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On a retrouvé le sarcophage de Ramsès II

On a retrouvé le sarcophage de Ramsès II

23.05.2024, par
Le cercueil en bois de Ramsès II lors de l'exposition "Ramsès. L'or des pharaons", en Australie, en novembre 2023.
Mystère irrésolu jusqu’ici, le sarcophage du célèbre pharaon a finalement été identifié grâce à un fragment de granit découvert à Abydos, en Égypte… en 2009. Le réexamen de cette pièce énigmatique par l’égyptologue Frédéric Payraudeau atteste qu’elle appartient bel et bien au sarcophage tant recherché.

Si l’exposition événement « Ramsès et l’or des pharaons » présentée en 2023 à Paris a permis aux visiteurs d’admirer le cercueil de Ramsès II (sa momie est exposée au Caire, au musée national de la civilisation égyptienne), son sarcophage, lui, n’a jamais été présenté au public. Et pour cause : les quelques éléments du sarcophage d'albâtre retrouvés dans la tombe de Ramsès II dans la vallée des Rois, près de Louxor, avaient été fracassés par les pillards, ne laissant intacts que de minuscules morceaux semblables à des pièces de puzzle. C’est cette fois un élément bien plus imposant du sarcophage royal qui vient d’être identifié : un fragment de granit gravé et décoré, mesurant 1,70 mètre de long pour 8 centimètres d’épaisseur. « C’est quasiment un côté entier du sarcophage, auquel il manque juste les courbures que les pillards ont dû casser, sans doute à la fin de l’Antiquité, pour ne garder que la partie plate et le réutiliser comme dallage », explique Frédéric Payraudeau, égyptologue au laboratoire Orient et Méditerranée1, qui a formellement identifié le fragment. 
 

C'est ce côté de sarcophage en granit long de 1,70 mètre qui a été formellement identifié comme appartenant au sarcophage originel de Ramsès II.
C'est ce côté de sarcophage en granit long de 1,70 mètre qui a été formellement identifié comme appartenant au sarcophage originel de Ramsès II.

Un sarcophage réutilisé

Cette découverte s’est faite d’une manière inhabituelle : en effet, l’égyptologue n’a pas lui-même trouvé le sarcophage. C’est un archéologue égyptien, Ayman Damrani, qui l’a découvert en 2009 dans le sol d’un monastère copte de la région d’Abydos, au centre de l’Égypte. Avec l’aide d’un collègue américain, Kevin Cahail, ils ont publié en 2017 les résultats de l’examen des textes et du décor du fragment, concluant qu’il s’agissait d’un sarcophage ayant été utilisé plusieurs fois, notamment pour un grand prêtre de la XXIe dynastie, Menkheperrê. Son propriétaire originel était quant à lui qualifié de « prince inconnu ».

La découverte s’est faite d’une manière inhabituelle : l’égyptologue n’a pas lui-même trouvé le sarcophage, c’est un archéologue égyptien, Ayman Damrani, qui l’a découvert en 2009 dans le sol d’un monastère copte de la région d’Abydos, au centre de l’Égypte.

« En lisant ces résultats, j’ai été pris d’un doute, raconte Frédéric Payraudeau. J’ai demandé à mon collègue américain si je pouvais réétudier le dossier, ce qu’il a accepté étant donné la complexité de ce cas. » En examinant les hiéroglyphes et les différents niveaux d’inscription, le chercheur a étayé la thèse de la réutilisation du sarcophage pour le grand prêtre Menkheperrê, mais surtout, il a identifié ce « prince inconnu »... qui n’est autre qu’un roi, en la personne de Ramsès II. « Mes collègues ont cru que le cartouche précédé du mot “roi” désignait le grand prêtre Menkheperrê qui gouvernait le sud de l’Égypte vers 1 000 av. J.-C. Or, ce cartouche datait en réalité de la précédente gravure et désignait donc son premier propriétaire. » 

Frédéric Payraudeau a également remarqué un décor qui l’a interpellé : « On y voit le Livre des Portes, un récit initiatique réservé aux rois sous l’époque des Ramsès, ce qui ne pouvait qu’indiquer un sarcophage royal. » Un dernier indice a mis fin au suspens : « Le cartouche royal comporte le nom de couronnement de Ramsès II, qui lui est propre, mais celui-ci était masqué par l'état de la pierre et par une deuxième gravure, ajoutée lors du remploi. »
 

Le cartouche mentionnant le nom de couronnement de Ramsès II (en noir), avec en surcharge le nom du grand prêtre Menkhéperrê (en gris clair).
Le cartouche mentionnant le nom de couronnement de Ramsès II (en noir), avec en surcharge le nom du grand prêtre Menkhéperrê (en gris clair).

La vallée des Rois, cible de nombreux pillages

Le règne de Ramsès II (1279-1213 av. J.-C.), pharaon de la XIXdynastie, se situe au début de la seconde moitié du Nouvel Empire, la dernière période de gloire et de prospérité de l'Égypte ancienne. Le pharaon a gouverné pendant près de soixante-sept ans – le règne le plus long de l’époque –, lui laissant largement le temps de laisser son empreinte. Surnommé le « pharaon bâtisseur », il a construit de nombreux temples partout en Égypte. « C'est très rare, sur un site antique, de ne pas retrouver le nom de Ramsès II, remarque Frédéric Payraudeau. Même sur les monuments plus anciens, il ajoutait son nom. Il a soigné la mémoire de son règne, et ça a marché. » 

Les sarcophages du successeur de Ramsès II, Mérenptah, dans sa tombe de la vallée des Rois. L’un d’entre eux a été remployé à Tanis, comme celui de Ramsès II le fut à Abydos.
Les sarcophages du successeur de Ramsès II, Mérenptah, dans sa tombe de la vallée des Rois. L’un d’entre eux a été remployé à Tanis, comme celui de Ramsès II le fut à Abydos.

Ainsi, on sait désormais que Ramsès II a été enterré dans un cercueil en or, volé dans l'Antiquité, placé dans un premier sarcophage en albâtre (celui retrouvé en mille morceaux dans sa tombe), le tout inséré dans ce grand sarcophage en granit, qui fut pillé deux cents ans plus tard par Menkheperrê pour le réemployer. « Une preuve de plus que la vallée des Rois était la cible de nombreux pillages, particulièrement au moment de la XIXe dynastie, époque marquée par une crise économique et sociale entraînant un grand manque de matériaux, durant laquelle même les souverains réutilisent les objets funéraires de leurs prédécesseurs », commente Frédéric Payraudeau.

Le fragment du sarcophage de Ramsès II est actuellement entreposé à Abydos. « J'ai prévenu mes collègues américains, conclut l’égyptologue. C’est maintenant à eux de voir avec les Égyptiens pour qu’il soit mis en valeur, dans un musée par exemple. » ♦

Notes
  • 1. Unité CNRS/Collège de France/EPHE-PSL/Sorbonne Université/Université Panthéon Sorbonne.

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du journal CNRS