Donner du sens à la science

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À travers différents projets mêlant plusieurs disciplines, ce blog vous invite à découvrir la recherche en train de se faire. Des scientifiques y racontent la genèse d’un projet en cours, leur manière d’y parvenir, leurs doutes… Ces recherches s'inscrivent dans le programme « Science avec et pour la société » de l’Agence nationale de la recherche (ANR).
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Par le réseau de communicants du CNRS

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Des métasurfaces pour les antennes de demain
02.10.2025, par Martin Koppe
Mis à jour le 02.10.2025

Avec l’arrivée de la 6G et la demande en débit, de meilleures antennes pour la connectivité haut débit doivent être développées. À Rennes, des scientifiques explorent les propriétés de métasurfaces qui offrent une meilleure bande passante.

Alors que la 5G s’est démocratisée, les chercheurs et chercheuses préparent déjà l’arrivée de la génération suivante. La 6G demandera en effet des équipements adaptés à ces nouvelles gammes de fréquences.

« Je me concentre sur l’activité qui anime le plus de scientifiques dans mon laboratoire : l’électromagnétisme appliqué, explique David González Ovejero, chargé de recherche CNRS à l’Institut d’électronique et des technologies du numérique1. Derrière ce nom, on retrouve en fait des choses que l’on utilise au quotidien, comme la conception de systèmes antennaires pour les téléphones portables ou les radars de proximité pour les voitures. L’IETR est un centre d’excellence au niveau européen et assez connu à l’échelle mondiale. »

David González Ovejero travaille à la fois sur des applications pour le domaine des communications spatiales, avec des antennes pour les transmissions par satellite ou pour apporter du WIFI dans des trains et des avions, ainsi que sur des communications terrestres. Il s’agit aussi de concevoir des antennes pour les communications hertziennes. Des travaux qui, dans les deux cas, emmènent le chercheur à utiliser des ondes millimétriques et submillimétriques, c’est-à-dire des fréquences très élevées.

Vers la 6G

« L’objectif est cependant de monter encore en fréquences pour atteindre des débits suffisants pour les services envisagés pour la future 6G, poursuit David González Ovejero. Par exemple, le premier standard de téléphonie mobile largement adopté, le GSM, marchait autour d’un gigahertz de fréquence. La bande passante du système était en partie limitée par l’antenne de réception, qui offre généralement une bande passante relative de 10 %. Imaginons que l’on pousse la fréquence à 100 gigahertz, si la bande passante relative reste de 10 %, la bande passante totale passera de 0,1 gigahertz à 10 gigahertz. Plus on monte en fréquence, plus la bande passante – et donc le débit – augmente. »

Ces avancées accordent des services de meilleure qualité et permettent de nouvelles fonctionnalités, qui demandent parfois une fiabilité absolue comme la télémédecine ou les voitures connectées. Mais il n’est pas aussi simple de monter en fréquences.

« Plus une onde a une fréquence élevée, plus elle subit de pertes quand elle se propage, précise David González Ovejero. Ces pertes sont même proportionnelles au carré de la fréquence. La première réaction serait de compenser ces pertes en augmentant la puissance du signal, mais cette solution est trop énergivore. Un des seuls éléments que l’on peut efficacement améliorer, c’est l’antenne. »

Le pouvoir des métasurfaces

Le chercheur développe donc de nouvelles architectures antennaires. L’une des possibilités explorées est de les rendre plus directives, c’est-à-dire capables de transférer un pourcentage plus élevé de la puissance rayonnée vers le point où se trouve le récepteur. Pour cela, l’énergie doit être concentrée dans une plage angulaire réduite. La première solution serait d’utiliser des réflecteurs paraboliques, comme ceux que l’on emploie pour la télévision par satellite. Car cette fois-ci, plus la fréquence augmente et plus les paraboles peuvent être petites. Elles restent cependant trop imposantes pour un déploiement massif et portatif.

David González Ovejero et son équipe s’intéressent donc plutôt aux pouvoirs des métasurfaces. Ces surfaces artificielles sont conçues pour offrir des fonctionnalités sur le contrôle des ondes, qu’elles soient acoustiques, sismiques, optiques… et, dans le cas présent, électromagnétiques. C’est leur structure, généralement périodique, plus que leur composition chimique, qui leur donne des propriétés d’atténuation, de réflexion ou encore de focalisation des ondes. Il devient ainsi possible de contrôler finement les caractéristiques des ondes électromagnétiques guidées ou rayonnées.

Métasurfaces planes contre paraboles volumiques

L’un des grands avantages des métasurfaces utilisées par David González Ovejero est qu’il est possible d’intégrer la source dans le même plan que la surface rayonnante, contrairement aux réflecteurs où la source est placée à une distance focale de la surface parabolique. De ce fait, comparées aux paraboles, ces métasurfaces sont plus faciles à intégrer car elles sont planes et non volumiques. Il suffirait alors de les installer comme on le ferait avec un poster.
Les chercheurs de l’IETR utilisent deux types de matériaux pour créer ces structures : d’un côté, des substrats de silice fondue dans lesquels sont imprimés des motifs métalliques en aluminium ou en or ; de l’autre, des substrats de silicium, dont une face est texturée, puis métallisée avec de l’or. Dans les deux cas, même si les métasurfaces tirent généralement leurs propriétés de leur périodicité, les antennes sont constituées d’un arrangement non périodique, c’est-à-dire irrégulier, de tuiles où chaque tuile possède sa propre excitation. L’augmentation du nombre de tuiles permet d’accroître proportionnellement la bande passante, sans affecter la directivité. Comme les tuiles sont disposées de manière non régulière, il faut trouver les architectures optimales avec un nombre minimal de tuiles. L’originalité réside donc dans la combinaison de périodicité et de non-périodicité pour atteindre les bandes passantes souhaitées, tout en minimisant l’impact sur les autres caractéristiques.

« Toute la chaîne de recherche est implantée dans un même bâtiment »

Les métasurfaces sont fabriquées grâce à la plateforme nanoRennes de l’IETR, labélisée par le réseau RENATECH+ du CNRS. Elles sont ensuite testées sur la plateforme M²ARS (Manufacturing measurement analysis of radiating systems), toujours à l’IETR. L’objectif final est d’atteindre des antennes ultrafines, avec une bande passante supérieure à 20 % et très directive.

« Nous bénéficions de l’un des meilleurs moyens de tests d’antennes, au niveau académique, en Europe, assure David González Ovejero. Grâce à l’écosystème très particulier de l’IETR, nous pouvons passer de la conception directement à la fabrication avec des technologies de microélectronique et d’interfaçage. Nous disposons également de systèmes de mesure. Toute la chaîne de recherche est implantée dans un même bâtiment, c’est aussi utile qu’enrichissant, car on apprend les uns des autres et l’on peut être réactifs. »

Plusieurs pistes sont explorées pour donner suite à ces travaux. Ils pourraient déjà trouver des applications dans le domaine spatial, notamment sur l’observation de la Terre par radiométrie, ou d’autres planètes par spectrométrie. David González Ovejero veut également doter, à terme, ses antennes d’une capacité d’autoalignement, par exemple avec des systèmes multifaisceaux, pour pouvoir éliminer les risques de coupure. De quoi bien préparer l’arrivée de la 6G. 

une métasurface dans la gamme sous-millimétrique ou sub-THz
Une métasurface dans la gamme sous-millimétrique ou sub-THz © David González Ovejero, IETR (CentraleSupelec/CNRS/ENS Rennes/INSA Rennes/Nantes Univ./Univ. Rennes)

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Ces recherches ont été financées en tout ou partie par l’Agence Nationale de la Recherche (ANR) au titre du projet « Aperiodic bROadband Metasurface Antennas – AROMA ». Cette communication est réalisée et financée dans le cadre de l’appel à projet Sciences Avec et Pour la Société - Culture Scientifique Technique et Industrielle pour les projets JCJC et PRC des appels à projets génériques 2022 (SAPS-CSTI-JCJC et PRC AAPG 2022).
 

Notes
  • 1. IETR, CentraleSupelec/CNRS/ENS Rennes/INSA Rennes/Nantes Univ./Univ. Rennes