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Énergie : les promesses de l'hydrogène
L’énergie, son utilisation et son accessibilité constituent l’un des enjeux majeurs pour le futur de notre civilisation. La population mondiale augmente et malgré des efforts pour restreindre nos besoins énergétiques, ceux-ci ne vont certainement pas tendre à baisser dans un avenir proche. En outre, si on y regarde de près, beaucoup de nouveaux développements technologiques sont associés à l’énergie, ainsi que, malheureusement bon nombre de conflits, ou de tensions géopolitiques.
Dans ce contexte, et en prenant un peu de recul, quel est le portrait-robot d’une bonne solution pour la fourniture énergétique du futur ? Tout d’abord, celle-ci doit être abondante et durable, s’appuyant sur des ressources renouvelables à l’échelle d’une vie humaine. Elle doit être propre, respectueuse de l’environnement et ne doit pas générer de gaz à effet de serre. En outre, elle doit être accessible à tous, en tout point de la planète. Et enfin pouvoir être déclinée dans un grand nombre de contextes applicatifs. Peut-on considérer l’hydrogène comme une bonne solution ? Examinons un peu sa candidature à l’aune de ces différents critères.
En préambule, rappelons que l’hydrogène est l’élément le plus abondant dans l’univers : 75% en masse et 92% en nombre d’atomes. Un bon point pour lui… même s’il faut préciser dans la foulée que sur Terre, il n’est que rarement présent naturellement sous forme de dihydrogène. Il faut donc le produire (on parle de « vecteur énergétique »), ce qui nous amène au second critère, celui de la durabilité.
Est-il possible de produire de l’hydrogène à partir de ressources renouvelables ? Oui, et c’est même extrêmement facile de le faire à partir d’électrolyse de l’eau. Mais c’est là que les choses peuvent se compliquer au niveau environnemental : le procédé peut être propre à la condition que l’électricité nécessaire à sa production soit d’origine renouvelable (éolien, photovoltaïque, etc.). On peut d’ailleurs imaginer utiliser l’hydrogène-énergie comme moyen pour lisser la production électrique intermittente, d’origine renouvelable. Mais le procédé peut aussi avoir un impact négatif sur l’environnement si cette production est basée sur des ressources fossiles… ce qui est le cas aujourd’hui. Si la volonté politique et sociale existe, la transition sera facile. Nous sommes nombreux à penser que la production d’hydrogène à partir d’énergies renouvelables est LA solution.
Sur ce point, les détracteurs évoquent souvent le rendement de cette filière de production d’hydrogène qui serait mauvais… Bien entendu, le rendement de l’électrolyse se situe aux voisinages de 70%, ce qui peut sembler faible, par rapport à des sources énergétiques fossiles qui sont immédiatement disponibles. Mais ceci est à nuancer par l’excellent rendement électrique des systèmes piles à hydrogène : ce dernier peut dépasser les 50% ce qui est beaucoup en comparaison du rendement des machines thermiques. Et surtout, si nous nous plaçons d’un point de vue financier, la source primaire (vent, soleil, etc.) est gratuite… Bref, la question du rendement ne saurait constituer un argument sérieux contre le candidat hydrogène. Passons au critère suivant, l’accessibilité en tout point de la planète.
Du groupe électrogène aux applications spatiales
Là encore la réponse est positive d’un point de vue technique. Le soleil et le vent sont des ressources très bien distribuées sur la planète. Il est même possible de produire son propre hydrogène chez soi, avec quelques panneaux photovoltaïques placés sur le toit ou la façade de sa maison ou de son immeuble. Les coûts des électrolyseurs et des piles à hydrogène doit cependant encore être diminué, pour le rendre accessible financièrement au plus grand nombre. Ceci passe par une amélioration de l’efficacité énergétique de ces dispositifs, de leur durabilité et par une augmentation des volumes produits… bref, par la structuration industrielle de la filière.
Les applications potentielles de l’hydrogène-énergie sont-elles suffisamment larges et diversifiées ? La réponse est oui, mille fois oui ! En effet, comme déjà évoqué, l’hydrogène est un vecteur énergétique, qui plus est « dual » à l’électricité : il est particulièrement aisé de passer de l’hydrogène à l’électricité grâce à une pile à hydrogène, et d’électricité à hydrogène grâce à un électrolyseur d’eau, tout ceci sans émission d’aucun polluant. Il constitue donc une solution de stockage d’électricité, sur du long terme et peut-être utilisé dans toutes les applications actuelle ou potentielle de l’électricité. Groupes électrogènes stationnaires, propres et silencieux1, petites alimentations électriques nomades pour le tourisme, dispositifs de production d’électricité, d’eau chaude sanitaire et de froid pour des bâtiments, stockage à long terme de l’électricité sur des réseaux ou micro-réseaux électriques…
Attardons-nous sur l’une de ces applications, et pas la moindre : l’alimentation de véhicules électriques (voitures, camions, bus, trains). Le « plus » de l’hydrogène par rapport aux véhicules électriques à batterie réside d’une part dans l’augmentation drastique de l’autonomie : un véhicule familial peut parcourir environ 100 km avec 1 seul kilogramme d’hydrogène. Et d’autre part dans la réduction tout aussi drastique des temps de recharge puisqu’il est possible de faire le plein en quelques minutes seulement. Nul doute que l’hydrogène–énergie tiendra une place de choix dans les échanges qui auront lieu à Belfort du 11 au 14 décembre 2017, lors de la conférence internationale IEEE VPPC’2017 que je préside et qui va réunir des centaines d’experts de la mobilité électrique. Notons que l’hydrogène peut alimenter tout ou partie de bien d’autres sortes de véhicule : chariots élévateurs fonctionnant 24h/24 dans les entrepôts, drones de livraison et de surveillance, engins agricoles, engins de manutention dans les ports, etc. Et n’oublions pas les applications spatiales, qui sont à l’origine de premiers travaux de développement et d’ingénierie autour de cette technologie…
Des recherches foisonnantes
Pour concrétiser le formidable potentiel de l’hydrogène, de nombreuses recherches ont lieu dans les laboratoires, comme par exemple les travaux menés dans le cadre du GDR HySPàC. Pour ma part, avec un œil d’ingénieur de formation, j’ai adopté depuis près de 20 ans une approche « top-down » afin d’accélérer les développements de cette technologie. Il s’agit d’identifier, en lien avec les acteurs industriels du secteur -ou susceptibles de le devenir-, les verrous technologiques à relever et à les traduire en défis scientifiques. Cette approche est très complémentaire à celle, plus « bottom-up », du matériau à l’objet, développée au sein des laboratoires de chimie ou d’électrochimie du CNRS. En travaillant le sujet par les « deux bouts » simultanément, nous gagnons en efficacité et nous accélérons les développements.
Mes principales activités de recherche se concentrent sur l’augmentation de l’efficience énergétique et de la durabilité des systèmes hydrogène-énergie. En travaillant à la fois sur l’identification de l’état de santé de la pile à hydrogène, sur le temps restant de bon fonctionnement (eu égard à un cycle d’usage donné ou estimé), sur l’optimisation du pilotage du système grâce à ces informations, il nous a été possible de faire progresser significativement la maturité technologique de l’hydrogène-énergie, d’accompagner les industriels du secteur au niveau international, et de lancer également nos propres start-ups. Ces recherches se mènent avec les équipes évoluant au sein de la fédération de recherche CNRS FCLAB et constitue un travail collectif interdisciplinaire. Une dimension indispensable, peut-être plus ici qu’ailleurs compte-tenu de la nature de notre objet d’étude qui requiert des compétences en génie électrique, mécanique, thermique, électrochimie ou matériaux mais aussi en économie et dans les autres sciences humaines et sociales. C’est ce travail collectif qui permettra assurément à l’hydrogène de jouer le rôle qu’il mérite dans le paysage énergétique de demain.
Les points de vue, les opinions et les analyses publiés dans cette rubrique n’engagent que leur auteur. Ils ne sauraient constituer une quelconque position du CNRS.
- 1. Voir notamment la société H2SYS (http://www.h2sys.fr), start-up issue de la recherche du CNRS