine économique. Tous les États poussent aujourd’hui fortement, avec un succès variable selon la culture du pays, à la valorisation des recherches, à la création de start-up, à la prise de brevets. La fiabilité des brevets vendus aux entreprises par les institutions de recherche est un sujet extrêmement grave sur le plan juridique, car elles en endossent la responsabilité. Un brevet fondé sur des résultats de recherche douteux, inexistants, voire simplement trop mal contrôlés, peut entraîner l’institution dans un contentieux avec l’entreprise et la faire condamner à de lourdes sanctions financières.
En guise de conclusion : la rigueur est le fondement de la science
Les théories se valident à travers des expériences qui doivent pouvoir être reproductibles d’un laboratoire à l’autre et d’une période à l’autre. Certes, le paradigme varie, les connaissances évoluent, les théories se périment au fil des temps. Elles peuvent être englobées progressivement dans des ensembles conceptuels plus généraux. Toutefois, l’intégrité de la recherche, au moment où ces connaissances sont élaborées et validées, repose sur le fait que les méthodes existantes aient été utilisées sans falsification par désir de trop prouver, sans relâchement dans l’exigence de rigueur lié à des pressions sur les acteurs de la recherche, sans biais résultant de l’idéologie, d’impératifs économiques ou politiques. L’intégrité scientifique rejoint alors l’intégrité morale.
Commentaires
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du journal CNRS
Un article intéressant mais
Roldfeiht le 2 Novembre 2014 à 06h12