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Roland Marchal : « J’ai été un otage académique »

Roland Marchal : « J’ai été un otage académique »

18.05.2020, par
Roland Marchal, le 7 avril 2020.
Libéré le 20 mars dernier, le chercheur du CNRS raconte sa détention en Iran. Il s’interroge sur la capacité des scientifiques à pouvoir continuer à y travailler, alors que Fariba Adelkhah, sa compagne, vient d'être condamnée à une lourde peine de prison.

Roland Marchal s’est réveillé de son cauchemar le 20 mars dernier. Après neuf mois et demi de détention en Iran, ce spécialiste du Sahel, et notamment des guerres civiles qui rongent la corne de l’Afrique, a pu enfin regagner la France. Le 6 juin 2019, alors qu’il venait rendre visite à sa compagne, la chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah, il avait été interpellé à l’aéroport de Téhéran et emprisonné dans le quartier de haute sécurité de la prison d’Evin. Il ne le savait pas encore, mais quelques heures auparavant, elle avait également été arrêtée. Accusé d’espionnage, Roland Marchal, 63 ans à l’époque, ne découvrira que des mois plus tard qu’il était en réalité une monnaie d’échange, un « otage académique », selon ses propres termes.
 
Fariba Adelkhah, toujours détenue en Iran, s’est vu notifier samedi 16 mai sa condamnation. Avez-vous de ses nouvelles ? Que va-t-il se passer à présent ?
Roland Marchal : J’ai des nouvelles grâce à sa famille, avec laquelle elle est régulièrement en contact. Le procès de Fariba s’est finalement tenu le 18 avril dernier. Le juge avait quinze jours pour communiquer son jugement, mais il l’a transmis directement au conseil des juges des tribunaux révolutionnaires, pour avis, ce qui explique pourquoi le verdict vient seulement de lui être communiqué. Elle a été condamnée à la peine maximale, soit six ans de prison, pour « collusion » contre la sûreté nationale et « propagande contre le système ». C’est la sentence à laquelle nous nous étions préparés : en première instance, la peine maximale est généralement prononcée dans les affaires qui concernent la sécurité nationale. C’est en appel que, théoriquement, le juge regarde la valeur de l’accusation et les arguments de la défense, et peut décider de réduire la durée de la peine de façon plus ou moins substantielle. La crise actuelle liée au coronavirus et la question du prêt demandé par l’Iran au FMI modifient sensiblement la donne politique et pourraient aussi jouer en sa faveur.

Une chose est sûre : Fariba souhaite que sa libération se fasse sans conditions. Elle veut sortir la tête haute, avec son ordinateur et ses notes de terrain, et ne veut pas que sa libération soit assortie de restrictions de ses droits d’expression en Iran. Elle veut continuer à faire son travail de chercheur en Iran et ne veut se soumettre à aucun chantage, du type « on vous libère, mais gardez le silence et ne travaillez plus ». C’est une question de principe, pour elle qui est iranienne et a déjà pris position publiquement, par le passé, sur le cas d’autres détenus universitaires.

La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah a été condamnée le 16 mai 2020 à six ans de prison, la peine maximale encourue.
La chercheuse franco-iranienne Fariba Adelkhah a été condamnée le 16 mai 2020 à six ans de prison, la peine maximale encourue.

Quel était le motif de votre voyage en Iran, ce mois de juin 2019 ?
R. M. : Je suis un spécialiste des conflits armés, notamment au Soudan, en Somalie et en République centrafricaine, pays où je passe beaucoup de temps. Même si cela peut paraître difficile à envisager vu de Paris, j’allais faire du tourisme en Iran, où Fariba Adelkhah, chercheuse comme moi au Centre de recherches internationales de Sciences Po1, avait décroché un financement pour un important projet de recherche. Je travaille dans des pays qui ne sont pas forcément des destinations de vacances : on imagine mieux qu’une promenade romantique à Bangui ou sur une plage de Mogadiscio... L’Iran offre un patrimoine incroyable, la société s’est beaucoup ouverte ces vingt dernières années, et pour tout vous dire, la seule chose dont nous discutions Fariba et moi juste avant notre arrestation, c’était de choisir quelle ville visiter durant les six jours que devait durer mon séjour.
 
De quoi vous accusaient les autorités iraniennes ?
R. M. : J’ai été arrêté à ma descente d’avion, interrogé à l’aéroport puis, le lendemain, conduit à la prison d’Evin, à Téhéran, où j’ai été mis à l’isolement dans le quartier de haute sécurité contrôlé par les Pasdaran, les Gardiens de la révolution. Mon ordinateur, mon Ipad et mon téléphone ont été saisis, mes mails et tous mes dossiers ont été fouillés. J’ai subi beaucoup d’interrogatoires durant les deux premiers mois, qui tendaient à retracer ma biographie et à prouver qui j’étais vraiment selon mes geôliers : un expert de l’Iran, car pour les Pasdaran, l’Afrique ne pouvait être qu’un prétexte.
 

Mon dossier d’accusation était vide et ils cherchaient à le remplir. C’est la méthode des Pasdaran - les Gardiens de la révolution - que j’ai vue appliquée à bien d’autres détenus : d’abord on vous arrête, on vous maintient en isolement, ensuite on s’inquiète du dossier d’instruction et on vous soumet à des interrogatoires pour trouver des chefs d’accusation.

Ils m’ont d’abord accusé d’être le chef d’un grand réseau d’espionnage français en Iran, puis ça a évolué. À un moment, j’essayais d’influencer la politique extérieure de l’Iran – j’avais en effet invité un chercheur iranien à une conférence publique sur la mer Rouge organisée à Sciences Po en mars 2019. À un autre, je travaillais pour le Comité de sanctions des Nations unies sur l’Iran, sanctions contre l’Iran dont je ne connaissais même pas l’existence alors ! Tout ça sur la base d’un mail d’un ami m’indiquant que des représentants de ce comité étaient présents en République centrafricaine à mon arrivée... À la fin, j’étais devenu un agent de la CIA, car je connaissais des diplomates américains – je travaille dans des pays d’Afrique où les États-Unis sont très présents – et que j’avais été invité à participer à des conférences organisées par le Département d’État par le biais d’un de ses services aujourd’hui appelé Bureau of Research and Intelligence (intelligence veut également dire espionnage en anglais, ndlr), qui est notamment une interface avec le monde universitaire, l’équivalent du Centre d’analyse et de prévisions du Quai d’Orsay.

Mon dossier d’accusation était vide et ils cherchaient à le remplir. C’est la méthode des Pasdaran que j’ai vue appliquée à bien d’autres détenus : d’abord on vous arrête, on vous maintient en isolement, ensuite on s’inquiète du dossier d’instruction et on vous soumet à des interrogatoires pour trouver des chefs d’accusation.

N’avez-vous jamais vu de juge ? J’ai cru comprendre qu’un procès devait se tenir au mois de mars dernier – juste avant qu’on apprenne votre libération.
R. M. : J’ai vu un juge une seule fois, en février 2020, soit huit mois après mon arrestation. Il m’a signifié le chef d’inculpation pour lequel j’allais être jugé : collusion en vue de menaces sur la sécurité intérieure iranienne, sans me dire sur quels faits cette accusation était basée. Jusque-là, j’étais aux seules mains des Pasdaran, qui dépendent uniquement du Guide suprême – hors du système judiciaire iranien classique. Je n’ai vu le consul de France qu’à quatre ou cinq reprises – la première fois, un mois après mon arrestation – et mon avocat sept fois au total car les autorisations étaient rares.

Théoriquement, j’aurais dû revoir le juge pour mon audition, qui n’a jamais eu lieu. Le 3 mars, on m’a emmené au tribunal. Là, on m’a laissé dans la voiture plus d'une heure puis on m’a ramené à la prison. J’ai su après que Fariba était entrée dans la salle d’audience, mais que le juge avait récusé son avocat et qu’elle avait refusé de rester dans ces conditions. Le 19 mars, on m’a fait faire un long enregistrement vidéo, dans lequel les principales accusations ont été reprises contre moi mais où j’ai pu parler librement des conditions de ma détention, et le lendemain j’étais dans l’avion pour Paris.
 
Quelles ont été vos conditions de détention ?
R. M. : J’ai très mal vécu ma détention. Je suis quelqu’un d’un peu claustrophobe à la base et je me suis retrouvé enfermé seul dans une cellule de 3 mètres sur 1,50 dans laquelle la lumière était allumée 24 heures sur 24 et dont je ne sortais qu’une demi-heure le matin et la même durée l’après-midi, hormis pour les interrogatoires. Au début, je n’avais même pas de livres... Pendant longtemps je n’ai pas eu de lit. C’est surtout l’isolement dont j’ai le plus souffert. J’ai pu appeler mes proches trois fois seulement : J’ai parlé à ma mère une minute à la fin du mois d’août et à mon frère un peu plus longuement le 24 décembre, et une autre fois à la fin janvier.
 

Je me suis retrouvé enfermé seul dans une cellule de 3 mètres sur 1,50 dans laquelle la lumière était allumée 24 heures sur 24 et dont je ne sortais qu’une demi-heure le matin et l’après-midi, hormis pour les interrogatoires.

Avec le temps, peut-être à cause de pressions suffisamment fortes, les conditions de ma détention se sont améliorées : j’ai été placé dans une cellule avec d’autres détenus, puis j’ai été transféré dans une cellule avec un accès à une cour microscopique entourée de hauts murs, mais je pouvais être dehors et marcher un peu. Fariba a eu d’autres conditions de détention, peut-être moins dures, et s’est retrouvée finalement dans les quartiers de droit commun de la prison d’Evin, où elle est encore aujourd’hui. Elle a eu jusqu’à présent la possibilité de parler à sa famille régulièrement, voire de la rencontrer.

Quel était votre état de santé durant ces longs mois ?
R. M. : Je n’ai subi aucune violence physique et on n’a jamais porté la main sur moi. J’ai en revanche souffert de nombreux problèmes de santé liés à la détention. J’ai perdu beaucoup de poids au début, car je n’arrivais pas à m’alimenter. J’ai des problèmes d’arthrose au genou récurrents qui se sont aggravés avec l’immobilité. J’ai surtout souffert d’oppressions thoraciques qui m’ont fait craindre des problèmes cardiaques. J’ai enfin eu une hernie abdominale très douloureuse qui m’a valu une intervention chirurgicale à mon retour en France malgré le coronavirus.

Je n’ai pas été laissé sans soins durant cette période, malgré la sévérité de ma détention. J’avais accès à une clinique et je voyais le médecin qui me donnait des médicaments, tant et si bien qu’à un moment, j’étais devenu une vraie petite pharmacopée ! Je devais avoir mauvaise mine en tout cas, car à chaque fois que je l’ai vu, le consul de France s’est montré très inquiet pour ma santé.
 
Et quel était votre état d’esprit durant tout ce temps ?
R. M. : J’ai d’abord cru à un malentendu car je ne travaille pas sur l’Iran et ne me suis jamais exprimé sur ce pays, puis j’ai espéré plusieurs fois ma libération, et à chaque fois cet espoir a été vain. Après plusieurs mois, et pour éviter des déceptions chaque fois plus douloureuses, j’ai cessé d’espérer une libération rapide. Le meilleur scénario que j’entrevoyais pour moi, c’était une libération à l’été 2020 ; un scénario raisonnable, c’était après les élections américaines de novembre 2020 ; le scénario le pire était que je sois condamné et que je doive effectuer une partie de ma peine. Autant vous dire que ma libération le 20 mars dernier a été une complète surprise pour moi.

Rassemblement devant Sciences Po, le 3 mars 2020, pour réclamer la libération de Roland Marchal et Fariba Adelkhah.
Rassemblement devant Sciences Po, le 3 mars 2020, pour réclamer la libération de Roland Marchal et Fariba Adelkhah.

Avez-vous eu connaissance du comité de soutien qui s’était monté et des nombreuses actions menées, sur les réseaux sociaux notamment ?
R. M. : Non, je n’en ai rien su durant des mois. Le consul de France le savait, mais nos échanges étaient brefs et très surveillés, et il était surtout préoccupé de ma santé. C’est mon frère qui a brièvement mentionné le comité de soutien, lorsque j’ai pu l’appeler le 24 décembre, mais sans me donner de détails. J’ai su après que le président Macron a beaucoup fait pour ma libération et que les services diplomatiques français ont été très actifs... Mais le véritable enjeu de mon arrestation m’échappait à l’époque. Ce sont mes gardiens qui ont fini par me le dire, à la mi-janvier 2020, alors que je faisais une grève de la faim pour réclamer l’accès à mon avocat (ainsi qu’à mon dossier d’accusation), des appels réguliers à ma famille et cette opération de la hernie qui me faisait tant souffrir. Ils m’ont dit : « votre grève de la faim ne sert à rien, car votre sort est lié à celui d’un ingénieur iranien détenu en France ».
 
La libération de cet ingénieur iranien, c’est donc cela qui s’est joué durant tout le temps de votre détention ?
R. M. : Oui, en tout cas rétrospectivement. Cet ingénieur soupçonné de vouloir faire entrer du matériel technologique en Iran en violation des sanctions décrétées par les États-Unis a été arrêté à Nice en février 2019. Le 28 mai, la cour d’appel d’Aix en Provence a rendu un avis favorable à son extradition vers les États-Unis – et j’ai été interpellé le 6 juin à Téhéran. L’ingénieur a fait appel du jugement. La Cour de cassation a finalement confirmé la possibilité juridique d’une extradition le 11 mars 2020, mais le Premier ministre ne l’a pas signée. L’ingénieur iranien a été libéré. Il est parti le vendredi 19 mars au matin de Paris, et moi le samedi de Téhéran... J’ai été un otage académique, mais je ne suis pas le seul. Depuis l’accession au pouvoir de Donald Trump et le retour des sanctions contre l’Iran, en particulier, les Pasdaran ont de plus en plus recours à ce moyen de pression.
 
Qui sont ces autres scientifiques emprisonnés en Iran ?
R. M. : Il y a eu de nombreuses arrestations en Iran d’universitaires binationaux, avec une prédilection pour les binationaux irano-britanniques et irano-américains, car ces deux pays ont arrêté de nombreux Iraniens au prétexte qu’ils essayaient de passer outre les sanctions. Fariba a partagé sa cellule avec une anthropologue irano-australienne ; j’ai pour ma part partagé ma cellule avec un groupe de spécialistes de l’environnement d’une ONG iranienne, mais présidée par un Iranien qui avait également la nationalité américaine, arrêtés alors qu’ils travaillaient dans la région du Baloutchistan : trois ministères différents affirmaient publiquement que le dossier d’accusation était vide, mais les Pasdaran ne voulaient pas transiger ! On se souvient également du cas de Clotilde Reiss, cette jeune française qui faisait son stage de master à Ispahan et a passé près de huit mois en détention, il y a dix ans de cela...
 

Dans l’esprit des Pasdaran, tout universitaire est un espion en puissance... et travaille, même s’il ne le sait pas, pour les services secrets de son pays ! L’une des choses qu’ils n’arrivent pas à comprendre, c’est la liberté dont nous jouissons, notre capacité à choisir nos problématiques de recherche.

Dans l’esprit des Pasdaran, tout universitaire est un espion en puissance... et travaille, même s’il ne le sait pas, pour les services secrets de son pays ! L’une des choses qu’ils n’arrivent pas à comprendre, c’est la liberté dont nous jouissons, notre capacité à choisir nos problématiques de recherche. Le CNRS, qui m’emploie, ne me demande ni qui je vois, ni ne me dicte mes articles, ni ne choisit le thème de mes recherches... C’est une liberté académique dont peuvent seulement rêver les universitaires iraniens, mais à laquelle ils n’ont pas accès, eux qui ne peuvent pas avoir de vrais débats publics ni assister à un colloque sans avoir de chiens de garde dans le fond de la salle. Il ne faut pas être dupe : les services de renseignement occidentaux gardent aussi un œil sur nous, chercheurs, mais cela n’entrave pas notre liberté de parole ni d’action...

Pensez-vous qu’il faille cesser la coopération scientifique avec l’Iran ?
R. M. : Je suis universitaire et je pense qu’il est important d’avoir une coopération scientifique avec ce pays et de développer les échanges universitaires. Je suis donc hostile à un quelconque boycott. Mais en tant que scientifiques, nous devons pouvoir travailler en Iran en ayant la garantie que nous ne serons pas inquiétés sans motif valable, ou sur des bases complètement délirantes... de la même façon qu’on n’arrête pas n’importe comment un journaliste étranger. Ce doit être une priorité d’agenda pour nos autorités, au niveau français et européen, que d’obtenir un minimum de garanties sur le respect des scientifiques. L’hyper-politisation du système judiciaire – dont mon arrestation est une illustration – dessert l’Iran pas simplement dans le domaine universitaire, mais aussi économique.
 

Je suis universitaire et je pense important d’avoir une coopération scientifique avec l'Iran. Mais nous devons pouvoir travailler en ayant la garantie que nous ne serons pas inquiétés sans motif valable. Ce doit être une priorité d’agenda pour nos autorités.

Quand on est sur le terrain, il n’est pas rare de connaître des péripéties, cela fait partie de nos métiers de chercheurs. J’ai moi-même été arrêté plusieurs fois dans le cadre de mes recherches en Afrique, de façon plus ou moins rocambolesque – mais j’ai toujours été relâché rapidement sans conséquence sur mon travail. Cette réflexion doit dépasser le cadre de l’Iran et intégrer aussi la coopération scientifique avec d’autres pays du Golfe. Les libertés universitaires sont aussi réduites aux acquêts en Arabie saoudite et aux Émirats arabes unis, n’en déplaise à certains responsables européens. Il faut une transparence, des espaces de liberté universitaire, sans remettre en cause les lois locales bien sûr.

 
Le métier de chercheur est-il devenu un métier à risque ? La liberté académique dérange-t-elle de plus en plus d’États et de gouvernements ?
R. M. : Il y a effectivement la tentation de certains États autoritaires de limiter l’accès au terrain des chercheurs, mais aussi des journalistes, dans une volonté de contrôle de l’information : l’information, on le sait, nourrit le débat public et une possible contestation… C’est le cas en Iran, bien sûr, où la situation est paradigmatique, mais aussi en Arabie saoudite, dans les Émirats arabes unis, en Égypte, en Somalie ou en Érythrée, notamment… Mais ce n’est pas le seul frein à la recherche.

Les pays démocratiques eux-mêmes - la France et l'institution à laquelle j'appartiens ne font pas exception - tendent à limiter de plus en plus notre accès au terrain dans les pays considérés comme instables. Mes confrères et moi-même nous voyons régulièrement opposer des refus sur des missions, au motif qu’elles se déroulent dans un pays apparaissant sur la liste des pays à risque du quai d’Orsay – mais il faut rappeler ici que cette liste est destinée avant tout aux touristes ! L’évaluation des risques dans le cadre de la coopération scientifique doit prendre en compte d’autres critères et reposer sur un dialogue nourri avec les scientifiques. Sans travail de terrain, notre capacité à comprendre une situation est fortement limitée. On ne peut pas prétendre connaître la situation dans un pays sur la seule base de documents ou d’entretiens téléphoniques.
 
Comment allez-vous, aujourd’hui ? Rappelons ici que vous êtes rentré en France le 20 mars, soit juste au début du confinement...
R. M. : C’est une situation assez particulière, en effet, de sortir de prison pour se retrouver aussitôt confiné, mais soyons clairs, le confinement n’a rien de comparable avec ce que j’ai vécu. Ne pas avoir à retourner tout de suite au travail et à la vie normale a presque été une chance pour moi, une sorte de sas de décompression. À mon retour j’étais très fatigué et je dois aussi récupérer de mon opération... Tant que je peux sortir, me dégourdir les jambes, ne plus me sentir entre quatre murs, tout va bien ! Donc, je vais mieux aujourd’hui, oui. Je commence à retravailler... La seule chose que je regrette, depuis mon retour à Paris, c’est de ne pas pouvoir marcher dans un jardin public, sans murs autour de moi. J’en rêvais tellement quand j’étais en détention... Je l’avais d’ailleurs demandé comme un service à l’un de mes codétenus, lorsqu’il a été libéré début mars : « va dans un jardin de Téhéran et pense une minute à moi et à cette liberté dont nous rêvons tant ». ♦

Notes
  • 1. Unité CNRS/Sciences Po Paris.

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