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Et si on faisait planer le solaire...
Et si, au lieu d’attendre que les rayons du soleil n’atteignent des panneaux solaires posés au sol, nous utilisions des ballons pour récolter cette source d’énergie en altitude, où la place ne manque pas, où le rendement serait multiplié et où aucun nuage ne risquerait d’interrompre la production ? C’est le projet, pas si fou que ça, actuellement étudié par le laboratoire franco-japonais NextPV.
Le soleil n’est pas intermittent
Sur fond de changement climatique, de transition énergétique et de COP 21, on cherche plus que jamais les composants du mix énergétique qui soient peu polluants, bon marché, peu émetteurs de gaz à effet de serre, abondants, sûrs dans l’utilisation, disponibles à la demande, ubiquitaires, rapidement déployables et ayant une faible empreinte territoriale et environnementale. L’énergie solaire, dans sa version actuelle, ne répond pas encore à tous ces critères.
Le problème avec l’énergie photovoltaïque, entend-on, est que le soleil disparaît derrière les nuages et rend la production d’électricité intermittente et aléatoire. Mais pour peu que l’on soit au-dessus du couvercle nuageux, le soleil rayonne en permanence tant qu’il fait jour. A 6 km d’altitude, en n’importe quel point du globe, il n’y a que rarement des nuages et à 20 km, il n’y en a plus du tout. Là-haut, pas d’ombre et peu de diffusion des rayons du soleil par l’atmosphère : la lumière arrive en droite ligne du soleil. Ce que le ciel perd de bleu se retrouve dans l’intensité de l’illumination directe : la concentration solaire permet en effet des schémas de conversion, et donc des rendements, beaucoup plus efficaces1.
Dans ces conditions, la ressource énergétique est 5 fois plus abondante qu’au sol2, et la production parfaitement prédictible. Pourquoi dès lors ne pas placer les capteurs solaires au-dessus des nuages, là où le soleil rayonne en permanence ? Une possibilité est de faire porter les panneaux solaires par des ballons, captifs ou non. Plusieurs projets ont montré la faisabilité de ballons pour des altitudes bien supérieures à 20 km. Thales (Stratobus) et Google (Loon) envisagent d’ailleurs d’utiliser des aéronefs stratosphériques pour se substituer à moindre coût aux flottes de satellites actuellement utilisées pour les télécommunications.
Serait-ce irréaliste ? Il n’y a pas encore de réalisation mais plusieurs études documentées semblent montrer que c’est faisable. Mais ce ne serait pas aisé non plus en raison des nombreuses difficultés techniques et règlementaires à surmonter.
Encore un effort pour un développement vraiment soutenable
Devenue globalement visible il y a une quinzaine d’années seulement, l’énergie solaire photovoltaïque n’est économiquement compétitive sur de grands segments de marché que depuis 5 ans. En l’an 2000, on comptait à peine un gigawatt installé dans le monde, contre plus de 200 aujourd’hui. Avec la montée en puissance d’une production de masse, le prix des panneaux solaires a tellement baissé ces dernières années que plus de la moitié du coût de l’électricité solaire vient désormais des coûts liés à l’installation.
La fourniture la plus économique d’électricité photovoltaïque est obtenue dans les fermes solaires où les prix descendent sous la barre des 10 cts du kWh. Toutefois, ce mode de déploiement est gourmand en espace. Les besoins en électricité en France pourraient en principe être couverts par des champs solaires occupant environ 1% du territoire : une surface à la fois modeste et considérable, car équivalente à celles des terres urbanisée… Et cela sans compter la centaine de millions de tonnes de verre qu’il faudrait pour fabriquer les panneaux solaires!
La COP21 pose la question des conditions d’un déploiement à la fois soutenable et suffisamment massif des énergies propres pour peser significativement sur le mix énergétique. Dans le cas du solaire, cela nécessiterait une production continue de plus d’un Térawatt de puissance électrique. Or il n’est pas sûr que les approches actuelles permettent d’atteindre cet objectif, en particulier pour une production proche des lieux de consommation, y compris hors des endroits où l’ensoleillement est très important au sol. En revanche, l’utilisation de ballons captifs, fabriqués à partir de matériaux polymères à faible contenu énergétique, faciles à produire à grande échelle, dont l’installation soit à la fois rapide et réversible, flottant en altitude, et donc avec une très faible emprise au sol, prend en compte les exigences d’une véritable transition.
Une telle approche, pour hétérodoxe qu’elle puisse paraître, semble préférable à l’extraction de matières toxiques et nauséabondes de notre sous-sol au prix de nombreuses vies humaines et de dégâts irréversibles à notre maison commune. Ce n’est certes pas la seule voie possible, mais elle ouvre sur un changement de paradigme et mérite d’être étudiée. Tant et si bien qu’un consortium international soit en train de se constituer, à l’initiative d’un laboratoire du CNRS franco-japonais, NEXTPV, pour étudier la question plus en détail et réaliser un premier démonstrateur dans un programme nécessitant la mise en commun de compétences très diverses ainsi que cela avait été fait pour le programme Dirisoft, dont les acteurs sont également associés à la démarche. Un premier séminaire sur le sujet s’est tenu à Tokyo le 10 novembre, à l’ambassade de France. En parallèle, une réflexion sur les questions sociétales démarre aussi autour de l’école des Mines-ParisTech.
Du soleil et de l’hydrogène
Mais il y a plus. L’un des verrous actuels au déploiement d’énergies renouvelables comme le solaire est la nécessité de recourir au stockage d’électricité. Les batteries, et notamment celle au lithium, sont efficaces, mais restent coûteuses pour une application à l’échelle envisagée ici et pourraient poser des problèmes environnementaux.
Une solution élégante pourrait être fournie par l’utilisation de l’hydrogène comme vecteur énergétique. Il peut être obtenue par électrolyse de l’eau, en utilisant l’électricité excédentaire le jour, et redonner de l’électricité à la demande en le recombinant avec de l’oxygène pour redonner de l’eau pure, dans une pile à combustible. D’autant que ce même hydrogène pourrait aussi remplir et maintenir les ballons captifs en l’air à moindre coût. Un ballon d’altitude captif de taille raisonnable peut contenir une dizaine de jours de production d’énergie solaire ; de quoi donc facilement assurer la fourniture en énergie du soir et attendre le matin.
Ainsi, en réduisant les coûts de structure et d’installation, en assurant un rendement de conversion élevé et un accès quasi continu à une ressource abondante, on prouverait qu’une électricité propre peut être moins chère à produire qu’une électricité au charbon. Il suffit de lever les yeux…
Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.
- 1. Les modules photovoltaïques courants ont un rendement de 15 à 20% actuellement, mais les modules CPV, fonctionnant sous forte concentration approchent les 40% de rendement (Fraunhofer-ISE). Quant aux cellules solaires sous concentration en laboratoire, elles viennent de dépasser les 45% de rendement (SOITEC).
- 2. En considérant l'illumination sur un capteur plan au sol sous nos latitudes = 1 000 MWh/an/m² et un capteur avec tracking en altitude (1200 W/m² x 4380 h/an soit 5,25 MWh/an/m²) à n'importe quelle latitude