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En Europe, 20 ans d'activisme extra-parlementaire de l’extrême droite sous la loupe des chercheurs
Le projet FARPO (pour Far-Right Protest Observatory) s'appuie sur des données recueillies par plusieurs projets financés par le Centre de recherche sur l'extrémisme (C-REX), le programme de recherche et d'innovation Horizon 2020 de l'Union européenne et la subvention Marie Skłodowska-Curie n° 883620 et la Fondation nationale des sciences politiques. FARPO comprend deux jeux de données différentes : le premier (FARPE), 2008-2018, offre une cartographie des mobilisations d'un échantillon d'acteurs d'extreme droite dans 12 pays (Autriche, Bulgarie, Estonie, France, Allemagne, Grèce, Hongrie, Italie, Pologne, Slovaquie, Suède, Royaume-Uni). Le second (CFP), 2008-2021, élargit l'analyse à la totalité des acteurs d'extreme droite dans 14 pays (Autriche, Belgique, France, Géorgie, Allemagne, Grèce, Italie, Pays-Bas, Norvège, Pologne, Slovaquie, Espagne, Suède, Ukraine).
Pour en savoir plus : https://farpo.eu
Quels sont les points communs entre les différents partis d’extrême droite en Europe ?
Caterina Froio1 et Pietro Castelli Gattinara2. La recherche comparative souligne qu’historiquement, ces partis partagent une vision du monde qui combine le nativisme, l’autoritarisme et le populisme. Cette idéologie est partagée par des partis qui vont de Vox en Espagne, au PIS (Prawo i Sprawiedliwość, droit et justice) en Pologne, en passant par le Rassemblement national (RN) en France, l’AfD (Alternative für Deutschland, Alternative pour l'Allemagne), le PVV (Partij voor de Vrijheid, le parti pour la liberté) en Hollande, etc. Le « nativisme », qui combine nationalisme et xénophobie, constitue l’élément idéologique central pour ces formations. Il est principalement associé aux préjugés et à l’hostilité envers les immigrants. L’attitude nativiste consiste à vouloir préserver de toutes menaces extérieures, et plus particulièrement de l’immigration, une communauté prétendument homogène sur des bases ethniques, religieuses et/ou culturelles.
Deuxième point commun, l’autoritarisme se caractérise par le respect de l’ordre public à travers des politiques de répression et l'insistance à suivre les hiérarchies et les traditions établies. Troisième caractéristique commune à l’idéologie de ces différents partis d’extrême droite, le populisme renvoie à une vision duale et manichéenne de la société, opposant un peuple représenté comme « vertueux » à des élites jugées repliées sur elles-mêmes et « corrompues » et qui affirme le primat d’une souveraineté du peuple sans entraves.
Enfin, depuis une dizaine d’années, leur discours s’est également distingué par une opposition marquée envers ce que ces partis désignent, de manière péjorative, sous l’appellation de « wokisme3 », un courant de pensée qui cible les injustices et discriminations subies par les minorités ethniques, sexuelles et religieuses, et que l'extrême droite dénonce en tant qu'« idéologie étrangère », contraire aux valeurs prétendues de la communauté nationale, ainsi qu'aux visions traditionnelles de la famille, du genre et du rôle de la religion dans la société.
Respectent-ils tous les règles du jeu démocratique ?
C. F. et P. C. G. Pas forcément. Les spécialistes de politique comparée distinguent entre, d’une part, les partis appartenant à la « droite radicale populiste », qui critiquent la démocratie représentative et s’opposent aux droits des minorités mais ne cherchent pas à renverser l’ordre constitutionnel démocratique, du moins ouvertement ; et, d’autre part, des partis de la droite dite « extrême » qui visent à remplacer la démocratie par un ordre totalitaire sans dédaigner l’usage de la violence, d’État ou insurrectionnelle, avant ou après la prise de pouvoir. Dans le premier groupe, nous mettons par exemple le RN en France, les Fratelli d’Italia, les Démocrates de Suède (SD) ; dans l’autre, des formations telles que Aube dorée en Grèce ou le parti « Notre Slovaquie » de Marian Kotleba.
Mais cette distinction commence à perdre sa pertinence, car il y a de plus en plus d'hybridation entre droite radicale, droite extrême et, dans certains pays, droite traditionnelle. Les chercheurs préfèrent donc utiliser le terme de « Far right » (qu’on traduit par « ultradroite », faute de mieux). Un bon exemple de cette hybridation est Donald Trump qui n’a pas hésité à remettre en cause le résultat d’une élection démocratique en soutenant l’assaut du Capitole en janvier 2021.
En Europe, Viktor Orban, Premier ministre hongrois, a transformé le parti libéral-conservateur Fidesz en un parti ouvertement nativiste, comme en témoignent les mots de son leader : « Nous ne voulons pas être une “race mixte”, qui se mélangerait avec des non-Européens4 ».
Il est également important de considérer, au sein de l'extrême droite, les nombreux mouvements extra-parlementaires, qui ne participent pas aux élections et utilisent parfois la violence pour se faire entendre. En Irlande, en novembre 2023, des émeutes inédites ont éclaté dans le centre de Dublin, où plusieurs centaines de personnes ont incendié des véhicules, pillé des commerces en scandant des discours haineux contre les immigrés à la suite d’une attaque au couteau attribuée, à tort, à un étranger. Les slogans visaient aussi l’attribution de logements aux étrangers, dans un contexte de forte crise du logement. En Grèce, les migrants sont régulièrement la cible d’agressions physiques. Certains de ces mouvements peuvent progressivement se structurer et s’intégrer dans la compétition électorale, comme ce fut le cas, dans le passé, de la Ligue du Nord en Italie et du Front national en France, et plus récemment des Démocrates de Suède ou du Parti populaire conservateur d'Estonie (EKRE).
L’ultradroite rassemble donc des acteurs divers qui partagent l’aspiration à une société culturellement homogène. Cette vision du monde est devenue de plus en plus évidente après les attentats du 11 septembre 2001 à New York et de 2015 en France, quand le débat dans la compétition politique en Europe s'est définitivement recentré sur des questions dites « culturelles », notamment l'immigration, l'asile et l'islam. Dans le discours d'extrême droite, ces attaques ont été interprétées comme les signes d'un prétendu affrontement global entre l'islam et l'Occident, ce qui a permis à certaines de ces formations de se repositionner en tant que défenseurs de la démocratie libérale. Cela implique d'adopter un libéralisme de façade pour stigmatiser les musulmans et d'autres minorités issues de l'immigration comme une menace pour les valeurs de la démocratie libérale, les droits des femmes et la laïcité.
Vous avez constitué une base de données sur l’extrême droite. Pourquoi et que recense-t-elle ?
C. F. et P. C. G. L'objectif est de fournir aux chercheurs des données en accès libre pour explorer des questions cruciales en sciences humaines et sociales : étudier les mobilisations extra-parlementaires de l'extrême droite permet de comprendre comment ces formations s'implantent dans la société civile et contribuent à restructurer le débat et les conflits politiques.
Jusqu'à présent, les études sur l’extrême droite se sont principalement concentrées sur leurs performances électorales, leur idéologie et les caractéristiques de leurs électeurs. Cependant, l'activisme extra-parlementaire de l’extrême droite est aujourd’hui plus visible et significatif que jamais. Par exemple, le 12 janvier 2015, Dresde a été le théâtre d'un rassemblement sans précédent de 25 000 personnes organisé par les Patriotische Europäer gegen die Islamisierung des Abendlandes (Européens patriotes contre l’islamisation de l'Occident, ou Pegida), plaidant en faveur de lois sur l’immigration plus strictes. Mais ces manifestations vont au-delà des questions d’immigration et d’islamophobie, visant également les droits LGBTQI+ et l’avortement. Tel a été le cas en Pologne en 2017 ou lors de la campagne Vizier op Links (Visez la gauche) contre les universitaires aux Pays-Bas à partir de 2020, pour ne citer que quelques exemples des nouveaux domaines extra-électoraux du militantisme d’extrême droite.
Il devient de plus en plus évident que l'extrême droite constitue désormais un mouvement d'opinion cherchant à imposer un discours hégémonique régressif. Cela se manifeste par une réorientation progressive des débats publics autour du multiculturalisme, de la citoyenneté, des droits civils, ainsi que de la science et de la liberté d'expression académique.
Notre hypothèse est que, parallèlement aux manifestations électorales, l'activisme extra-parlementaire des partis politiques ou des mouvements moins institutionnalisés participe à la constitution de l’extrême droite en tant que mouvement d’opinion. Pour obtenir une vision précise de ces mobilisations à une échelle comparative et dans le temps, nous avons analysé les « événements protestataires », c’est-à-dire les manifestations collectives et publiques menées par ces acteurs pour exprimer une critique ou un désaccord, ou pour faire avancer des revendications par des moyens non institutionnels.
Il nous a fallu dix-sept assistants de recherche et plusieurs années pour intégrer dans cette base tous les événements survenus entre 2008 et 2021 dans différents pays en Europe, y compris la Géorgie et l’Ukraine. Ces données ont été recueillies à partir de deux sources principales : les principaux journaux de chaque pays (par exemple, Le Figaro et Le Monde pour la France) et les sites web des acteurs collectifs d’extrême droite eux-mêmes. Elles sont désormais accessibles à tous sur le site de Farpo.
Le recueil de ces données a conduit à la visualisation de réseaux d’acteurs très différents, par exemple entre la France et l’Italie...
C. F. et P. C. G. Les données permettent de visualiser non seulement les événements initiés par des partis ou mouvements d'extrême droite (comme ceux organisées par Pegida chaque semaine pendant des mois à Dresde depuis 2014), mais aussi ceux organisées par d’autres groupes auxquels l’extrême droite participe avec ou sans invitation. C’est ainsi que des manifestations organisées par les « gilets jaunes » en France ont été rejointes par des individus d’extrême droite, et c’est pourquoi elles figurent sur le schéma ci-dessous.
La figure 1 montre que l'activisme extra-parlementaire en France est dominé par des acteurs non institutionnels, avec une stricte séparation entre partis politiques et groupes protestataires. Parmi les événements répertoriés, 60 % impliquaient uniquement des mouvements, 19 % des partis politiques et 20 % les deux types d’acteurs. De plus, seulement 1 % des manifestations sont organisées conjointement par des partis politiques et des acteurs non institutionnels. En somme, la France présente une discontinuité notable, ou une compartimentation, entre extrême droite institutionnelle et extra-parlementaire. Bien que certains militants de base accèdent parfois à des rôles officiels ou participent aux listes électorales du FN/RN (comme Philippe Vardon des Identitaires), ces deux sphères restent plutôt déconnectées.
On voit clairement aussi que le RN est à distance des différents partis et mouvements contestataires ; ce qui s’explique par la stratégie de Marine Le Pen de normaliser son parti en essayant de s’éloigner des formations plus sulfureuses. Enfin, on observe une dimension transnationale, même si l’analyse des données ne nous permet pas de dire si ce sont les mouvements européens qui participent à des manifestations organisées par l’extrême droite française, ou l’inverse.
L’Italie est un des pays en Europe (avec l’Allemagne) où les événements protestataires de l’extrême droite sont les plus fréquents. Le réseau italien (figure 2) a une configuration totalement différente du réseau français. Mouvements et partis y sont beaucoup plus imbriqués, dans un réseau comprenant au moins quatre centres qui correspondent à des partis fortement institutionnalisés (Fratelli d’Italia, Ligue) mais aussi à des groupes protestataires très radicaux (Forza Nuova, CasaPound Italia).
Même si l’extrême droite est au pouvoir en Italie, les manifestations de rue continuent...
C. F. et P. C. G. Oui, cette configuration, que l’on trouve également en Allemagne, montre que contrairement à une idée reçue, ce n’est pas parce qu'une formation d’extrême droite obtient de « bons » résultats électoraux que l'activisme extra-parlementaire diminue. Au contraire, en Italie comme en Allemagne, activisme institutionnel et extra-institutionnel semblent se renforcer mutuellement. En Allemagne, nous constatons une collaboration étroite entre le parti AfD et Pegida. Nos analyses montrent la participation d’individus proches de l’AfD lors des manifestations et d'autres initiatives contre l'immigration et les politiques d'asile. Or, les liens entre mouvements et partis ont des conséquences importantes : c'est précisément les liens entre Pegida et certaines figures clés de l'AfD, développés tout au long de la « crise des réfugiés », qui ont contribué à endurcir la ligne du parti en matière d'immigration. Dans plusieurs pays, les frontières entre la politique institutionnelle de l’extrême droite et l'activisme extra-parlementaire deviennent ainsi de plus en plus poreuses.
Quels sont les pays les plus contestataires ?
C. F. et P. C. G. Tous les pays offrent un terreau fertile à l'activisme extra-parlementaire de l’extrême droite. Mais sur un total de près de 5 000 événements recensés dans la base de données CFP sur la période 2008-2021, l’Allemagne et l’Italie sont largement en tête, avec respectivement un total de 1 450 et 822 manifestations, contre 350 en France, 252 en Pologne, 172 en Belgique, par exemple.
Comment expliquez-vous cette particularité italienne, le pays où l’extrême droite est la plus présente à la fois dans les urnes et dans la rue ?
C. F. et P. C. G. En Italie, il existe une forte interconnexion entre la droite institutionnelle et extra-institutionnelle. Le succès électoral des partis d'extrême droite s'est appuyé, historiquement, sur un fort activisme de rue, créant une dynamique de soutien mutuel. Aujourd'hui, l'activisme extra-parlementaire reste intense et souvent radical, car la force électorale des partis politiques tels que Fratelli d'Italia et la Ligue légitime et à la fois protège contre des possibles sanctions.
Y a-t-il une augmentation de l’activisme extra-parlementaire de l’extrême droite en Europe, et depuis quand ?
C. F. et P. C. G. En général, on ne constate pas une augmentation régulière de l'activisme extra-parlementaire de l'extrême droite à l'échelle européenne au fil du temps. Les tendances progressent de manière épisodique, souvent en réaction à des événements majeurs internationaux ou nationaux. Par exemple, des pics de mobilisations ont été observés lors de la crise économique provoquée par la faillite de la banque américaine Lehman Brothers, notamment dans les pays les plus touchés comme l'Italie et la Grèce, ainsi que lors de la crise des politiques européennes d'asile en 2015, particulièrement en Allemagne. Les données du projet CFP, qui couvrent une période plus longue, permettront de montrer un schéma similaire également pour la pandémie de Covid-19, avec une montée des mobilisations contre les mesures de confinement, mais de courte durée.
Quels thèmes sont les plus porteurs lors de ces manifestations ?
C. F. et P. C. G. Dans tous les pays, comme on pouvait s’y attendre, les activités extra-parlementaires impliquant des acteurs d’extrême droite se concentrent sur la question centrale de l’immigration et de l’intégration, en particulier dans le sillage de la crise des politiques d’asile européen. Mais dans les pays les plus touchés par la récession de 2008, notamment l’Italie et la Grèce, la mobilisation se focalise aussi sur les questions économiques et sociales.
Ces manifestations sont-elles violentes ?
C. F. et P. C. G. Dans notre base de données, nous distinguons les événements « démonstratifs » (rassemblements, manifestations), les « confrontations » (blocages de rue, occupations) ainsi que les événements « violents ». Bien que moins fréquents que les événements purement démonstratifs, ces derniers représentent environ 20% des actions répertoriées. Nos résultats remettent donc en question l'idée selon laquelle les niveaux de violence de l'extrême droite en Europe occidentale auraient diminué récemment, comme le suggèrent par exemple les études5 menées par le Centre de recherche sur l’extrémisme de l’université d’Oslo. Bien que les violences les plus graves (comme les attentats meurtriers) restent rares et soient principalement le fait d'actes individuels et/ou spontanés, les données de FARPO montrent que la présence de groupes radicaux et violents dans l'activisme extra-parlementaire de l'extrême droite reste significative.
Voit-on émerger une nouvelle génération de mouvements d’extrême droite ?
C. F. et P. C. G. Nous observons clairement l’émergence de mouvements qui révisent leur relation avec les médias d’information. Plutôt que de simplement critiquer les médias, ces groupes adoptent, comme d’autres acteurs collectifs, les logiques et les pratiques journalistiques pour promouvoir leurs causes en cherchant à obtenir une visibilité médiatique. Caterina Froio et Samuel Bouron ont mené une étude ciblée sur le Bloc identitaire (BI) et CasaPound (CP) Italia.
Ces mouvements ne se limitent pas au domaine politique, mais vont sur des territoires culturels qui les font apparaître transgressifs et attrayants (les journalistes parlent de « fascisme pop »). Ils investissent fortement les techniques de communication, ils abandonnent les symboles conventionnels de l’extrême droite (la flamme tricolore) au profit d’un sanglier (BI) et d’une tortue (CP), symboles « neutres ».
Ces nouveaux mouvements d’extrême droite mettent en scène des actions spectaculaires ajustées aux médias grand public, lesquels les couvrent comme des faits divers. Par exemple en 2004, les Identitaires promeuvent la distribution d’une soupe au cochon, qui exclut de fait les sans domiciles fixes de confession musulmane. De même, en 2003, CP s’engage dans l’occupation d’un logement pour demander « un crédit social » destiné aux familles italiennes, qui exclut de fait les non-Italiens du quartier chinois de Rome où le bâtiment se situe.
Des alliés ou, à l’inverse, des concurrents politiques peuvent se saisir de l’opportunité offerte par ce type de mouvements afin d’affirmer leur propre cadrage. L’on assiste alors à une division du travail de médiatisation complexe où l’extrême droite ne doit pas à elle seule son entrée en politique et où elle profite d’une structure médiatique dont elle apprend à tirer profit. ♦
À Lire
En anglais : « When the Far Right Makes the News: Protest Characteristics and Media Coverage of Far-Right Mobilization in Europe », Castelli Gattinara, P. et Froio, C., Comparative Political Studies, 2024, 57(3): 419-452.
« Entrer en politique par la bande médiatique ? Construction et circulation des cadrages médiatiques du Bloc identitaire et de Casapound Italia », Samuel Bouron et Caterina Froio, Question de communication, vol. 1, n° 33, 2018, p. 209-229.
« Far-right protest mobilisation in Europe: Grievances, opportunities and resources », Castelli Gattinara, P., Froio, C et Pirro ALP, European Journal of Political Research, vol. 6, n° 4, 2022, p. 1019-1041
À consulter
The PopuList (en anglais) : https://popu-list.org/
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Mobilisations conservatrices : intellectuels, mouvements sociaux et État
Comment les idées conservatrices circulent-elles d’un pays à l’autre, dans les milieux partisans, entre intellectuels et politiques, mais aussi dans le débat public ? Quels sont les facteurs sociaux, matériels, institutionnels et les contextes qui favorisent ces circulations ? Cela fait plusieurs années que Valentin Behr, chargé de recherche CNRS au Centre européen de sociologie et de science politique de la Sorbonne (CESSP, unité CNRS/EHESS/Université Panthéon Sorbonne), étudie les « mobilisations conservatrices » en Europe. « Je préfère ce terme à celui d’extrême droite, car mon hypothèse est que nous assistons aujourd’hui à une recomposition des droites au pluriel, avec un glissement vers les extrêmes de mouvements et partis de droite dits “traditionnels” ».
Le chercheur lance un nouveau projet, financé par le CNRS, intitulé « Mobilisations conservatrices : intellectuels, mouvements sociaux et État ». L’objectif est d’avoir une approche multidisciplinaire de ces mobilisations conservatrices en Europe et dans le monde, en créant un espace d’échange entre les spécialistes de l’étude des mouvements sociaux, des partis politiques, de l’économie politique et de la sociologie des intellectuels et des idées. Développé en collaboration avec des chercheurs de l’Académie polonaise des sciences, l’université de Bath, l’Inserm, l’Université libre de Bruxelles, la Nord University (Norvège), la Central European University (Autriche), l'université Paris 1 Panthéon Sorbonne et l’EHESS, le projet s’articule autour de trois questions principales : dans quelle mesure les régimes illibéraux en Hongrie et en Pologne conduisent-ils un processus de construction de l’État divergeant du modèle libéral-démocratique ? Comment pouvons-nous comprendre l’historicité et la durée du « tournant illibéral » actuel dans le monde entier ? Dans quelle mesure s’agit-il d'un phénomène transnational ? Un travail de terrain préliminaire à la fois en France et en Pologne permettra de tester la robustesse du cadre conçu pour ce projet qui devrait ensuite se dérouler sur deux années (2025-2026). ♦
- 1. Enseignante-chercheuse au Centre d'études européennes et de politique comparée (CNRS/Sciences Po Paris), co-responsable du projet Farpo.
- 2. professeur à l’Université libre de Bruxelles(ULB/Cevipol), et chercheur associé Marie Sklodowska Curie au Centre d'études européennes et de politique comparée (CNRS/Sciences Po Paris). Il dirige le projet Farpo.
- 3. Le terme anglo américain « woke » (« éveillé ») désigne initialement le fait d’être conscient des problèmes liés à la justice sociale et à l’égalité raciale. Utilisé notamment dans le monde africain et américain à partir des années 1960, il a refait surface à l’époque de la naissance du mouvement Black Lives Matter en 2014.
- 4. Discours à l’université de Baile Tusnad, en Roumanie, 24 juillet 2022.
- 5. https://www.sv.uio.no/c-rex/english/groups/rtv-dataset/
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